Manandafy rakotonirina pour le Mfm

“C’est la dernière bataille ?”...

La réponse en riant aux éclats de Manandafy Rakotonirina, 30 ans de combat politique, depuis 1972, sous tous les régimes pour des idées généreuses :
- “Oui... La dernière bataille ou le dernier jour de bataille ?”.
Le MFM est toujours apprécié pour sa culture politique. Le sociologue qui est sa tête n’y est pas pour rien. Cela dit, les théoriciens ne sont pas toujours les meilleurs acteurs sur le terrain.
Trois députés seulement dans la législature sortante. On vise plus haut, cette fois. Les circonstances s’y prêtent pour chef du parti “Expert et Rouge” d’antan reconverti dans un sage “Mouvement pour le progrès à Madagascar”.
Combien de candidats ? 300 ! Il y a cent listes de trois candidats chacune. L’astuce n’a peut-être pas été saisie par les autres partis. Une dizaine de militants se présentent sous d’autres étiquettes, Ong etc...
“Manandafy” enchaîne Gauloises (historiques... sans filtre !) sur Gauloises. Le timbre de la voix s’en ressent. Mais l’essentiel est là de la pensée d’une “bête politique” qui, au petit débat électoral actuel, préfère parler de l’avenir de la démocratie à Madagascar. Plutot qu’haranguer, pourfendre, protester, l’ancien gauchiste à l’humour décapant choisit désormais de convaincre, expliquer. Un régal quand on veut comprendre... Une personnalité incontournable.

o Après votre soutien engagé pour l’accession au pouvoir de Marc Ravalomanana, pourquoi n’avez-vous pas intégrer les différentes formations qui soutiennent son parti, le TIM ?
- La MFM a toujours été à part . Vous voyez le siège de Tiko. Dejà à l’époque du KMMR (ndlr : Comité de soutien à Marc Ravalomanana), le MFM siégeait à part. Bien que l’on ait eu un rôle dirigeant au sein du Magro, le MFM a toujours fonctionné de manière autonome.
o Il n’y a donc pas eu rupture ?
- Non. C’est un mode de fonctionnement qui a été accepté par Ravalomanana. Dès lors qu’ils ont mis fin au KMMR, au KMSB pour faciliter l’émergence du TIM, il était convenu qu’on reprendrait notre place.
o Il y a quelques semaines, vous étiez sceptique sur l’organisation dans de bonnes conditions de législatives anticipées.
- Je n’y étais pas opposé. J’estimais que le travail préparatoire au niveau du ministère de l’intérieur accusait du retard. Les bailleurs de fonds ont attendu l’annonce de la date des élections pour débloquer leurs participations. Cela peinait au niveau de l’administration tant que les fonds n’étaient pas débloqués. Maintenant qu’ils le sont, ca va. Les urnes transparentes sont là...
o Vous aviez quand même quelques appréhesions pour certaines provinces, qui pour être chaudes n’en sont pas pour autant “mafana” (!), Toliara et Toamasina. Il y avait à vos yeux cette “pacification” qui n’était pas terminée. Est-ce que cela reste des zones de turbulences électorales possibles ?
- Tuléar, non. Il n’y a jamais eu que des tentatives de barrages. Pas autant qu’à Tamatave. On raconte qu’il reste des armes à récupérer. Diego, c’est calme, maintenant. Tamatave, ça à l’air de s’être calmé. Il y a encore des arrestations ponctuelles. Les élections sont faites précisément pour apaiser et arrêter tout ça. L’objectif des élections, c’est d’aboutir à la paix sociale.
o Comment arrive-t-on à faire encore de la politique quand il n’y a plus de clivages idéologies, alors que le MFM est un parti très marqué à sa création en 1972 ?
