EXPRESS DE Mcar 29/01/2003
Manandafy Rakotonirina
Alors
que le secrétaire général du Mfm Germain Rakotonirainy voit en l'éviction de
Pety Rakotoniaina de la présidence de la délégation spéciale de la province
autonome de Fianarantsoa, une "déclaration de guerre" contre le
parti, le président national Manandafy Rakotonirina évoque, lui, un
"couac politique" du pouvoir. Couac déjà constaté dans la
composition du nouveau gouvernement et le verrouillage par le parti présidentiel
du bureau permanent de l'Assemblée nationale. Toutefois, le Mfm semble encore
écarter l'idée de basculer dans l'opposition. Manandafy Rakotonirina nous a
fait part hier de son analyse globale de la situation qui prévaut au pays.
o Si on devait parler de délai de grâce,
comme certains politiques le qualifient habituellement, comment voyez-vous les
six premiers mois de présidence de M.Marc Ravalomanana ?
- Il est patent que M.Ravalomanana est sorti
victorieux de l'épreuve post-électorale. Je crois que les dernières législatives
anticipées lui ont permis de confirmer sa légitimité au niveau national. Et
ça lui aurait permis de prouver devant la communauté internationale que le
pouvoir légal qui lui était donné par le vote du 16 décembre 2001, n'a pas
été usurpé.
o En parlant des législatives, et plus
particulièrement de l'élection du nouveau bureau permanent de l'Assemblée
nationale, peut-on encore penser à un quelconque rapport de forces au niveau de
cette institution ?
- Je crois qu'il faut souligner deux choses: premièrement,
l'actuelle Constitution est présidentialiste, celle qui a été révisée par
Ratsiraka en 1998. Deuxièmement, la composition de l'Assemblée nationale a été
dictée par la volonté des électeurs de confirmer Ravalomanana dans sa légitimité
électorale face à Ratsiraka. Donc, la conclusion qu'on peut provisoirement en
tirer, c'est que Ratsiraka est bel et bien battu. Comment cette Assemblée
va-t-elle fonctionner ? On va le voir dans l'épreuve des faits. En attendant,
la première tâche de cette nouvelle Assemblée nationale sera l'amnistie.
Est-ce qu'elle sera à la hauteur de cette tâche historique ? La cause de
l'amnistie est une chose, être capable d'assumer la réconciliation nationale
et remettre sur pied l'unité nationale, en est une autre. On verra si cette
Assemblée est capable de jouer ce rôle. Cela dit, concernant le nouveau bureau
permanent de l'Assemblée, je constate qu'il y a un verrouillage du Tim, qu'il y
a plus de prétentions de soumettre l'Assemblée nationale à une discipline du
verrouillage. Mais je crois aussi qu'il y a un mélange, dans l'esprit de
certains membres du Tim…
o Qu'entendez-vous exactement par ce mélange
dont vous parlez ?
- L'image de l'Assemblée nationale ne peut être
ramenée au comportement contestable de certains députés, tout comme il peut y
avoir des ministres ou de hauts fonctionnaires capables de dérapages dans leurs
activités. Mais je pense qu'il y a une mauvaise presse contre les députés, et
qu'on a facilement dérapé vers l'Assemblée nationale, et le Tim en a pris à
son compte. Et là, je crois qu'il se trompe totalement.
o En ce qui concerne maintenant le
gouvernement, qu'est-ce que vous pouvez dire ?
- Il faut préciser que, dès le départ, ce
gouvernement devait être un gouvernement de réconciliation nationale, c'est-à-dire
avec des membres désignés respectivement par Ratsiraka et Ravalomanana. Ce qui
a été respecté, tout au moins en partie. A partir de maintenant, il va
falloir que Ravalomanana revoie la composition du gouvernement par rapport à
son programme, puisqu il est seul maître à bord en tant que Président de la République.
Comment est-il composé actuellement? Il correspond à peu près à ses déclarations
d'intention, quoiqu'il y ait des couacs. Parce qu'il n'est pas normal que trois
ministères techniques confiés à des gens de Tuléar soient immédiatement
confiés à un super vice-premier ministre originaire de Tana. Cela fait jaser
l'opinion. A mon avis, ce genre de chose est un couac politique. Mais c'est son
problème, et il sera responsable de ce qu'il a fait.
o On vient de procéder à des changements de
tête au niveau de quatre provinces autonomes. Qu'en pensez-vous ?
