Qui ? Jean-Pierre Olivier de Sardan, directeur d'études à l'EHESS, directeur
de recherche au CNRS.

Où ? Dans Le Monde Diplomatique de Février 2000.

Quoi ? Une situation catastrophique.
"La situation est beaucoup plus grave (...) car les mises en scènes diplomatiques ou les fictions juridiques et institutionnelles tendent à minimiser le phénomène : les appareils politiques et administratifs des pays africains sont totalement incapables de fonctionner avec le minimum d'efficacité, de transparence et d'équité que l'on est en droit d'attendre d'un service public".

La démocratie.
"La crise est institutionnelle : la 'démocratisation' a apporté le multipartisme (...) mais pas le principe fondamental d'acceptation de l'alternance. (...) Le trucage électoral est massivement pratiqué dans la plupart des pays - avant, pendant ou après l'élection". Chaque scrutin tenu dans de telles conditions, au lieu de renforcer la légitimité de la démocratie renforce l'illégitimité des gouvernants, voire discrédite la démocratie elle-même".

La politique.
"Le multipartisme n'a pas -hélas- engendré une acceptation minimale des règles du jeu partagées, par les responsables politiques au pouvoir d'abord mais aussi du côté d'oppositions désunies et en crise permanente. Toute crise politique devient une crise de régime".
"Tous les coups semblent permis. Les changements de vestes, les intrigues florentines, les croche-pieds sont omniprésents. (...) Ce n'est pas, comme des idéologues naïfs le croient, d'un manque d'expérience politique dont l'Afrique souffre, mais plutôt d'un excés de stratégies politiciennes. Le choc permanent des ambitions se fait aux dépens des idées".

La presse.
"La presse est un bon indicateur de cette indigence. (...) Mais cette presse n'est, à de très rares exceptions près, ni une presse d'investigation ni une presse d'opinion ou de réflexion". (Ce qui n'est peut-être pas vrai de Madagascar. Ce sont peut-être les idées nouvelles ou originales qui y manquent).

Les élites.
"Les élites africaines au pouvoir depuis quarante ans ont failli sur le terrain moral. Toutes les injonctions occidentales ne serviront à rien, voire seront contre-productives, si des hommes et des femmes véritablement 'réformateurs', au sens profond du terme, ne se dressent pas en Afrique.Ils
existent, mais on ne les voit ni ne les entend sur la scène publique. (...) Et pourtant, que de cadres et d'intellectuels brillants, compétents et honnêtes ont été laissés au bord de la route, les uns tombés  dans les consolations dérisoires de l'alcool, les autres repliés dans celles plus douillettes des organisations internationales, laissant écoeurés, leur pays aux arrivistes et aux affairistes !".
Des hommes debout, là est le problème. Ni vu, ni entendu. Sans parler de tous ceux qui ont préféré émigrer.

Faut-il incriminer la France ?
"Les pays occidentaux ont leur responsabilité. (...) l'ajustement structurel (...) s'est déployé sur le terrain comptable et non sur celui de la bonne administration".
Cf. l'obsession comptable (des quantités mesurables) nord-américaine (result-oriented comme dirait Haja) laissant de côté d'autres aspects aussi importants.

Sur la colonisation française : "Cette situation renvoie aussi, d'un point de vue historique à la colonisation. Mais les responsabilités anciennes de celle-ci ne sauraient plus disculper aujourd'hui les classes politiques africaines de leur propre responsabilité, qui est lourde".
C'est ce genre de constats qui expliquent probablement l'amertume actuelle de Ratsiraka. Il a le pouvoir absolu certes, mais il sait qu'il restera à la postérité comme celui qui a appauvri, volé et tué son pays. Un boulet qu'on  aura trainé 30 ans durant.

Faut-il payer davantage les gens comme le suggérait Christian Chadefaux ? Faut-il jeter l'Etat (donc l'Administration) à la poubelle comme disait Haja ?

"(...) serait-il envisageable que se négocient entre bailleurs de fonds et
pays africains menacés par la banqueroute des 'pactes nationaux de réforme',  dans lesquels les aides permettant le paiement de la dette intérieure (souvent oubliée au profit de la dette externe, alors qu'elle est beaucoup plus déstabilisante : arriérés de salaires et impayés auprès des
entrepreneurs locaux) ainsi que l'équipement des services en moyens décents seraient assortis de l'adoption de mesures fortes de réhabilitation des administrations (comme l'instauration de vrais concours d'entrée ou
d'obtention de bourses d'études ; l'inventaire ex ante et ex post des patrimoines des titulaires de certaines fonctions ; le libre accès aux registres des impôts, etc) ?".

Tout n'est donc pas si noir en Afrique :
"(...) il existe de sérieux gisements inexploités (fiscaux, sociaux ou politiques) qui permettraient d'améliorer le gouvernement (...)".

J'ai volontairement omis toute une grande partie sur "la culture de la corruption" très vivace, stigmatisée en paroles multipliée dans les actes, engendrant de multiples 'normes' de fait à côté des règles officielles.


En conclusion,
"Les millions de morts qui, depuis une quinzaine d'années, sont la conséquence en dernière analyse de ce délabrement de l'Etat dans les pays en proie aux guerres civiles, comme la gravité des nuages qui s'amoncellent sur les pays encore en paix, devraient inciter à de telles réformes".

Amen, amen, amen.
    Mamy.