A tout le monde le bonjour,

Voici Philippe sur la critique que j'ai faite du MFM (j'aurais du l'intituler
"MFM état critique", d'ailleurs). Juste un mot pour préciser la fin de ma
précédente intervention : une certaine ironie de l'histoire veut qu'au moment
où les leitmotiv des années 70 redeviennent pertinentes (autosuffisance ;
dignité ; capitalisme dévorant, aliénant et exploitant), les partis qui les
incarnaient ont complètement capitulé. C'est par dérision que j'ai évoqué le
très léger "democratico-economico-liberal" à mes yeux.

Je ne suis pas convaincu par les arguments de Philippe : il n'y a pas plus
terre à terre que les malgaches. Question de perspectives ?
Décadence ? J'aime beaucoup le mot.

A développer plus tard,
    Mamy

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Bonsoir à tous et mes amitiés à Mamy,

Re-zoom sur le cas du MFM. Effectivement, on a le beau rôle de refaire le monde et son histoire. C'est évident. Effectuer des analyses à posteriori sur des situations complexes, impliquant subjectivement les acteurs, est certainement plus aisé que déchiffrer et avoir une lecture juste des
évenements au moment des faits.

Mise à part cette reserve déantologique (qui n'est là que pour être mieux franchie), je suis tout à fait d'accord avec Mamy quand il annonce ne pas prendre les militants mafana pour de faibles esprits. Au contraire, j'avais beaucoup d'estime pour leur conception d'une lutte pour une société meilleure et la conceptualisation qui l'accompagnait et je me souviens fort bien avoir toujours voté rouge et noir dans mes premières actions citoyennes. Independamment à cela, je considère toutefois utile
et intéressant de constater objectivement le phénomène MFM pour mieux nous connaître - nous, les Malagasy - car, quelque part, notre vision du monde - de notre monde - a été fabriquée avec des pièces de puzzle nommées MDRM, Andrianampoinimerina, fokonolona, fahendren'ny Ntaolo,
Côtiers, Merina, colonisation, Ratsiraka, la France... (...), MFM... (...)     

Rappelons que dans les années 72 - 75, le choix de société était déterminé par deux modèles en phase finale de leur contradiction. D'un coté, le capitalisme mondialisé dépourvu encore  de l'arme fatale des technologies de l'information (satellites, ordinateur personnel accessible au grand public, reseau internet, haut débit de transmission des données...) mais déjà bien installé en Amérique du Sud (transposition du modèle occidentalisé) et surtout en Asie du Sud Est (transposition doublée d'une accaparation de la technologie de pointe). Le concept idéologique de la liberté à travers la démocratie est fortement ancré dans les institutions internationales et la thèse ultra-libérale triomphe
dans les institutions économiques.

De l'autre coté, le principe du pouvoir detenu par le peuple visait une meilleure repartition des richesses à travers une économie dirigée et étatisée. Les deux systèmes incarnés par le bloc de l'Ouest dirigé par les USA, d'une part, et par le bloc de l'Est régi par feue URSS, de l'autre, co-existaient dans un rapport de forces dissuasives  sur fond de guerre froide et de ménaces nucléaires. La position du tiers-monde et l'orientation économiquement stratégique des puissances pétrolières allaient jouer un rôle important pour l'équilibre.

Du coup, plusieurs pays africains allaiant tomber dans l'escarcelle des projets "revolutionnaires", idéologiquement séduisants et techniquement mobilisants. (Les mêmes vont faire plus tard et en même temps, dans une chorégraphie bien huilée, le chemin inverse quand la lutte sous-jacente  pour la domination mondiale de l'économie  aura abouti à la victoire du système capitaliste).

Après ce petit détour, revenons à Madagascar  pour comprendre la génèse, l'évolution  et la décadence du discours du MFM (loin d'être un cas isolé). Qui, parmi les jeunes et les intellectuels épris de paix, de justice et révant d'une société moderne et authentique,  n'étaient pas sensibles aux discours de Mao, de Marx ou de Lenine. Les slogans, les théories et l'idéal étaient là et ça collait si bien. Surtout à l'époque.

Une lutte contre le grand méchant (l'Impérialisme) était à faire. Il suffisait de s'engager. Celle-ci (la lutte) était justifiée par la pauvreté de la masse prolétaire et paysanne. Le discours tenait la route jusqu'à ce que les rapports de force historiques se soient modifiés. Le libéralisme,  imposé comme vérité unique par les institutions financières et les bailleurs de fond  seuls maîtres du monde, rendait décadents les préceptes MFM.  Continuer ou s'adapter? La mort lente fut choisie. Changement de repères, perte d'identité ? 

Je conçois que les Malagasy sont idéalistes - et moi, en premier. Non pas par   opposition au réalisme et au pragmatisme, mais en opposition au matérialisme. Notre conception de l'Ame, de l'invisible, des Tody, des Tsiny, du Lahatra nous prédisposent à croire et à accepter des idées, des idéaux, des principes. Le Malagasy est sensible au verbe, proverbes et autres métaphores. Est-ce à cause de sa culture qu'il est prompt à échafauder lui-même une vision théorique, sublimée des évenements?

Le matérialisme suppose une dialectique permanente entre la réalité et la théorie. Le Malagasy roule plus facilement à une idéalisation de la réalité. Cela aboutit à des actions inadaptées (on donne à des "jomaka" des lopins  de terre à valoriser et on les emmene dans des lieux sans électricité ni loisirs, ils en reviennent à pied le soir même retrouver l'ambiance de la capitale où ils sont exploités) et anti-économiques (le famadihana ostentatoire). Mais cela peut aller aussi à des actions diversement constructives et à endurer de manière fataliste des épreuves (1991, tunnel ratsirakien...). Cela amène aussi à accepter une chose et son contraire. Les mêmes générations de dirigeants et de dirigés ont négocié un tournant à 180°.  Le cas de l'AREMA qui prône la révolution et pratique l'opportunisme a été indiqué par Mamy. Dévinez comment et pourquoi cela a pu se faire et continue à se faire...

Cependant, je ne considère en aucun cas cet idéalisme comme une tare ou un handicap. C'est juste un constat. Je suis même convaincu (et d'autres l'ont compris et continuent à en abuser) que c'est de cet idéalisme que les Malagasy pourront étre dirigés, orientés pour re-construire leur identité et conquérir sa place au soleil. Toutes les grandes causes, les croisades et les grands bouleversements ailleurs ne se sont pas généres autrement.

Que la Force et la Sagesse soient avec nous. Pour qu'un jour...

Philippe RAJAONA.  

PS:  

1) le modèle plébiscité N°1 du jeune et riche entrepeneur ne fait que refleter la situation historique des rapports sociaux dominants.

2) On en parlera peut-être une autre fois mais je ne crois pas que ce modèle soit adapté au developpement réel  et durable du pays, d'une part et d'autre part,   je ne crois pas non plus que militer "démocratico-économico-libéral" soit suffisant. Une main propre au poigne d'acier et quelques coups de pied au ... (à choisir entre fourmilière, derrière,...) mériteraient aussi d'être idéalisés.
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