DMD Du 13/08 au 20/08/91

M.F.M: TRAITRE OU RESPECTABLE

Mais à quoi joue le MFM? Le MFM a-t-il vraiment changé? Les interrogations fusent à propos de la démarche du parti de Manandafy Rakotonirina.. Pour les uns, les "mafana", sobriquet populaire des membres de cette formation politique, sont des traîtres vendus au président Ratsiraka. Pour les autres le MFM est par contre un parti raisonnable qui a son rôle à jouer dans le dénouement de la crise de régime actuelle

Les soupçons de la plateforme de l'opposition et des forces vives à l'encontre du MFM ont commencé au moment de la formation du gouvernement provisoire" de la place du 13 mai. A l'époque, les médisants avaient parlé de susceptibilités de la bande à Manandafy dans la répartition des places au sein dudit gouvernement. Le MFM a par contre justifié a posteriori qu'il récusait la démarche insurrectionnelle adoptée par le mouvement. Ce climat de suspicion s'est traduit par la démission de Me Francisque Ravony, numéro trois du parti de ses fonctions d'émissaire des forces vives auprès du président Ratsiraka et de la présidence de la commission politique du bureau permanent des forces vives. Déjà, Francisque Ravony et le MFM étaient soupçonnés de mener un jeu personnel.

Les divergences entre le mouvement des forces vives et le MFM se sont accentuées durant les deux dernières semaines. Les dirigeants du MFM, dont Manandafy Rakotonirina, ont été publiquement humiliés sur la place du 13 mai en étant privés de micro et de chaise. Cette expression d'intolérance n'a pas grandi les responsables des forces vives. Pour expliquer leur réserve, les dirigeants du MFM ont affirmé à la presse leur souci de demeurer légatistes pour faire aboutir les revendications et de refuser la démarche insurrectionnelle.

Ce légalisme, aux antipodes de l'ancienne réputation de boutefeu et de trublion de l'ex-enfant terrible de la classe politique, a étonné plus d'un et suscité des interprétations diverses. Pour les mauvaises langues. le MFM a été "acheté" par le président Ratsiraka et a trahi la cause des Forces Vives. Curieusement, cette version circule aussi bien dans les milieux malgaches que dans certains cercles étrangers. Selon cette interprétation, le prix d 'achat' varie entre 1 et 3 milliards de francs malgaches. Faute de preuves tangibles, ces accusations ne peuvent pour le moment qu'être mises au compte de la médisance ou du règlement de compte politique.

Les observateurs politiques voient plutôt dans la démarche du MFM une stratégie bien définie. Cette formation politique ménage son avenir en se donnant une bonne fois pour toutes une image de respectabilité. Si des manifestants de la place du 13 mai y ont vu une trahison pure et simple, les sympathisants du mouvement, de tendance modérée, de même que des commentateurs ont plutôt parlé de preuve de responsabilité, une démarche qui correspond mieux à l'image de parti neo-libéral du MFM. Selon certaines sources, le MFM prépare d'ores et déjà le court et le moyen terme en jouant la carte de la modération, qui sera incarnée par Francisque Ravony. Si ce dernier demeure discret sur le plan le plan médiatique, Il reste actif puisque les dirigeants de son parti continuent se réunit à son domicile.

La démarche modérée du MFM très mal comprise par les passionnés et jusqu'au-boutistes de la place du 13 mai. Avec le recul, un peu plus de lucidité et moins de passion, les ex-manifestants se rendront compte un jour que l'approche du MFM était plus raisonnable et plus payante qu'elle n'y paraissait à première vue. Le problème est que le MFM a été parmi ceux qui les ont entraînés dans la rue et a également une part de responsabilité dans la radicalisation des contestataires, en particulier par le biais de leur animateur-fétiche Constant Raveloson.

Jean-Eric RAKOTOARISOA