Afrique Express N° 246   du 14/03/2002

  Madagascar

 Manandafy, la tête pensante de Ravalomanana?

 Marc Ravalomanana, novice en politique en regard de l'histoire du pays, a été soutenu lors de sa candidature par une kyrielle de partis plus ou moins importants. Outre l'ancien Premier ministre d'Albert Zafy, Norbert Ratsirahonana, une des têtes pensantes de l'entourage de Ravalomanana semble être Manandafy Rakotonirina, le leader du MFM (Mpitolona ho amin'ny Fanjakan'ny Madinika/Mouvement pour le progrès de Madagascar). Le MFM est membre du KMMR (Comité de soutien du candidat Marc Ravalomanana).  

Dès le 2 novembre 2001, par un communiqué, le MFM présageait que le président sortant Didier Ratsiraka ne se résoudrait pas au verdict des urnes et parlait, déjà, de la nécessité de former un gouvernement-bis.

Même propos prémonitoires concernant d'éventuels soutiens de l'armée à Ravalomanana. Sur ce terrain, Manandafy s'est toujours montré confiant, assurant qu'une grande partie de l'armée malgache rejoindrait l'opposant. Ce qui arriva.

Le N° 2 du MFM, Germain Rakotonirainy, qui en est le secrétaire général, prévoyait lui, bien avant le scrutin de décembre, des dissensions au sein de l'Arema, le parti de Didier Ratsiraka, y compris au sein de l'administration, évoquant des possibles défaillances des gouverneurs de provinces, qui disposent de pouvoirs exorbitants mais qui n'ont pas des moyens à la mesure de ces pouvoirs.

De fait, l'Arema s'est faite très discrète depuis la crise politique, son secrétaire général, et aussi vice-Premier ministre, Pierrot Rajaonarivelo, ayant plusieurs fois donné des gages de sa bonne foi à l'adresse de l'opposition.

Quant au gouvernement en place avant la présidentielle, il a depuis véritablement éclaté, avec la démission, fin février de la ministre des Affaires étrangères, Lila Ratsifandrihamanana, suivie de celle du ministre des Postes et Télécommunications, Ny Hasina Andriamanjato. Le coup de grâce à ce gouvernement a sans doute été donné avec la dernière démission en date, celle, le 8 mars, du ministre de la défense, le général Marcel Ranjeva.

Enfin, du côté des gouverneurs, Pascal Rakotomavo, qui est la tête de la province d'Antananarivo, foyer de la contestation, s'est bien gardé jusqu'à présent d'appliquer ou même de tenter de faire appliquer la moindre résolution décrétée par le président Ratsiraka.

Dans tous ces domaines, le MFM avait donc vu juste.

Le MFM n'a officiellement déclaré son soutien à Marc Ravalomanana que début novembre, après avoir négocié l'après-victoire. En échange de l'apport de l'expérience de ses militants en matière électorale, le MFM, selon la presse malgache, a obtenu de Ravalomanana l'assurance de la régionalisation en 26 ou 28 régions de Madagascar.

Quant à l'avenir, Manandafy est d'ores et déjà prêt à de futures confrontations politiques avec ses alliés d'aujourd'hui. Le MFM ne disposant aujourd'hui que de trois députés à l'Assemblée, en s'étant montré comme l'un des plus fermes soutien à Marc Ravalomanana, il pourrait en tirer les bénéfices lors des futures élections législatives.

 Manandafy Rakotonirina,

le "gauchiste", vieux briscard de la politique

 "Teint noir, yeux brillants, corps mince. Cet agitateur de 35 ans, qui abandonna le droit pour la sociologie «parce qu'elle donna des outils Intellectuels très précieux pour qui veut comprendre le peuple», est d'un calme impressionnant.". C'est ainsi que l'africaniste politologue Antoine Bouillon décrivait Manandafy Rakotonirina en novembre 1973. Avec le temps, hormis la chevelure qui s'est grisée, l'homme n'a guère changé. La voix est toujours calme, le propos toujours précis et acerbe.

