Bonjour à tous,
Voici un témoignage de Christian Chadefaux sur le MFM.
"Mandrodana" a été traduit par "mettre à bas". Le Larousse est
formel, l'expression "mettre bas" signifie à la fois "abattre,
détruire" et "faire des petits en parlant des animaux". Posture de
"reproduction" dont on ne saurait soupçonner les experts MFM, cela va de soi.
Sauf que votre serviteur s'est gourré en mettant un "à" intercalaire.
L'honneur du malgache ultramarin est sauf, même si le choix de l'expression n'est pas
très judicieux. Pour Ravelively, je propose Ra-martel (en tête ?) le poitevin.
J'ai juste une question pour Manandafy : qu'est venu faire Ravony dans la
galère du MFM ?
A plus,
Mamy.
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Bonjour Mamy
.. toujours aussi "ravelively" aussi... L'orthographe, je ne sais pas. C'est mon
pseudo malgache. Il m'a été donné par des quat'mis devenus crieurs, car je les titille,
je les emmerde (gentiment et avec humour) toujours. Ca voudrait dire tout à la fois
chieux, teigneux, taquin ? Si quelqu'un a une traduction plus sûre, plus poétique..., je
suis preneur.
Bonjour tout le monde
C'est quand même fantastique, et très significatif sans doute d'une certaine mentalité
même chez les "expats", à voir le temps que l'on passe, mais avec plaisir et
grand intérêt, à brasser le passé, donc quand même un peu l'accessoire, vu les
urgences du moment.
La passion, normale et naturelle, réconfortante en un sens, liée à la naissance du MFM,
à son existence ensuite en marge du possible, ne doit pas faire oublier qu'à Madagascar
comme ailleurs, il est rare de voir un mouvement étudiant, par essence bordélique,
devenir un parti structuré susceptible de prendre le pouvoir, et plus encore de l'assumer
réellement.
Il ne faut pas confondre l'enthousiasme que peuvent susciter des trublions éclairés et
la confiance que l'on peut leur accorder pour diriger le pays.José Kely et le Cérès se
trouveraient aussi dans cette situation, dit-on. Personne, je pense, n'a jamais cru
que le MFM accéderait un jour au pouvoir. C'est d'ailleurs ce qui faisait son charme. Les
Malgaches, je crois, adorent ce qui déstabilise, agace, énerve les puissants. La fronde
est ici permanente et pour le rester elle ne doit jamais composer, ou alors faire
semblant. L'insurbordination est érigée ici en art de vivre. Jamais Manandafy ne m'a
donné le sentiment, l'impression de vouloir accéder réellement au pouvoir. D'un
fatalisme blasé, d'un désabusement lucide, il savait que le mouvement y perdrait son
âme, la part de rêve qu'il avait créée. Et à cette époque, c'était
vraisemblablement magique, l'illusion du possible. Il n'a pas perdu les siennes, car en
son for intérieur il n'en a sans doute jamais eues sur la capacité réelle, la volonté
du parti d'être au pouvoir. Un sociologue honnète savait cela. Il me fait penser à ces
spectateurs sur les gradins qui jouent mieux que les acteurs d'un match, sans jamais avoir
touché un ballon de foot ou une balle de tennis ! Les quelques conversations que j'ai pu
avoir avec lui, quand il était CSR, m'ont chaque fois convaincu, confirmé qu'il y avait
une nonchalance blasée chez cet homme là. Le MFM c'était certainement de la dynamite,
on aimait sans doute jouer avec, mais la peur au ventre quand même que la mèche s'allume
par accident...
Le grand raté du MFM c'est quand même 72. Une erreur de jeunesse ? Brice était-il trop
jeune pour omettre cette opportunité là ? Des "gauchistes", perçus comme tels
à l'époque dans une sorte de remake du mai 68 parisien, qui, dépassés par leur
succès, se résignent à laisser le pouvoir tomber tout cru entre les mains des
militaires..., ça ne s'oublie pas. Et à partir de là, je crois, s'installe une perte de
conviction, un syndrome de l'échec. Faire peur aux bourgeois, aux colons, c'est facile,
assumer une idéologie métisse au pouvoir, ça l'était sans doute moins. Et puis il y a
cette malheureuse bonne idée de malgachisation de l'enseignement, rapidement pervertie
car mal ficellée. Cette expérience reste aussi au travers de la gorge de tous ceux qui
en ont été les victimes. Ratsiraka n'a jamais assumé cette paternité là, et pour
cause. Sur ce plan, le MFM a encore fait le jeu de ses ennemis objectifs (toujours
oubliés ? de l'intérieur). Je me souviens encore de cette réflexion d'un collègue
devenu directeur de la rédaction d'un autre quotidien actuel qui m'expliquait avec
cynisme après 72 qu'à "déséduquer" le peuple par une malgachisation mal
torchée cela faisait le jeu de la bourgeoisie à laquelle il appartient.
