Textes de l'express de Madagascar:27/12/02
Dernier
parti historique à survivre
Le parti MFM de Manandafy Rakotonirina fêtera demain au Hilton Madagascar, 30 années d'une existence qui aura marqué toutes les turbulences de l'histoire politique malgache tout au long de la seconde République, depuis un 27 décembre 1972. Sans jamais avoir gouverné, sauf par accident. Manandafy Rakotonirina a été conseiller suprême de la révolution, l'exercice de la politique ayant été interdit par la Révolution socialiste, en dehors d'un Front national de la révolution. Il ne devait pas accepter de porter longtemps le carcan. Avec deux députés élus le 15 décembre dernier, le Mfm aura été le dernier parti historique à survivre au raz-de-marée "Tiako i Madagasikara" et assimilés pro-Ravalomanana, les partis Monima, Akfm et Akfm-renouveau, ses compagnons de l'histoire du combat politique à Madagascar, étant en passe de rejoindre les livres d'histoire. La dernière péripétie marquante de ceux qui se définirent antan "Rouges et experts" aura été l'échec subi dans la capitale par Manandafy Rakotonirina, président national, et du ministre Olivier Rakotovazaha, secrétaire national administratif, d'un parti qui, seul, eut l'insigne privilège de mener le combat post électoral en solitaire avec la bénédiction de Marc Ravalomanana. Se démarquant du Magros, Ankorondrano, le Mfm prit ses quartiers à Bel air, au siège de la société Tiko et Manandafy a été installé par le futur Chef de l'Etat, comme responsable des affaires économiques et politiques du Kmmr, comité de soutien de Marc Ravalomanana. Le gourou des "Mafana" (brûlant, fougueux ou enthousiaste. Trad.libre) avait derrière lui trente années d'expériences du combat politique. Né en 1972, dans la conjoncture des thèmes de la lutte anticolonialiste, de la malgachisation, de la collectivisation ou de la sortie de la zone franc, le Mfm ou "Mpitolona ho an'ny fanjakàn'ny madinika" (parti qui lutte pour le salut des déshérites. Trad.libre) a abandonné en 89, le foulard et le serre-tête prolétarien pour le respectable complet veston du bourgeois ultralibéral "Mitolona ho an'ny fampandrosoana an'i Madagasikara" (qui lutte pour le développement de Madagascar. Trad.libre). On se rappelle que Manandafy avait décliné le thème d'un "Ravalomanana dupliqué dans chacune des régions de Madagascar". Les archives retiendront l'année charnière de 1989 quand les députés Mfm ont démissionné de l'Assemblée nationale et Manandafy, du Conseil suprême de la révolution. Le mouvement du Gvtd -Gouvernement transitoire vers la démocratie- a voulu initier le premier 13 mai de l'histoire au stade des 67 ha mais a été réprimé par le régime de l'amiral. Vinrent ensuite les mouvements des 4 M -Monja Jaona, Maharanga, Marojama et Manandafy- au sein de l'Alliance démocratique puis la fameuse Plate-forme de l'opposition à ossature Mfm qui devait déboucher avec l'appui du Ffkm vers les concertations nationales I et II de 90 et 91 puis le Forum national d'où émergeront les "Hery Velona" (Forces vives) et la IIIème République de Zafy Albert. Le Mfm devait rater son premier grand rendez-vous avec l'histoire en ayant écarté par les Forces vives Rasalama. Son "Herivelon'ny Madagasikara" a été emporté par les flots de l'extraordinaire engouement populaire qui avait porté le professeur Albert Zafy au pinacle. En 2001, il avait choisi le bon camp mais n'a pu se démarquer dans un autre extraordinaire engouement qu'il avait pourtant soutenu pour y avoir contribué. L'Histoire est un éternel recommencement.:
Mamy Nohatrarivo
VANF
Est-il prophète, cet incompris ? Par NASOLO-VALIAVO Andriamihaja
Sous
la République socialiste et révolutionnaire, le M.F.M., tout en cultivant une
différence proche de l’opposition, voulut doubler le socialisme démocratique
de l’Arema par un marxisme révolutionnaire encore plus à gauche. Après la
Chute du Mur de Berlin, le M.F.M. effectua un revirement libéral, délestant sa
montgolfière de sa pesanteur prolétarienne
alors justement que cette " clientèle " arrivait en nombre sur le
marché de l’offre et de la demande, laminée par l’interminable traversée
du tunnel socialiste et bientôt achevée par l’économie de marché sans
filet de sécurité.