- Il y a toujours une idéologie. Le “faharimanana” et le “fahamasina” de Marc Ravalomanana, ce sont des concepts qui recouvrent quand même une certaine vision ou pratique sociale. L’idéologie... Vous savez avec la disparition du Mur de Berlin... La question à Madagascar c’est un choix de société. Le débat autour du nombre de députés, de répartition : fallait-il retenir uniquement des critères démographiques, géographiques ? Tout cela s’est réglé dans un consensus. Un député pour 200.000, 150.000 habitants, ce n’était pas sérieux. La majorité côtière n’existe plus, quand on raisonne uniquement sur le plan démographique. Elle apparaît quand on introduit le facteur circonscription.
o Vous vous élevez, dans différents communiqués, contre la pensée unique, l’anti-parlementarisme ambiant... Vous pensez qu’il y a des risques ?
- La pensée unique cela tient à une chose. Le seul qui détient réellement le pouvoir, la légitmité, c’est le Président. Qu’il y ait des groupes autour de lui, cela a toujours été le cas à Madagascar. On a connu cela sous Tsiranana, sous Ratsiraka on a eu ce problème. Avec Ravalomanana, les conditions seront un peu différentes dans la mesure où le drame de Ratsiraka c’était la haute fonction publique. Ravalomanana est issu d’un autre milieu. Il a des liens très forts avec le FFKM, avec les milieux d’affaires, je ne crois pas qu’il se laissera manipuler par les corps d’Etat.
o C’est donc une nouvelle conception politique qui voit le jour ?
- Pendant toute la campagne électorale des présidentielles, on n’a jamais parlé d’investissements publics, d’écoles, d’hôpitaux, même pas de riz... C’est seulement maintenant qu’il est au pouvoir qu’on en parle. Là où il y a des zébus, au nord, au sud, on parle d’élevage. Là où il y a des fruits, comme sur la côte Est, on parle de jus. Ca marche. Pendant toute cette campagne, on a fait abstraction des programmes d’investissements publics. On n’a parlé que d’investissements privés. Pour la première fois, on sort de la fonction publique pure. Depuis l’indépendance, c’était le centre d’intérêt de la classe politique : la fonction publique. On sort de ça.
o Par rapport à l’impunité, l’amnistie, le MFM se positionne comment ? Faut-il faire le procès de l’ancien régime, de ses dirigeants ?
- De toute façon, il va falloir qu’on ressoude l’unité autour de la République. On ne va pas continuer indéfiniment à mettre l’Arema en prison. Ratsiraka ne va pas rester éternellement en exil dehors. Il va falloir que l’on trouve un terme à tout ça. Les élections c’est une occasion... Ce sera le rôle de la nouvelle Assemblée. L’aspect répressif, il faut tourner la page, ce sera fini après les élections.
o On prête, au MFM, une capacité de mobilisation populaire. On parle de débats démocratiques, mais tous les changements politiques sont venus de la rue. Et la rue, dit-on, c’est le domaine du MFM.
- Ouais... Bon... La prochaine étape se sera de faire de l’Assemblée nationale, le premier centre d’intérêt de l’activité politique. Les problèmes politiques doivent se régler à partir de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi le dérapage sur l’anti-parlementarisme ne sert pas. C’est à contre-temps.
o Le bruit court d’une refonte de la Constitution, d’un affaiblissement du rôle du Parlement au profit des maires, par exemple. On a le sentiment que le chef de l’Etat est plus en prise avec les élus de proximité qu’avec ces députés qui n’ont pas tout fait, ces dernières années, pour se rendre dans l’opinion sympathiques et utiles.
- Les maires, bon... Le passé communal de Ravalomanana fait qu’il est plus disposé à l’égard des maires. Il voit clairement ce que doit faire un maire. Cela dit, le rôle de l’Assemblée nationale, c’est un rôle incontournable. Il n’y a pas de crédits extérieurs sans l’aval de l’Assemblée nationale. Qu’il fasse des routes son programme prioritaire, c’est une bonne chose. C’est ce qu’il y a de mieux à faire. Ce qui bloque le pays, c’est l’absence de routes.
o Le MFM est-il toujours attaché à ses vingt huit régions ?
- Oui. Le mode d’urbanisation à Madagascar deviendra supportable, accepté par tous si l’on créé des nouveaux chefs-lieux, des nouveaux pôles de développement. La population d’aujourd’hui est acquise à cette idée.
o Donc plus sur des critères de potentialités économiques que ethniques ou culturels ?
