MANANDAFY ATTAQUE - "CE GOUVERNEMENT A PATAUGÉ"
Le président Ravalomanana entendra-t-il l’avis de Manandafy Rakotonirina, son conseiller spécial ?


"Le gouvernement aurait dû poser la question de confiance sinon il devrait démissionner"

Le président du parti MFM et conseiller spécial du Président de la République fustige le gouvernement. Il souligne les manquements de l’équipe de Jacques Sylla et demande à celui-ci d’en tirer les conséquences.

• Quelle lecture donnez-vous au discours de vœux du président du Sénat ?

- Le Sénat est à la fois le représentant des collectivités et le conseiller économique et social de l’Etat. Il est parfaitement légitime que le président de la chambre basse évoque les problèmes économiques dans son discours. Faut-t-il lire son discours comme une attaque politique contre le premier ministre Jacques Sylla ? Tout le monde sait que ce gouvernement a pataugé.

• Pouvez-vous être plus explicite ?

- Face à la dépréciation monétaire, la première réaction du gouvernement a été l’instauration du filet de sécurité. Une initiative qui, au passage, n’a pas été menée jusqu’au bout. On sent une panique gouvernementale et tout le monde le sait. Souvenez-vous, au départ, il a été question de distribuer le riz par les voitures des députés, des sénateurs et les chefs de région. Or ces véhicules ne peuvent transporter que 500 kilos à chaque voyage. Ce n’est qu’après que le président a mis à la disposition de la commune d’Antananarivo des camions militaires pour la distribution. Et c’est pareil partout. Ce n’est pas seulement dans la Capitale que l'on sent cette panique. Et ce prix du riz à 3 500 FMG le kilo est devenu un sujet politique.
En fait, il y a un défi lancé par les collecteurs traditionnels pour faire monter le prix et le gouvernement est tombé dans le piège en imposant ce coût, alors que le prix réel aurait dû se situer autour de 4 000 à 4 500 Fmg le kilo dès lors qu’on a acheté le kilo du paddy à 2000 Fmg chez les paysans.

• Le président du Sénat aurait-il fait une telle déclaration sans l’aval du président Ravalomanana ?
- Nous sommes une République. Il y a quand même une séparation des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif. Vous voulez dire que le chef de l'Etat a dicté le discours du président du Sénat? Je ne le pense pas. Le président du Sénat représente une institution. C’est sa responsabilité. Il n’a pas d’ordre à recevoir du Président de la République. Pour ce qui est de la consultation politique, je ne suis pas au courant car je ne suis pas membre du Tim. D’ailleurs, le président Rajemison Rakotomaharo a déclaré qu’il assume les responsabilités de sa déclaration. Il n’a jamais fait référence à un ordre quelconque.

• Devrait-on avoir un changement de gouvernement ?

- C'est au chef de l'Etat de prendre cette responsabilité. C’est son pouvoir absolu de changer de premier ministre et de ministres.

• Mais que lui conseillerez-vous?

- Vous savez, ce que je reproche surtout à ce gouvernement c’est de ne pas avoir réalisé certains projets de loi. Contrairement au chef de l’Etat, il a l’initiative de loi.
Je fais référence au projet de loi sur l’amnistie qui était arrivé devant le gouvernement, mais ce dernier n’a pas répondu dans le délai d’un mois qui lui est imparti. Idem pour les propositions de loi sur la concurrence. Dans le rapport économique et social du gouvernement, celui-ci est encore à l’étude. Ce que je constate, que le gouvernement n'a pas accompli certaines tâches. Il y a des manquements graves à la mise en place de la démocratie ou dans la régularisation du fonctionnement des institutions.

Je prends la proposition de loi sur l’amnistie. Toute proposition passe par le gouvernement. Ce texte n’a jamais été transmis au Parlement. Après le rejet par la chambre basse du texte pourtant adopté par le Sénat, le gouvernement aurait dû constituer une commission parlementaire mixte pour examiner la proposition. Ce n’est pas encore le cas. Dans une démocratie, il doit y avoir des débats. Le gouvernement ne l’a pas organisé.

• Dans quelle mesure un changement de gouvernement est-il une solution ?

- Aujourd’hui il y des dossiers en retard, en souffrance. Il y a des textes, des initiatives de loi sur des sujets prioritaires, mais ça ne vient pas. En 2002, on a parlé de la Haute cour de justice (HCJ), le texte n'a jamais vu le jour.

• Dans un éventuel changement de gouvernement, le premier ministre devrait-il aussi partir ?

- Je vous dis que c’est au Président de la République d’en décider. Le conseiller n’a pas grand chose à dire dès lors que les deux chefs du Parlement l’ont suggéré. C’est au chef de l’Etat de prendre ses responsabilités.

Mais j’aimerais ajouter que c’est d’abord à l’intéressé d’en tirer les conclusions. Comme il déclare ne tenir que le langage des actions, il refuse le débat, ce qui n’est pas très républicaine comme méthode. Doit-il attendre une motion de censure ?

• Mais la session parlementaire ne reprend qu’au mois de mai…

- L’Assemblée nationale a les prérogatives de la motion de censure. Son président s’est prononcé ouvertement dès la clôture de la session le 23 décembre. Politiquement, le gouvernement aurait dû poser la question de confiance sinon il devrait démissionner.

Propos recueillis par :

Iloniaina A.