Sans la réconciliation nationale, le pire est à venir. Après la chasse aux sorcières et la politique d'exclusion des tenants du régime, voilà qu'on s'avance vers une élection des plus mal organisées qui soient, dénonce le vice-président du CRN, Emmanuel Rakotovahiny, qui s'insurge contre l'inégalité des candidats face aux échéances du 3 décembre. Il réclame une transition pour la réconciliation et pour ce faire, un report de l'élection qu'il estime comme n'ayant aucun sens.
« On court
vraisemblablement vers la crise la plus dangereuse de l’histoire de la nation
pour ne pas dire le chaos si aucune réconciliation nationale n’est engagée.
Après une course effrénée à la reconnaissance internationale alors que le pays
profond vit sous perfusion d’aides et subventions - contrairement aux zélateurs
du régime qui se voient gratifiés de leur allégeance; et après une chasse aux
sorcières qui aboutit aujourd’hui à une marche forcée au devant d’un scrutin des
plus controversés, le pire est devant nous ». Telle est succinctement
l’essentiel des propos du Docteur Emmanuel Rakotovahiny.
« Une élection qui n'a pas de sens »
Faisant le tour de l’actualité nationale, Dr. E. Rakotovahiny, vice
président du Comité de réconciliation nationale (CRN) est amer. Il déplore
l’entêtement du régime à vouloir à tout prix faire de l’exclusion son cheval de
bataille. Il indique en outre que « le régime est en train d’induire la
communauté internationale dans l’erreur d’appréciation de la situation en
organisant des déplacements dans des bureaux de vote déjà ciblés et pouponnés
pour démontrer que les préparatifs des élections vont bien et que tout baigne
dans l’huile car le gouvernement veille aux grains. Je ne parle pas dans le vide
ni seulement pour manifester mon opposition », remarque-t-il, «car même les
candidats à cette présidentielle se plaignent déjà et contestent l’authenticité
ou la véracité de ces listes électorales. Pety Rakotoniaina, maire et candidat,
n’a-t-il pas dénoncé les erreurs ou les manipulations après informatisation par
rapport à l’original ou le brouillon de liste transmis aux instances supérieures
? Le candidat Jean Lahiniriko lui aussi n’a-t-il pas soulevé des problèmes
similaires ? Et ce après que, nous autres du CRN, ayons dépeint le désordre dans
l'établissement des listes et l'informatisation conduisant à cette « vigilance »
des bailleurs de fonds. Mais le problème reste entier et de nombreux candidats
s'inquiètent par rapport à cette « échéance ». Ceci étant, Emmanuel Rakotovahiny
trouve que l'élection du 3 décembre « n'a pas de sens ! »
La réconciliation nationale demeure d'actualité
Quant à Manandafy Rakotonirina, proche du pouvoir mais candidat lui aussi à
la présidentielle, n'a-t-il pas fait constater dans son interview accordée à
Razaka Oliva hier dans « Madagascar Tribune », que ce régime d'intolérance a
déjà commencé en 2002 et qu'on continue de le subir en 2006 et 2007 et que
bientôt il n'y aura plus suffisamment de place dans les prisons pour tout ce
beau monde ? Allusion sans doute au sort réservé et préparé aux opposants
notoires; en particulier à Pierrot Rajaonarivelo qui vient d'être l’objet
d'exclusion de la course à la présidentielle et de la vie politique nationale,
suggère notre interlocuteur.
Emmanuel Rakotovahiny n’est effectivement pas insensible à ces manœuvres
dont est victime Pierrot Rajaonarivelo en tant que candidat déclaré à la
présidentielle même si le CRN confirme-t-il encore, ne soutient et ne présente
aucun candidat à la présidence de la République. Le vice-président du CRN
précise que s'il adhère au constat fait par Manandafy, il ne souscrit pas à
l'amnistie; il réclame davantage car il ne s'agit pas seulement d'une affaire
politique et judiciaire, il s'agit d'une affaire nationale, d'une affaire qui
touche les populations de toutes les parties de l'île et c'est la raison d'être
d'une indispensable et urgente réconciliation nationale. Il réitère que plus
l’échéance d’une élection présidentielle approche, plus le risque de troubles
augmente. Les questions et enjeux politiques de toutes les tendances et de
toutes les natures aidant la mauvaise organisation ou l'opacité dans le
processus électoral déjà révélée par le CRN, et confirmée par les candidats ne
rassurent guère. « L'égalité des candidats face à cette échéance est
complètement nulle et je me demande de quelles conditions justes et
transparentes et démocratiques parlent aussi bien les responsables
gouvernementaux que les bailleurs de fonds qui s'affichent à leurs côtés dans
ces délacements programmés ? »
Un Allasane Ouattara...
« En tout cas, je ne suis pas de ceux qui se fourvoient dans des démarches
qui ne peuvent que conduire la nation vers ce chaos que je crains tant et c'est
pourquoi, encore une fois, j'appelle à la mise en oeuvre du processus de
réconciliation nationale que le Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan
lui-même a relancé lors de sa visite dans le pays », déclare avec fermeté et
compassion E. Rakotovahiny.
Considérant cette perspective et afin d'installer la sérénité tant des
candidats que des électeurs, pour un climat propice à une échéance électorale
d'une telle importance, un report de cette date n'est-il pas opportun voire
indispensable ? Un Allasan Ouattara malgache ou un Gilkrist Olympio ne sont-ils
pas déjà dans les scénarii des états-majors politiques sinon dans les dédalles
des chancelleries ? Sans méconnaître ce semblant de climat de calme avant la
tempête.