- Ethnique ? Ca n’a plus de sens. La colonisation, l’indépendance, le brassage dans la fonction publique... Maintenant, avec l’émergence du privé national, tout cela va disparaître.
o Vous êtes dans l’opposition ou pas ?
- Non.
o Alors qui est dans l’opposition ? Quand on fait de la politique, il en faut une.
- L’Arema. Il ne faut pas trop centrer le débat sur Pierrot Rajaonarivelo. Le problème central, c’est Ratsiraka. L’Arema sera ce que veut Ratsiraka.
C’est Ratsiraka qui décide. L’étiquette Arema resté liée à la personne de Ratsiraka. Il n’y a pas d’Arema en dehors de la ligne, de la volonté de Ratsiraka.
o Qu’est-ce que vous dénoncez dans cette campagne électorale. Il y a eu quelques dérives ?
- L’amalgame entre les moyens mis à la disposition du TIM et de l’Etat, c’est trop. Les hélicoptères au service du seul TIM. Ca marque les esprits.
Les financements des partis, c’est un aspect à étudier pour mettre sur les rails le processus démocratique. Les inégalités de moyens, c’est trop criant.
o Vous tablez sur combien de députés ?
- Je ne sais pas... On estime au moins à 50%. Notre ambition, c’est entre 50/70 députés...
(Un grand éclat de rire)
- ... Ce sont les conditions qui nous amènent à cette projection. La vraie bagarre, c’était entre le TIM et l’Arema. On a été engagé au coté de Ravalomanana, c’est sûr, mais les attaques de l’Arema ont surtout été dirigées contre le TIM. J’ai eu quelques militants en prison, à Diego.
o Si vous aviez à évaluer votre poids dans l’accession de M. Ravalomanana au pouvoir, vous diriez combien ? Le MFM y est pour beaucoup ?
- Ravalomanana, avant la mise en place du KMMR, il avait déjà son réseau “Tiko”., qui a créé le premier effet. A coté de cela, à chaque meeting, il avait des chorales du FJKM. La participation des églises a été déterminante.
o Elle vous choque ?
- Non. Vous savez, l’Eglise à Madagascar est républicaine. Mon raisonnement est le suivant : les Malgaches qui ont reçu une éducation scolaire deviennent tous chrétiens. La petite bourgeoisie est chrétienne. Si vous voulez faire du libéralisme et de la démocratie, il faut compter avec les chrétiens.
o Et les observateurs internationaux, vous croyez à l’efficacité de leur mission ?
- Ces élections législatives anticipées, c’était une condition de l’Union africaine, de l’OUA. On y est. Les mécanismes publics sont en train de se mettre en place. Il reste à protéger le processus démocratique. On verra comment vont faire les observateurs. Ca à l’air plus sérieux qu’avant. Certains sont là depuis un mois.
o La position de l’Union africaine vous paraît fondée ?
- Non, c’est purement formel. Ils ont édicté des règles, ils s’y tiennent. Ils n’ont jamais voulu prendre en compte le fonctionnement réel du pays, comment ce pays doit tourner, dans quelles conditions la démocratie peut fonctionner à Madagascar. Les chefs d’Etat (africains), à mon avis, sont en train de changer. Ils ont désormais une autre appréciation de la situation qui ne correspond plus au réflexe bureaucratique du staff de l’OUA à Addis Abeba. C’est mon appréciation.
o Et le “Front du refus” ?
- Ah..., le “Front du refus”. Des prises de positions individuelles. Il n’y a pas véritablement un front d’organisation derrière une personnalité. C’est une constellation de personnalités.
o Pour conclure, vous pensez que cela va être un scrutin correct, honnête ?
- On verra bien. Il y a ce pari international. Il faut que la République tourne. Tout le monde y a intérêt. On ne peut pas envisager la réalisation du développement rapide et durable sans des institutions fiables, efficaces et représentatives.


Propos recueillis par Christian Chadefaux :