Manandafy Rakotonirina
Le "souverainisme" a vécu !
Le problème de ce pays est et demeure la gestion des ressources humaines.
Telle est la déclaration de Manandafy Rakotonirina, président national du MFM.
Constatant la conduite des affaires de l'Etat dans le contexte de mondialisation
et les mutations profondes qui se produisent dans la société malgache,
Manandafy, enseignant chercheur, autant que Moxe Ramandimbilahatra, Jean
Théodore Ranjivason et les autres, ne peut que saluer l'événement historique
qui est intervenu ces derniers jours. C'est la première fois, dit-il, que les
intellectuels osent revendiquer ouvertement et publiquement une augmentation des
salaires.
Ce mouvement des enseignants chercheurs de l'université auquel adhère le
personnel technique et administratif et des étudiants, traduit cette mutation
profonde, tout comme le nouveau mouvement amplifié de migration intérieure ou
d'exode rural de ces deux ou trois dernières années. Une analyse et une
lucidité peu courantes dans le milieu politique en fait.
D'après Manandafy Rakotonirina, le mouvement de contestation ou de
revendication actuel démontre bien que le "souverainisme" a vécu ;
il n'est plus aujourd'hui question de honnir qui que ce soit et encore moins de
demeurer attaché à des sentiments ou valeurs anachroniques qui ankylosent,
telles les rizières ancestrales qui, au fil des générations, sont en fait
réduites à quelques mètres carrés et sur lesquelles on pratique toujours les
mêmes méthodes et techniques culturales, avec les mêmes variétés de riz de
surcroît.
Beaucoup aujourd'hui sont ceux qui en sont conscients, en particulier les jeunes
diplômés, ne seraient-ce que ceux qui disposent de leur BEPC, résidant dans
les villages des environs des chefs-lieux de firaisana et qui affluent vers les
zones urbaines et précisément vers la capitale où sont installées les
entreprises franches qui embauchent et qui offrent de nouvelles perspectives
d'avenir pur ces jeunes.
MÉDIOCRITÉ AMBIANTE
Transposée au niveau des intellectuels et de nos étudiants, cette
analyse met en exergue leur refus désormais de la sujétion aux préoccupations
de souveraineté, qui en son temps, les obligeait à se contenter de traitements
faméliques et à faire avec la médiocrité ambiante.
Et c'est là, en ce moment, un débat politique qui anime tant la classe des
intellectuels que la classe dirigeante car il intéresse au plus haut point,
autant les gouvernants que les parents, ainsi que les bailleurs de fonds. En
effet, l'excellence intellectuelle doit-elle être cédée au privé ou l'Etat
doit-il prendre ses responsabilités ?
Car il est un fait que personne ne peut plus aujourd'hui réfuter : à
compétence et à qualification égale, traitement et salaire égal. L'Etat
peut-il et doit-il fonder sa politique de gestion des ressources humaines au
niveau de l'Enseignement supérieur sur la fortune ; autrement dit, l'accès à
l'enseignement supérieur doit-il être fondé sur la richesse ?
Manandafy Rakotonirina d'ailleurs remarque que pour l'instant la politique de la
Banque mondiale est de mettre, comme on dit, le paquet dans l'enseignement
primaire et l'enseignement secondaire (Ier et II cycles) ; l'enseignement
supérieur ou l'université est perçue comme le niveau de récupération des
coûts.
Et c'est à ce niveau que la gestion des ressources humaines présente des
faiblesses car la fuite des cerveaux et des cadres est ici encouragée par
l'argument souverainiste ou d'insuffisance du budget de l'Etat, avancé par les
gouvernants. Le nombre de citoyens malgaches, d'intellectuels malgaches
résidant aujourd'hui en France s'élève à près de 100 000, et ils sont un
peu partout dans les grandes sociétés des secteurs porteurs de l'heure. La
politique menée par la France n'est pas non plus exempte de remarque, car cette
stratégie de la Banque mondiale et les retombées dans l'enseignement
supérieur sont exploitées à des fins de politique d'entreprise que
diligentent aussi bien la Coopération française que les investisseurs
français à Madagascar. A preuve, les tentatives de transformations de l'Ecole
nationale d'Informatique en établissement formant uniquement des techniciens
Bac+2, mais pas de vrais ingénieurs. La gangrène qui ronge l'EES Agro ces
temps-ci reflète la faiblesse du pouvoir actuel, mais surtout le manque de
volonté politique et de perception globale au niveau macro économique et dans
le contexte de mondialisation.
RAW
Plutôt les régions
Les six provinces prônées actuellement par le régime ne valent plus grand
chose et ne peuvent résoudre les problèmes de pauvreté et de médiocrité
dans lesquels structurellement sont empêtrées les diverses parties du
territoire malgache. C'est en substance l'avis de Manandafy Rakotonirina.
Effectivement, le pari présidentiel en son temps, de construire des
universités dans chaque chef-lieu de faritany est réalisée, mais combien
parmi les écoliers de ces faritany fréquentent aujourd'hui ces universités?
Et le patron du MFM de préciser que plus que la province, il faut plutôt axer
les actions de développement sur les régions qui sont plus proches des
populations cibles et point d'application de tout projet de société.
Quid du problème de la nationalité?
Selon Manandafy Rakotonirina le problème qui mine le régime est d'ordre
politique et de compétence. Les gouvernants n'ont pas la sagacité
intellectuelle, pour ne pas dire la capacité intellectuelle de faire face aux
problèmes. "A-t-on jamais pensé résoudre une bonne fois pour toute le
problème de nationalité? Pourquoi les habitants de l'île arrivés seulement
au 20è siècle à Madagascar n'auraient-ils pas droit à la nationalité? Le
fait même que ces soit disant étrangers ou apatrides ne sont pas de
nationalité malgache n'encourage-t-il pas la fuite des richesses à
l'extérieur?"
Finalement la politique de nationalité appliquée est à beaucoup d'égards
suspecte.
MADAGASCAR TRIBUNE du 14/12/00