Le MFM courtise-t-il
les Karana et les Asiatiques ?
A chaque période électorale, tous les opérateurs
économiques et hommes d’affaires ou du moins la plupart
d’entre eux s’attendent toujours à ce qu’ils soient
approchés par les états-majors politiques. L’objectif de ces
derniers est plus ou moins patent : obtenir certaines
largesses auprès de ces « investisseurs » pour
appuyer leurs opérations électorales, notamment sinon
généralement leurs propagandes… avec en contrepartie, des
garanties de toutes sortes comme quoi ces généreux donateurs
n’auront pas à s’inquiéter si tout va bien, mais surtout
s’ils arrivent au pouvoir.
L’histoire a toutefois montré que peu de ces opérateurs sont
enclins à de telles sollicitations de leurs interlocuteurs,
préférant plutôt attendre l’issue des élections pour ensuite
se précipiter et faire la queue vers celui qui aura la
nouvelle direction suprême des affaires nationales.
Le fait est que le MFM de Manandafy Rakotonirina semble
s’affairer actuellement à une opération de charme auprès des
différents opérateurs et investisseurs qui sont déjà en
activité au pays, mais plus particulièrement auprès des
«Karana» (Indiens et Indopakistanais) et des
«Sinoa»
(Chinois et Asiatiques).
La démarche porte à croire que le MFM envisage une
participation très active à la prochaine présidentielle,
malgré le fait qu’il n’a pas encore désigné son candidat et
ne s’est pas non plus déclaré pour un soutien de l’un de
ceux qui ont déjà annoncé leur intention de se présenter au
départ de cette élection. La seule précision qu’on sait
jusqu’ici est que, par la voix du président national du
parti, Manandafy Rakotonirina,
«le MFM ne soutiendra plus
le candidat Marc Ravalomanana…»
Offensive de charme ?
Pour mieux comprendre cette visée du MFM, il nous a paru
utile de rapporter ici quelques extraits d’une lettre que le
parti a envoyée le 16 septembre dernier
«aux
investisseurs Karana, Chinois, etc…» La lettre est
signée par Manandafy Rakotonirina en personne, et on y lit
entre autres :
«… Dans sa démarche fort louable, du
reste, l’actuel régime ne se singularise-t-il pas à travers
ses incesssants appels aux investisseurs étrangers pour
l’accompagner et le soutenir dans le processus du
développement ? Toutefois, très peu y répondent et pour
cause, alors que des investisseurs locaux dotés non
seulement d’une capacité financière sans doute moins
importante que ceux d’ailleurs mais par contre doublés de
savoir-faire et d’une rare connaissance du pays ne demandent
qu’ un peu plus de considération ? Nonobstant votre
représentativité dans votre secteur d’activité, vous êtes à
contrario superbement ignorés voire exclus. Car en effet,
vous faites l’objet d’une sournoise élimination du secteur
des affaires. Le spectre d’Idi Amin Dada de l’Ouganda d’il y
a quelques décennies, ou les exactions perpétrées par Mugabe
envers les hommes d’affaires du Zimbabwe ne pèsent-ils pas
en ce moment sur notre pays. A nos yeux, vous faites partie
intégrante de ce pays et méritez une attention tout aussi
particulière que les autres car vous aviez par le passé,
déjà fait vos preuves… Dans sa quête d’ouverture, le régime
ne ferait-il pas mieux de s’ouvrir vers les hommes
d’affaires locaux au lieu de chercher loin ce qu’il peut
trouver si près. Car ceux-là pourront jouer un rôle positif
déterminant dans le décollage économique de Madagascar, leur
pays d’accueil, désormais leur pays d’adoption… Nous
comprenons parfaitement votre souhait manifeste non moins
légitime de vous intégrer dans la société malgache en tant
que dignes fils de ce pays pour pouvoir participer très
activement à son essor. Ayant contribué aux grands
changements opérés dans ce pays et, attachés aux principes
d’ouverture que nécessite l’intégration de notre pays dans
le contexte mondial, nous voudrions vous apporter, la
sécurité juridique indispensable à la pérennisation de vos
actions qui constituent l’indispensable pierre contributive
à l’édifice du développement. Convaincus que l’heure
d’entamer une nouvelle page de notre histoire commune se
présente aujourd’hui et plus particulièrement lors des
prochaines élections, nous voudrions vous associer à ce
changement et vous aider à prendre ce tournant historique en
présentant, en temps opportun, au niveau de nos Parlements,
un projet de loi visant à vous conférer légalement la
nationalité malgache».
La question qui se pose est de savoir si, en prônant ainsi
l’octroi de la nationalité malgache à ces
«investisseurs
karana et sinoa», le MFM a-t-il bien pensé les
conséquences d’une telle mesure, à moins qu’il ne s’agisse
que d’une véritable offensive de charme auprès de ces
opérateurs.
D’une part, il y a investisseurs et investisseurs dans la
mesure où certains, si ce n’est la majorité de ces derniers,
opèrent généralement dans le domaine du commerce
(l’électronique pour les karana et l’habillement pour les
sinoa) avec au total une dizaine d’employés à leurs
services.
On comprend qu’ils veulent bien s’intégrer dans la société
malgache, mais en matière de création d’emplois, leurs
investissements ne semblent pas aller dans le véritable sens
souhaité par les pouvoirs publics qui raisonnent en termes
de milliers ou à la limite de centaines d’emplois qui seront
créés par tous les investisseurs.
Mais d’un autre côté, il ne faut surtout pas oublier que
beaucoup de ces prétendus investisseurs que le MFM entend
«nationaliser» ont tendance à se comporter comme dans un
pays conquis et se permettent des comportements qui
dépassent souvent les limites du tolérable.
L’initiative du MFM n’a rien de répréhensible dans son
esprit, mais il faudrait quand même que le gouvernement y
apporte aussi ses points de vue, car l’octroi d’une
nationalité du pays hôte à un étranger doit être traité au
cas par cas, un peu à l’image de la loi Sarkozy en France.
Il est patent en effet que la demande de naturalisation ou
de nationalité des étrangers est souvent, sinon généralement
vouée à d’autres fins qui n’ont rien à voir avec une
intention d’une véritable intégration dans la société hôte.
Miadana Andriamaro