Il est clair, pour des raisons qu'il appartient à ses membres d'expliquer,
d'analyser, que le MFM a raté tous les coches. De compromissions en
compromissions, de rumeurs en rumeurs (CSR à l'industrialisation à l'époque des
investissements à outrance cela faisait jaser; n'oublions pas que le groupe Cotona d'Aziz
Ismael prend réellement son essor à cette époque là etc...; on en causait du "pur
et dur"), les dirigeants du parti, plus que ses membres, ont d'autant rapidement
perdu de leur crédibilité qu'on ne leur en avait jamais vraiment donnée beaucoup pour
être une alternative.
Sur un autre registre idéologique, c'est un peu ce qui se passe actuellement avec Leader,
à cette différence que la base suit (électoralement parlant quand même) alors que
"l'intelligentsia" du début est déçue et que son chef paraît quelque peu
dépassé par les non-événements politiques du moment.
Je vais sans doute faire bondir... En réalité, dans l'histoire politique récente du
pays, il me semble que l'on s'est toujours trompé d'ennemi, la France en étant bien sûr
un tout trouvé, logique, naturel, historique etc... En combattant réellement la
réaction intérieure, nationale - ce qui semble impossible en raison du
"fihavana" (?) puisque personne ne l'a vraiment fait, à l'exception du Monima
sous Monja Jaona mais de façon tellement bordélique et sur des ressentiments thniques
trop manifestes pour aller plus avant - le MFM aurait du même coup déstabilisé,
inquiété l'omniprésence française. L'allié objectif de la bourgeoisie reste malgré
tout l'étranger, là où elle s'éduque, se ressource, trouve les acquis qui pérennisent
sa "supériorité".
Même si c'est pour ne jamais arriver au pouvoir, il faut impérativement à la
démocratie malgache une opposition pugnace, permanente et chiante pour tous les régimes.
Ce rôle devrait être celui du MFM. Construire une opposition crédible, technique, ayant
réponse à tout et sur tout. Faire oublier le rouge, qui n'est plus vraiment de
mode, pour valoriser l'expert ? La contradiction était d'ailleurs là : les
révolutionnaires font peur, alors que les experts doivent rassurer. Bref une alliance
d'emblée contre nature, entre "zomaka" et technocrates ! La tête et les jambes
? C'est quand même mieux quand les deux appartiennent à la même personne. Et à la
clé, une base - j'ai de magnifiques photos - sans doute trompée ?
Sur la durée, il serait donc dans la nature profonde des dirigeants malgaches de
décevoir ? Des chefs de parti, aussi, qui s'usent avant même d'être arrivés au pouvoir
? Je pose la question, bien sûr. De Ranavalona I à Ratsiraka II, les bilans ne sont pas
vraiment flatteurs. D'Andriamanjato père au fils, en passant par Manandafy,
Razafimahaleo, Ratsirahonana, Rakotovahiny, Ravony, Rabetsitonta, Razanamasy, il y a
toujours un faux pas, une bavure que la société ne pardonne pas. Je m'arrête là
pour aujourd'hui. Il s'agit plus, bien sûr, d'instantanés personnels, de simples
constats à l'occasion. Il appartient aux spécialistes de pousser l'analyse, aux
dirigeants concernés de faire une auto-critique sincère. S'il est dit qu'à Madagascar
pour arriver au pouvoir il faut d'abord le voler, il reste à espérer que le prochain
voleur fasse, un jour, un meilleur usage de son butin que ses prédécesseurs...
Bonne journée à tous.
Christian
PS.- Des zones d'ombre que je vais aller soumettre à Manandafy. Si d'ailleurs vous avez
des questions précises à lui poser, je suis preneur, je peux assurer le relais... Je lui
préciserai que les questions ne sont pas de moi. Il n'est pas dans mon intention d'aller
au chevet d'un "moribond", je veux bien sûr parler du MFM, pour recueillir ses
dernières illusions, mais d'essayer de comprendre cette dégringolade dans les
oubliettes.
Question subsidiaire : le MFM a-t-il été à un moment donné un véritable parti
d'envergure nationale, avec une représentation militante dans toutes les régions ? Je
pose la question car je suis réellement bluffé par la présence de Leader dans les
communes les plus paumées. En a-t-il été de même pour le MFM ?
Question qui s'adresse à Paul : le journal peut-il faire état de l'existence du site MFM
? On a une rubrique "Le clic du jour"... qui donne l'adresse Internet des sites
venus à notre connaissance, assortie d'un bref commentaire sur leur intérêt. C'est
gratuit...
Enfin, je n'arrive pas à suivre cette polémique sur un édito en malgache du journal
publié le 19 février 1999, et dont Mamy a donné... une "traduction" ! Dois-je
en conclure que le malgache du journal n'est pas celui pratiqué "andafy" ? Je
pense qu'il y a eu une coquille et qu'il fallait lire "reproduction" ?
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