Article du : 22/9/2006 -Les Nouvelles
Offensive de charme du MFM auprès des investisseurs “karana” et chinois
 
        Le MFM courtise-t-il les Karana et les Asiatiques ?
 
A chaque période électorale, tous les opérateurs économiques et hommes d’affaires ou du moins la plupart d’entre eux s’attendent toujours à ce qu’ils soient approchés par les états-majors politiques. L’objectif de ces derniers est plus ou moins patent : obtenir certaines largesses auprès de ces « investisseurs » pour appuyer leurs opérations électorales, notamment sinon généralement leurs propagandes… avec en contrepartie, des garanties de toutes sortes comme quoi ces généreux donateurs n’auront pas à s’inquiéter si tout va bien, mais surtout s’ils arrivent au pouvoir.
 
L’histoire a toutefois montré que peu de ces opérateurs sont enclins à de telles sollicitations de leurs interlocuteurs, préférant plutôt attendre l’issue des élections pour ensuite se précipiter et faire la queue vers celui qui aura la nouvelle direction suprême des affaires nationales.
 
Le fait est que le MFM de Manandafy Rakotonirina semble s’affairer actuellement à une opération de charme auprès des différents opérateurs et investisseurs qui sont déjà en activité au pays, mais plus particulièrement auprès des «Karana» (Indiens et Indopakistanais) et des «Sinoa» (Chinois et Asiatiques).
 
La démarche porte à croire que le MFM envisage une participation très active à la prochaine présidentielle, malgré le fait qu’il n’a pas encore désigné son candidat et ne s’est pas non plus déclaré pour un soutien de l’un de ceux qui ont déjà annoncé leur intention de se présenter au départ de cette élection. La seule précision qu’on sait jusqu’ici est que, par la voix du président national du parti, Manandafy Rakotonirina, «le MFM ne soutiendra plus le candidat Marc Ravalomanana…»
 
Offensive de charme ?
 
Pour mieux comprendre cette visée du MFM, il nous a paru utile de rapporter ici quelques extraits d’une lettre que le parti a envoyée le 16 septembre dernier «aux investisseurs Karana, Chinois, etc…» La lettre est signée par Manandafy Rakotonirina en personne, et on y lit entre autres : «… Dans sa démarche fort louable, du reste, l’actuel régime ne se singularise-t-il pas à travers ses incesssants appels aux investisseurs étrangers pour l’accompagner et le soutenir dans le processus du développement ? Toutefois, très peu y répondent et pour cause, alors que des investisseurs locaux dotés non seulement d’une capacité financière sans doute moins importante que ceux d’ailleurs mais par contre doublés de savoir-faire et d’une rare connaissance du pays ne demandent qu’ un peu plus de considération ? Nonobstant votre représentativité dans votre secteur d’activité, vous êtes à contrario superbement ignorés voire exclus. Car en effet, vous faites l’objet d’une sournoise élimination du secteur des affaires. Le spectre d’Idi Amin Dada de l’Ouganda d’il y a quelques décennies, ou les exactions perpétrées par Mugabe envers les hommes d’affaires du Zimbabwe ne pèsent-ils pas en ce moment sur notre pays. A nos yeux, vous faites partie intégrante de ce pays et méritez une attention tout aussi particulière que les autres car vous aviez par le passé, déjà fait vos preuves… Dans sa quête d’ouverture, le régime ne ferait-il pas mieux de s’ouvrir vers les hommes d’affaires locaux au lieu de chercher loin ce qu’il peut trouver si près. Car ceux-là pourront jouer un rôle positif déterminant dans le décollage économique de Madagascar, leur pays d’accueil, désormais leur pays d’adoption… Nous comprenons parfaitement votre souhait manifeste non moins légitime de vous intégrer dans la société malgache en tant que dignes fils de ce pays pour pouvoir participer très activement à son essor. Ayant contribué aux grands changements opérés dans ce pays et, attachés aux principes d’ouverture que nécessite l’intégration de notre pays dans le contexte mondial, nous voudrions vous apporter, la sécurité juridique indispensable à la pérennisation de vos actions qui constituent l’indispensable pierre contributive à l’édifice du développement. Convaincus que l’heure d’entamer une nouvelle page de notre histoire commune se présente aujourd’hui et plus particulièrement lors des prochaines élections, nous voudrions vous associer à ce changement et vous aider à prendre ce tournant historique en présentant, en temps opportun, au niveau de nos Parlements, un projet de loi visant à vous conférer légalement la nationalité malgache».
 
La question qui se pose est de savoir si, en prônant ainsi l’octroi de la nationalité malgache à ces «investisseurs karana et sinoa», le MFM a-t-il bien pensé les conséquences d’une telle mesure, à moins qu’il ne s’agisse que d’une véritable offensive de charme auprès de ces opérateurs.
 
D’une part, il y a investisseurs et investisseurs dans la mesure où certains, si ce n’est la majorité de ces derniers, opèrent généralement dans le domaine du commerce (l’électronique pour les karana et l’habillement pour les sinoa) avec au total une dizaine d’employés à leurs services.
 
On comprend qu’ils veulent bien s’intégrer dans la société malgache, mais en matière de création d’emplois, leurs investissements ne semblent pas aller dans le véritable sens souhaité par les pouvoirs publics qui raisonnent en termes de milliers ou à la limite de centaines d’emplois qui seront créés par tous les investisseurs.
 
Mais d’un autre côté, il ne faut surtout pas oublier que beaucoup de ces prétendus investisseurs que le MFM entend «nationaliser» ont tendance à se comporter comme dans un pays conquis et se permettent des comportements qui dépassent souvent les limites du tolérable.
 
L’initiative du MFM n’a rien de répréhensible dans son esprit, mais il faudrait quand même que le gouvernement y apporte aussi ses points de vue, car l’octroi d’une nationalité du pays hôte à un étranger doit être traité au cas par cas, un peu à l’image de la loi Sarkozy en France. Il est patent en effet que la demande de naturalisation ou de nationalité des étrangers est souvent, sinon généralement vouée à d’autres fins qui n’ont rien à voir avec une intention d’une véritable intégration dans la société hôte.
 

 

Miadana Andriamaro