MANANDAFY RAKOTONIRINA : Au bénéfice du doute

Les propos de Manandafy Rakotonirirna mettent toujours en effervescence le microcosme politique.

D’autant qu’ils ont fait naître au sein même du Palais d’Ambohitsorohitra une vigoureuse polémique qui est en passe de diviser les proches de Marc Ravalomanana. Dans un quotidien, le chef du MFM avait de façon anodine annoncé que les bailleurs de fonds, dont ceux du Club des Amis de Madagascar, ont fait de la loi d’amnistie une condition pour le déblocage des fonds. Lors de ses interventions ultérieures sur les ondes, il a précisé son affirmation de cette manière : alors qu’il se trouvait à Dakar le 24 janvier dernier dans une réunion où siégeait également Lila Ratsifandrihamanana, ambassadeur de Madagascar au Sénégal, la nouvelle lui a été rapportée par Cheick Tidiane Gadio, ministre sénégalais des Affaires étrangères qui revenait d’une réunion des bailleurs de fonds à Paris. Pour en avoir le cœur net, nous avons tenté hier de joindre Lila Ratsifandrihamanana, mais après plusieurs minutes d’attente au téléphone, on nous a communiqué qu’elle était retenue chez le président Abdoulaye Wade et ne devrait rentrer que tard le soir.

Une étude des péripéties de la crise post-électorale malgache indique néanmoins que Manandafy Rakotonirina peut avoir dit la vérité. Si Dakar I et Dakar II n’apportent aucune précision particulière sur le sort qu’il convient de réserver aux personnalités de l’ancien régime, certains documents ou déclarations, par contre, sont explicites sur la question. Citons d’abord un passage du communiqué de l’Organe central de l’OUA qui s’est réuni à Addis Abeba le 21 juin 2002, pour se pencher sur le cas de Madagascar : « MM. Ratsiraka et Ravalomanana doivent mettre fin immédiatement aux barrages routiers, à démanteler les milices, à mettre fin à toutes les formes de violence et de relâcher toutes les personnes arrêtées en raison de cette crise ». Evoquons ensuite les propos tenus à Paris le 24 janvier dernier par Dominique de Villepin, ministre français des Affaires étrangères, lors de son rapport devant le Sénat sur l’état des crises sur le continent africain : « A Madagascar comme ailleurs, la stabilité politique doit aussi s’appuyer sur un processus de réconciliation nationale, qui implique d’éviter les chasses aux sorcières, à l’instar de ce qui s’est passé en Afrique du Sud à la fin du régime d’apartheid » (sic).

Il est possible donc que les bailleurs de fonds aient fait de l’amnistie une condition pour le déblocage des fonds. Non par inclination pour les personnalités de l’ancien régime, mais pour favoriser l’avènement d’un climat de détente propice aux activités économiques. D’ailleurs, Didier Ratsiraka et ses proches, exilés à Paris, ne restent pas inactifs, et pratiquent un lobbying intense auprès des chefs d’Etat africains et des bailleurs de fonds, autant pour secouer l’exclusion dont ils sont frappés que pour mettre des bâtons dans les roues de l’actuel régime. En tout cas, si on intentait un procès à Manandafy Rakotonirina sur la véracité des propos qu’il a tenus, il serait relaxé au bénéfice du doute.

A. R. et M. A

gdi 19/02/2004