Manandafy Rakotonirina est né le 30 octobre 1938 à Fandriana dans la province de Fianarantsoa. Après des études primaires et secondaires à Ambositra et à Antsirabe, puis les facultés du droit et de lettre d'Antananarivo, il devient assistant à l'Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie.

C'est alors qu'il se lance dans la politique au sein du MO.NI.MA. (Madagasikara Otronin'ny Malagasy), parti créé 1958 par M. Monja Jaona. Professeur de sociologie, Manandafy prône le soulèvement populaire, et est arrêté en avril 1971 comme membre du parti MO.NI.MA.

Il fonde le parti M.F.M. (à l'époque Parti des militants pour le pouvoir prolétarien) le 27 décembre 1972 avec notamment l'actuel numéro 2 du MFM, Rakotonirainy Germain, surnommé "Le Lynx". Alors que le pays est dirigé depuis mai 1972 par le général Gabriel Ramanatsoa auquel le président Philibert Tsiranana a remis les pouvoirs, Manandafy est à nouveau arrêté en mai 1973 pour avoir organisé une commémoration du 13 mai 1972, jour où fut brûlé l'Hôtel de Ville d'Antananarivo par des manifestants pour en déloger des membres des forces de l'ordre. L'incendie du 13 mai 1972 marqua le début de cinq journées de soulèvement populaire et de répression aussi aveugle que meurtrière. Les manifestants réclamaient la démission du président de l'époque, Philibert Tsiranana. Manandafy, en mai 1972, était l'un des principaux animateurs de la contestation. C'est lui qui lira sur la place de l'hotel de ville de Tananarive, une adresse réclamant la destitution du président Tsiranana.

Les rapports de Manandafy avec le pouvoir ne s'amélioreront que pendant très peu de temps avec l'arrivée à la tête de l'Etat de l'amiral Ratsiraka en 1975. Dès septembre 1976, le MFM est officiellement dissout et Manandafy assigné en résidence surveillée jusqu'en janvier 1977.

Pour continuer à pouvoir exister, le MFM intègre le FNDR (Front national pour la défense de la révolution) seule structure légale pour faire de la politique. Manandafy devient alors membre du Conseil Suprême de la Révolution et dirige la commission économique.

Il se présente à l'élection présidentielle de mars 1989, contre Ratsiraka et frôle les 20% des suffrages.

A nouveau à la tête de la contestation au sein des Forces Vives en 190/91, il devient co-président du CRES (Comité pour le redressement économique et social) pendant la période de transition, d'octobre 1991 jusqu'à la mise en place de la 3ème République (1992).

Manandafy est à nouveau candidat à la présidence de la République lors de l'élection de novembre 1992, et arrive en troisième position, avec 10,45% des suffrages derrière Albert Zafy, qui est élu président, et l'amiral Ratsiraka, deuxième. Manandafy se présente malgré tout à l'élection du Premier Ministre par le Parlement, mais sans succès.

Elu député de la circonscription de Manandrina lors des législatives de 1993, il conservera ce mandat jusqu'à la fin de la législature en 1998.

A l'origine, parti prolétarien pour la défense de la masse populaire et d'obédience marxiste, le MFM s'est converti doucement au libéralisme dans les années 80. Que penser pour autant de cette alliance entre un homme comme Manandafy, dont le passé et la culture politique sont aux antipodes de ce que représente Marc Ravalomanana ?

Lequel des deux s'est servi de l'autre comme d'un bélier pour enfoncer la porte du pouvoir ? L'avenir le dira sans doute très rapidement. Le MFM qui s'est bien gardé d'envoyer des représentants dans le gouvernement formé par Ravalomanana, se réserve sans doute pour la future bataille des législatives qui permettront à chacun d'afficher ses réelles convictions.

 Un site internet pour de nombreuses informations sur l'histoire politique du pays
et sur le MFM en particuliers: http://perso.club-internet.fr/nahoanik

 

adresse du site actuelle http://www.mfm-malgache.com