Manandafy Rakotonirina
« Des officiers sont venus me voir »
Alors que le pays vit une stabilité politique plutôt exceptionnelle, voici que des officiers semblent vouloir perturber la paix dans ce pays. En effet, un groupe d’officiers a récemment contacté le président du MFM, Manandafy Rakotonirina afin de lui soumettre un projet de faire un coup d’Etat… Le patron du MFM s’est farouchement opposé à une telle aventure. Interview.
Manandafy Rakotonirina, président national du MFM n'occupe, certes, aucune fonction législative comme le Pr Zafy Albert de l'AFFA et Norbert Ratsirahonana de l'AVI, mais il reste toujours consulté sur des actions politiques dans le sillon de l'opposition. Vieux briscard de la politique, Manandafy Rakotonirina nous a revélé hier qu'« un groupe d'officiers m'a consulté en vue d'un coup d'Etat » « Il s'agit, a t-il affirmé d'un groupe de commandants et colonels mécontents du régime, mais aussi animés d'un certain enthousiasme progressiste ». « Ne me demandez pas qui sont-ils, je ne les revèlerai jamais. En tout cas, ils étaient venus pour discuter comme tout citoyen... ».
Mais en homme politique responsable et conscient que les coups d'Etats appartiennent au passé, Manandafy Rakotonirina leur a supplié d'abandonner un tel projet. Il s'explique : « Même si je m'oppose, et continuera de m'opposer à Didier Ratsiraka, je suis contre cette solution. De nos jours, un soulèvement militaire n'a plus droit d'existence. Je leur ai dit que ce n'est pas par un putsch qu'on réussira à déboulonner Ratsiraka (...) ».
D'après lui, « une prise de pouvoir par un coup de force à Madagascar avec un amiral au pouvoir est difficile à concrétiser sachant la mainmise et le contrôle du président sur tous les éléments militaires. Ensuite, en ce nouveau millénaire, un putsch est à déconseiller contrairement à un mouvement populaire ou à une alternance électorale ». « Je reconnais que Ratsiraka ne changera pas et s'entête toujours de présider comme du temps de la Deuxième République, dit-il mais en tant que responsable et leader politique, j'ai persuadé mes hôtes de ne pas s'aventurer dans cette démarche. J'ai salué leur enthouasisme, mais je leur ai dit que Ratsiraka pourrait les éliminer, eux et aussi leur entourage. Un risque de succession de coups de force pourrait en plus arriver et on s'enliserait vers une véritable instabilité ».
MODERNISER LA SOCIÉTÉ
Comparant les récents changements de pouvoir en Afrique, Manandafy Rakotonirina souligne que le Sénégal est mieux géré actuellement par rapport aux Niger et la Côte d'Ivoire, même si ce sont tous des civils qui les président. Au Sénégal, l'alternance s'est déroulée sans bruit de bottes…
« Afin d'éliminer ces velléités de coups de force, continue notre interlocuteur, il est temps pour le régime, d'entamer des réformes. En premier, réunir toutes les forces vives de la nation dans le dessein de moderniser la société malgache. Et pourquoi pas organiser une table-ronde où participeront les chefs de parti et anciens dirigeants d'institutions, d'autant que l'autonomie des provinces est désormais effective. En vérité, personne ne croit plus aux coups d'Etat, car la démocratie est entrée dans les mœurs. A l'adresse de ces officiers, nous disons tout simplement que Madagascar n'est ni le Congo ni les Comores…»
Concernant les récentes élections des gouverneurs, le président du MFM évoque le changement de l'échiquier institutionnel du pays tout en mettant une réserve : « Ratsiraka a réussi à imposer ses caprices mais cela ne signifie pas qu'il gagnera la bataille du développement. Sur un autre point, les élections ont encore prouvé que Ratsiraka dirige toujours l'Arema. C'est pourtant anticonstitutionnel ! Quoi qu'il en soit, l'existence des candidats parallèles ratsirakistes prouve que les Malgaches, même ceux qui évoluent au sein du régime, en ont marre du verrouillage et de la dictature. Un changement s'impose ! »
Interrogé sur l'avenir de la Cellule de crise, Manandafy Rakotonirina rejette le qualificatif de perte de vitesse : « Certes, la Cellule n'a pas tenu ces derniers temps de meeting, mais sachez que nous continuons à nous mobiliser pour contrecarrer les abus et l'impunité de ce régime. Et le peuple sera avec nous... ». Une réponse classique.
James r.
Madagascar TRIBUNE du 12/06/01