- Je trouve que cette décision est inadéquate. Car
le vrai problème qui se pose en ce moment, c'est la continuité ou non de ces
provinces autonomes, c'est un débat constitutionnel sur l'existence de ces
structures. Il n'y a pas encore de calendrier fixé. Les Pds en place sont quand
même ceux qui ont résussi à mettre sur les rails du régime Ravalomanana, ces
provinces autonomes qui ont dérapé vers des Républiques indépendantes sous
l'impulsion de Ratsiraka, tout au moins pendant la période de janvier à mai
2002. Il y avait des risques réels de partition territoriale. C'est avec les
Pds en poste qu'on a réussi à créer un courant politique. Parce que c'est
d'abord un problème politique et non militaire. Et là, je crois que le
gouvernement doit prendre ses responsabilités.
o A partir de l'éviction du Pds Pety
Rakotoniaina, quelle sera maintenant la position du Mfm par rapport au pouvoir ?
- Le Mfm à lui seul n'a pas de réponse pour
l'instant. Mais la population de Fianarantsoa semble ne pas accepter cette éviction
de Pety Rakotoniaina. Donc le Mfm sera, en attendant, avec la population de
Fianarantsoa.
L'ex-Pds Pety Rakotoniaina appelle à manifester
Un
premier mouvement de désobéissance pourrait-il se manisfester aujourd'hui à
Andohanatady, à Fianarantsoa ?
En effet, suite à une conférence de presse de deux
heures l'ex-Pds Pety Rakotoniaina hier, un appel est lancé à la population de
se rendre aujourd'hui au palais provincial pour “savoir si elle réagira face
à la décision qu'elle conteste, je pense à 100 %, comme les auditeurs
d'Antananarivo qui ont suivi mes interventions”, a déclaré Pety Rakotoniaina.
Pour l'ex-Pds de Fianarantsoa, "la démocratie
est menacée par cette militarisation. Je ne comprends pas pourquoi en n'a pas
attendu l'élection du gouverneur ou du président de région pour prendre une
telle décision. Je fais référence ici à la déclaration du général
Ramakavelo”.
“Je suis soutenu à 100 % par Antananarivo. Il n'y
a aucun intérêt à ce que la force soit utilisée mais si c'est le cas, c'est
de la dictature.
Je ne répondrai pas par la violence ("tsy
hamaly aho"). Je veux la présence du président Marc Ravalomanana pour la
passation, c'est le minimum que j'exige. Je ne suis pas convaincu que cette
stratégie puisse contribuer au
développement. C'est en l'absence du président
Marc Ravalomanana que cette situation a été créée ("amin‚ny tsy maha
eto ny Prézidà no hitrangan‚ izao zavatra izao)”.
Face à la presse régionale et d'Antananarivo hier,
Pety Rakotoniaina avec sa logique et ses contradictions, a exposé point par
point son analyse. Un rappel historique quant à son rôle à Fianarantsoa dans
la lutte lui a évidemment servi de base de départ en dénonçant, dans ce
premier volet, "la présence d'une force occulte pour chasser ceux qui ont
pris des responsabilités durant la crise. Les affectations d'officiers en sont
la preuve", a-t-il dit, " et c'est à mon tour de subir cette
logique".
Second volet : c'est l'étalage de "ses résultats
positifs dans la gestion économique de la province autonome". Il a cité
à titre d'exemple “sa participation” dans la réhabilitation du port de
Manakara avec les déplacements et réunions qu'il a faits avec l‚ambassadeur
des Etats-Unis, celui de la Grande Bretagne et du chargé d‚affaires suisse,
en passant par l'arrivée récente des ordinateurs en provenance de la diaspora
fianaroise de France.
Troisième volet : "les 60 mercenaires cités",
selon Pety Rakotoniaina, par le Premier ministre, qui seraient la cause également
de son remplacement.
Il n'a fait qu'effleurer ce sujet. Mais pour étayer
sa démonstration, il se réfère au cas de Tamatave. “ S'il devait exister un
foyer de tension maximum, c‚est à Tamatave, le fief du président Ratsiraka
qui occupe la pôle position ("be indrindra"). Or on n'a pas changé
le PDS. Donc la
déclaration du Premier ministre ne reflète pas la
réalité. Le remplacement des civils par des militaires ne repose sur aucune
raison ("tsy mitombina")”.
Quatrième critique : la façon et la manière avec
lesquelles cette décision a été prise. “Elle n‚a pas pris en compte le côté
humanitaire des choses.
J'ai discuté 30 minutes avec le président Marc
Ravalomanana. Ce fut un échange entre "raiamandreny" et son enfant.
Il m'a dit de continuer le travail sans qu'il y ait des observations particulières
de sa part à mon endroit. Mais je pense, maintenant, qu'au moment de cette
entrevue, l'idée de me faire remplacer était déjà dans l‚air. Cela détruit
la confiance mutuelle ("manimba ny fifampitokisana") établie, ce qui
me fait de la peine. J'ai laissé de côté ma famille pendant 4 mois, est-ce
qu'on a pensé un peu à l'impact de ce remplacement sur le plan moral ?”.
