De la stabilité

Un jour, il y aura bientôt quinze ans, le MFM avait lancé les sigles de GVTD (Gouvernement transitoire vers la démocratie) et depuis, l'exigence cyclique d'un gouvernement de transition rythme le discours politique.

Le précédent en remonte au gouvernement du général Ramanantsoa, en 1972. Un provisoire qui se donna les moyens de durer avec le référendum du 7 novembre de la même année, mais qui fut rattrapé par, déjà en 1975, "l'évolution de la situation sur le terrain". Le référendum de cette année-là plébiscita Didier Ratsiraka, héros récent de la révision des accords avec la France, et donna à Madagascar une stabilité de quinze ans dont personne n'avait encore idée.
Après 1991, les deux mots "alternance" et "stabilité" en sont presque devenus de parfaits contraires dans le lexique politique malgache. Le "changement" ressemble à une aventure et s'apparente à une révolution, tandis que la "continuité" signifie résignation à la dictature. L'aventure, par exemple, c'est l'élection à la Présidence de la République d'un Zafy Albert aussitôt empêché en 1996. Et la dictature, c'est l'usure au pouvoir d'un Didier Ratsiraka, deux fois plébiscité, autant de fois remercié.

Celui-ci avait bien pourtant essayé de pratiquer une certaine "ouverture" en enfermant tout le monde dans le FNDR (Front National pour la Défense de la Révolution), mais le Monima et le MFM s'en évadèrent souvent pour revenir parfois, valse-hésitation qui devint la marque distinctive locale sous le label "géométrie variable". Naquit, sur la même logique d'association des différences, le Cartel des Forces Vives dont se démarqua aussitôt le MFM. Le gouvernement qui s'ensuivit, en 1993, fut tout aussi éclectique autour du concept de "mouvance présidentielle" mais, les habituels dissidents et les éternels rebelles le dédaignèrent. Ce n'était toutefois que pour mieux entonner le refrain d'un remaniement présenté comme un gouvernement d'union nationale.

Passa 1997 et vint 2002. Didier Ratsiraka était têtu, mais ses opposants semblaient plus persévérants encore. Et ce fut le début du malentendu : les survivants de 1991 étaient au moins d'accord pour se mettre accessoirement au service de Marc Ravalomanana afin d'écarter Didier Ratsiraka tandis que Marc Ravalomanana dut s'organiser pour se débarrasser d'alliés aussi équivoques qu'encombrants. Quant au MFM, ne restait que Manandafy Rakotonirina, qui pénétra enfin au cœur du pouvoir sans se retrouver à son faîte. Les autres s'allièrent au sein du "Firaisankinam-pirenena", mais la nature centrifuge des amitiés nées sur la Place du 13 mai menace chaque jour l'édifice.

Les bannis récupèrent à leur tour l'idée d'un remaniement préalable à une réconciliation nationale censée conjurer l'ingratitude. Les élections sont normalement faites pour régler les comptes, mais les groupuscules malgaches ne se résignent pas au verdict des urnes. Ces partis d'appoint, toujours en quête de strapontin et sans scrupule idéologique, polluent le débat politique. La solution serait de créer un face-à-face ou une triangulaire: Conservateur ou Travailliste, Républicain ou Démocrate, Démocrate-Chrétien ou Socio-Démocrate, Droite ou Gauche, Libéral ou socialiste. Les "zéros virgule", scores volatiles très versatiles, contrarient cette lisibilité en refusant d'adopter une position de principe et de s'y tenir. Le Gouvernement n'a pourtant pas à être exhaustivement représentatif puisque le Parlement reflète déjà la société. Sinon, autant supprimer les élections et abolir la représentation parlementaire car, dans une configuration d'alternance, la stabilité c'est travailler autrement qu'à l'organisation de scrutins permanents.

NASOLO-VALIAVO Andriamihaja.

Express se Mcar - 2005-02-23