Thème : l'armée malgache

Les missions de l'armée et sa place dans la société.

La question de l'armée , aujourd'hui à Madagascar comme dans bon nombre de pays africains est une question centrale dans la mesure où son traitement montrera la capacité du pays à faire face aux problèmes importants qui se posent à un pays sous développé. Un des postes budgétaires les plus importants, son utilité n'a jamais été démontrée ni remise en question faute de courage politique ou intellectuel suffisants. Dans quelles mesures de telles dépenses sont justifiés? sinon quelles sont les pistes d'une réforme?

La mission courante de l'armée est la défense du territoire contre toute agression de pays étrangers. Du moins en est-il à l'exception de la gendarmerie nationale. Or, aujourd'hui et dans les décennies futures, de telles agressions peuvent être considérées comme très peu probables; quand bien même y en aurait-il que l'équipement de l'armée malgache ne lui permettra pas d'y faire face. Autant considérer cette mission comme minime par rapport aux défis sociaux et économiques qui nous attendent.

Il y eu cependant une mission qui avait été dédiée à l'armée qui fut celle des bérets verts (services civiques). La mission consistait a faire participer au développement agricole. Ce fut l'idée de l'armée alimentairement autonome et même productive. Ce n'était qu'illusion car ce n'est ni le rôle de l'armée ni sa mission. Même si on peut discourir longtemps sur le caractère guerrier de la lutte contre le sous développement, cette guerre là ne peut relever de la défense du territoire. Les faits on d'ailleurs prouvé que ce type de production n'est pas rentable.

Mis à part le cas de la gendarmerie, la paix civile intérieure n'est pas non plus du ressort de l'armée. D'abord elle n'est ni entraînée ni équipée pour cela, ensuite se pose un problème de taille : il arrivera un moment où les armes destinées à être dirigées contre les ennemis de la nation seront dirigées contre les citoyens malgaches eux-mêmes. Cette confusion a eu lieu en maintes occasions et il faudrait à l'avenir veiller à la faire disparaître.

Cela ne devrait cependant pas amener à la conclusion qu'il faille faire disparaître l'armée malgache car elle a depuis 30 ans pris une place importante dans la société et l'économie malgaches.

Dire que l'armée est exclusivement un fardeau économique n'est pas tout à fait vrai car comme tout agent économique elle comporte également des facteurs économiques endogènes. C'est à dire que le budget allouée à l'armée et notamment les salaires peut participer à l'accélération de la croissance du revenu national par l'entremise des multiplicateurs budgétaires ou d'investissement. En revanche, cette contribution est nulle voire négative lorsque l'armée achète des équipements coûteux à l'étranger. Il y a donc deux pistes à approfondir : la diminution de l'effectif dans les limites du supportable et la suppression de tout achats d'équipement à l'étranger.

Si l'on poussait bien loin la réflexion, rien n'empêcherait de supprimer quand même l'armée en reversant l'effectif dans les ministères civils puisque les aspects économiques endogènes n'en seront pas supprimés. Dans une vision ultra libérale, cela pourrait se concevoir cependant, les aspects sociaux seront complètement occultés.

En effet, l'armée malgache au départ constituée d'enfants des aristocraties merina et betsileo devint peu à peu le moyen d'une ascension sociale pour tous les Malgaches. Au fur et à mesure les autres composants de la société malgache ont gravi les échelons et ont pu accéder aux grades d'officiers supérieurs, voire généraux. Ce que l'on peut en conclure, c'est que l'armée fut malgré tout le lieu d'un brassage qui a permis une avancée vers l'homogénéisation de la société. La supprimer aujourd'hui briserait irrémédiablement cette échelle qui permet à presque tout Malgache d'espérer un jour avoir une situation respectable grâce à l'effort personnel.

En revanche lorsqu'on observe les équipements vestimentaires des militaires du rang, on ne peut que douter de la valeur de cette ascension sociale. Il est fort probable que les conditions de vie des militaires malgaches soient très difficiles. Il en résulte un mécontentement intérieur qui risque de déboucher à terme sur une mutinerie. Cela est certainement la cause des ventes d'armes venant des arsenaux de l'armée aux brigands car même si la contrebande est possible il ne fait aucun doute qu'une grande partie de ces armes sont fournies par des officiers de l'armée.

En ce qui concerne les équipements, ils doivent être avant tout produits à Madagascar. Les marchés devraient respecter une transparence rigoureuse. Les artisans et les P.M.E. pourraient amplement profiter de ces marchés. En particulier, pour l'habillement et l'entretien des bâtiments, les marchés doivent être divisés en lots de taille suffisamment réduite pour que les artisans locaux puissent y accéder.

Reste le problème de l'armement car une armée sans arme pourrait paraître ridicule. Il faudrait certainement hiérarchiser les problèmes et admettre que la force d'une armée réside avant tout dans son prestige et son honneur. Ces derniers ont été fortement entamés par le rôle que l'armée a tenu pendant les années Ratsiraka, son implication dans les trafics d'armes et enfin par le délabrement des équipements militaires. De plus, le paraître est ici plus important qu'ailleurs.

Il convient de posséder une armée d'hommes bien nourris et bien habillés plutôt que de dépenser les ressources dans des achats d'armes toujours très chères. D'autant plus que si l'armement paraît suffisant aujourd'hui il est disparate ; les gouvernements précédents, en effet, se sont fournis dans différents pays. Ainsi plusieurs marques cohabitent pour un même type d'arme. Tout autres achats ne feraient qu'accentuer ces incohérences. Il serait impératif de ne conserver qu'une marque par type d'arme et uniquement celles pour lesquelles l'industrie d'armement malgache puissent fabriquer les munitions. Si cette industrie n'existait pas encore, il faudrait la développer sous une forme ou une autre. Le mieux serait d'opter pour des "fabriques" "nationales" rentables au sens commercial du terme ; notamment, il ne faudrait pas hésiter à développer l'initiative privée.

En somme la diminution de l'effectif par affectation libre vers d'autres ministères (police, douane..) devrait améliorer les conditions de vie de ceux qui restent. Et ce sera probablement de cette façon que toute action de contrôle serait possible et efficace.

Fanantenandrainy Ratsimbazafy. Paris, 8 octobre 1996