“ S'agissant des nouveaux nommés, ces officiers
supérieurs, je n'ai pas le droit de les juger et je n'entrerai pas dans leur
compétence. Cependant, pendant la période de crise, on attendait à ce qu'ils
se manifestent. Je n'ai pas entendu leur participation. C'est après la crise
qu'on aurait eu besoin des services de PDS militaires. Maintenant que le pays
vit dans la paix (?) avons-nous besoin de militaires ? J'ai des avantages qui
peuvent m'aider à maîtriser toutes les éventualités jusque dans la déstabilisation.
Le "Mininter" a spécifié qu'ils peuvent faire beaucoup mieux ("ahavita
bebe kokoa"), mais j'aimerai savoir quels
paramètres peut-on utiliser pour mesurer ces résultats.
Ils
n'étaient pas présents lors de la crise et ils
sont là bénéficiant de l'ordre déjà établi.”
Ce sont là pèle mêle, les réponses de M. Pety
Rakotoniaina aux questions posées par les nombreux journalistes présents hier
à Fianarantsoa à cette conférence.
Les militaires sont réputés apolitiques...
Rien
de tout cela chez nous, ce qui prouve bien que tous les militaires ne se
ressemblent pas. Il y a les va-t'en-guerre et les autres.
C'est un usage établi, peut-être depuis que le général
Gallieni a été gouverneur général de Madagacar ?, que les forces armées
sont souvent un recours pour les politiques, les civils, et même sans que des
situations particulières le justifient.
Les forces armées comptent, en effet, dans leurs
rangs des personnalités pétris de valeurs, comme celles d'organisation et de
disciplines, ayant souvent suivi des formations de haut niveau qui les rendent
aptes, avec en
plus l'autorité et le prestige de l'uniforme, à
remplir des hautes fonctions dans la hiérarchie et l'organisation de l'Etat.
Le précédent régime, avec sa centaine de généraux,
était truffé d'officiers supérieurs dans différents services de
l'administration, leur grade s'effaçant d'ailleurs souvent derrière un
uniforme de civil.
C'est à l'usage que l'on juge des compétences et
des qualités d'un chef, ce que les militaires et gendarmes gradés sont quand
même appelés à être.
Alors, dans un pays où la guerre n'a jamais menacé
aux frontières, où les forces armées sont plus souvent utilisées à des opérations
de maintien de l'ordre républicain plutôt qu'à combattre un ennemi extérieur,
il semble que l'on fasse appel, le cas échéant, à des officiers supérieurs
pour
occuper des responsabilités que la République réserve
habituellement à des civils.
Si l'autorité d'un militaire peut ramener l'ordre là
où il est menacé, là où la sécurité, sur dans les campagnes, reste précaire,
pourquoi faire appel à un civil qui, de toute façon, devra recourir aux
militaires pour appliquer sa politique.
Cela dit il était quand même inscrit quelque part,
dès leur nomination que MM. Pety Rakotoniaina pour Fianarantsoa et Pierre
Tsiranana pour Mahajanga ne feraient pas carrière comme chef de l'exécutif
provincial dans leurs régions respectives.
La normalisation générale sur le plan politique et
l'uniformité au sommet de l'Etat que doit avoir l'autorité imposaient,
logiquement, que des hommes n'appartenant pas à la même sensibilité que le
chef de l'Etat soient un
jour ou l'autre remplacé. C'est aussi pour cela que
Thierry Raveloson n'est pas maintenu à Toliara. Il y a bien sûr une exception
à la règle, simplement pour la confirmer sans doute : le maintien à Toamasina
du Pds Emile Tsizaraina.
Et puis les militaires sont réputés apolitiques...
Pierre Tsiranana sans etats d'âme
Pierre
Tsiranana, ancien président de la délégation spéciale de Mahajanga, quitte
la place sans états d'âme et se déclare disposé à aider son successeur, le
colonel de gendarmerie Toto Vincent. Si Pety Rakotoniaina de Fianarantsoa, à
l'issue d'une conférence de presse tenue dans sa capitale, semble surtout ne
pas supporter d'avoir été remercié brutalement -"Il faut un minimum de
respect. On n'en a pas discuté avec moi"- Pierre Tsiranana déclare
qu'"il est démocrate et (que) il accepte l'alternance". L'ancien
chef de la province de l'Ouest ne prend pas ombrage d'avoir été laissé jusqu'à
la fin dans l'ignorance de son avenir politique immédiat. "C'est une décision
gouvernementale. Ils ne m'ont pas consulté quand ils m'ont nommé, je ne vois
pas pourquoi je m'offusquerais quand ils m'ont remercié sans m'avertir".
Philosophe à ses heures, Pierre Tsiranana déclare comprendre le pouvoir.
"Il est sans doute temps d'oxygéner les rouages". :