Robert Archer définit doublement le M.F.M. : "
issu de la longue crise qui divisa le Monima après la révolte du Sud de 1971
" et " formé du rapprochement entre des étudiants et des professeurs
de l’Université et des Zoam, lors des événements de 1972 " (1). Une
alliance paradoxale entre la bourgeoisie universitaire et les " Zoam "
(Zatovo Ory Asa manerana an’i Madagasikara), une engeance prolétarienne aux
vagues relents de délinquance dont le nom servit d’épouvantail avant que les
Kung-Fu ne règlent définitivement le problème de son ultime avatar T.T.S. (Tanora
Tonga Saina " en 1985. Que le M.F.M. ait pu faire un moment route avec les
" Zoam ", et confondre le peuple avec cette partie de la foule, serait
caractéristique d’un populisme dont la définition est rappelée par un autre
enseignant issu du sérail sociologique de l’Université d’Antananarivo :
" la manifestation d’un retard idéologique des masses en mouvement mais
sans direction réelle ou avec une direction étrangère à leurs intérêts
historiques même si celle-ci peut coïncider avec leurs revendications immédiates
" (2).
Trop jeune pour protester à coup de bulletin A.K.F.M. contre le régime en place, toute mon éducation m’aurait empêché de voter pour le M.F.M. des années révolutionnaires, même pour censurer l’Arema. Mais, J’étais de ceux qui, en 1989, accompagnèrent le virage libéral, et votèrent " aleo Manandafy toy izay hanan-dratsy ", au grand dam des " madinika " de toujours, sortis énormément frustrés et définitivement déçus d’un énième meeting au Coum 67 hectares.
Dans son empressement libéral, le M.F.M. se coupa
de sa base populaire, mais ne réussit pas pour autant à rassurer la
bourgeoisie.
Un parti quelque part sempiternellement en décalage,
avant-gardiste, aurait-on dit à une autre époque. Le M.F.M. dévoila trop tôt
son projet de Constitution qui devait remplacer celle de 1975 ; le M.F.M. négocia
encore avec Didier Ratsiraka alors que ses propres méthodes avaient déjà
fanatisé la foule du 13 mai 1991 ; pyromane d’un incendie que d’autres
allaient attiser, le M.F.M. se marginalisa en " Hery Velona Rabearivelo
" d’une troisième république naissante qu’allaient monopoliser les
" Hery Velona Rasalama " ; fidèle à son opposition viscérale à
Didier Ratsiraka, Manandafy Rakotonirina incarna par sa seule
personne tout ce qui restait en 2002 du M.F.M., et mit la science de ses méthodes
au service de l’accession de Marc Ravalomanana au pouvoir, tandis que la
grenouille M.F.M. se faisait laminer par le bœuf " Tiako i Madagasikara
".
On se méfie du M.F.M. et on se garde de Manandafy
son gourou.
Est-il prophète, cet incompris ? En trente ans de
progression " en marge ", il a démontré des convictions. Ces
derniers temps, en refusant de marchander son indépendance, on lui découvre
plus que des scrupules, sans doute des principes dont on saura un jour les
valeurs.
(1) Robert Archer, " Madagascar depuis 1972 :
la marche d’une révolution ", L’Harmattan, 1976, p.57
(2) Fernando Mires, " Les temps modernes
", n°323, juin 1973, p.1929, cité par André Rasolo, dans " Autour
de mai 1972 : la question du pouvoir ", Cahiers des Sciences Sociales, n°1,
EESDEGS, 1984, p.25