Lundi 07/01/02
PREMIERES BOMBES LACRY
30.000 de source policière, 100.000 de source proche de Marc
Ravalomanana ...Ils étaient des milliers à investir la place mythique du 13
mai le lundi 07 janvier. Nous sommes entrés dans une logique d'affrontement
entre les partisans du KMMR et le régime en place par forces de l'ordre
interposées.
Les premières bombes lacry ont explosé sur cette esplanade historique devenue
le symbole de la contestation et des mouvements populaires: mai 1972, août
1991, janvier 2002. L'appel du KMMR a trouvé écho auprès des Tananariviens.
La situation est assez simple à comprendre: le KMMR, comité de soutien du
candidat Marc Ravalomanana, dispose de chiffres selon lesquels leur candidat a
gagné le scrutin du 16 décembreet ce, dès le premier tour. Il demande à la
HCC le rapprochement des procès-verbaux des délégués. Le cas échéant, le
KMMR fera appel à la rue pour renverser le pouvoir. Si les chiffres résultant
de cette
comparaison attestent la tenue d'un second tour, Marc Ravalomanana s'y
souscrira. Sinon, Madagascar attraperait à son tour le syndrome ivorien.
La vision dichotomique est bien réelle. La vie nationale se bipolarise entre
les partisans de Ratsiraka qui s'en tiennent, mordicus, au verdict légal de la
HCC et qui sont déjà en campagne pour le second tour et les partisans de
Ravalomanana qui comptent, outre la dorsale Tiako i Madagasikara, les partis
d'opposition, le FFKM et les... observateurs, dans leurs rangs des anciennes
gloires qui rappellent les Hery Velona mais sous une autre appelation. La
situation est tendue à cause des blessés du côté des forces de l'ordre et du
côté des civils. D'autant que la HCC, rappelons- le, a rejeté la demande du
KMMR, s'en tenant aux documents électoraux transmis par les Commissions de
recensement matériel de votes ou CRMV. Le débat est faussé car les deux
parties n'utilisent pas le même régistre. Et à la limite, dans le cas d'une
confrontation des procès-verbaux, la question se posera: qui croire et surtout
quel PV retenir? Le slogan des manifestants - chauffés à blanc par des
politiciens chevronnés du MFM, PRM, PFD, AVI, Masters- , martelé sur la Place
du 13 mai, est significatif: « le couvercle va sauter car l'eau de la marmite
boue ». La stratégie est à la limite du cynisme mais elle porte comme en
1991: provoquer des points psychologiques de rassemblement et de motivation de
manière à rendre juste ce qui peut ne pas l'être. Quelques échaufourrées,
des mouvements de foule, des cris de ralliement, quelques blessures au besoin...
Et puis la messe oecuménique pour l'action de grâces. Des discours et on se
donne rendez-vous au même endroit à la même heure. C'est pas facile mais ça
rameute la foule.
Si le scénario est normalement respecté, le régime tentera de casser le
mouvement. Sinon, il laissera pourrir la situation en s'en tenant au discours de
la légalité et en multipliant les cérémonies de voeux ( chaque ministère va
y passer ) dont le bouquet final sera celle d'Iavoloha. Et si le scénario est
également respecté, le KMMR va organiser également sa cérémonie de voeux
sur la
Place du 13 mai. Cela va continuer jusqu'à ce que l'histoire donne raison au
prophète... Andriamanjato Richard et sa fameuse concertation nationale.
Les Tananariviens ont déja vu ce film quelque part...
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Place du 13 Mai:
Confrontation prévisible
En reculant sous le nombre, vendredi dernier, les militaires ne voulaient
surtout pas renouveler cette expérience en venant de bonne heure hier, lundi,
vers 4 heures du matin, en nombre et bien équipés. Ils ont commencé par
quadriller le terrain, ne laissant passer place du 13 Mai que les voitures. Les
passants et ceux qui voulaient traverser l'avenue ont été déviés vers les
rues adjacentes. Les attroupements ont commencés vers 8h00. Les manifestants étaient
bloqués en haut de l'avenue, au niveau de l'Hôtel Glacier, devant la Gare de
Soarano et devant l'Hôtel Mellis, rue de Nice. Les sommations d'usage furent
lancées vers 9h15. 15 minutes après, les militaires lancèrent les premières
grenades lacrymogènes. Mais contre toute attente, la foule n'a pas bougé.
La première grenade offensive coupa net les jambes d'un manifestant, le premier
blessé sérieux de ces manifestations. Un peu plus loin, un coup de gourdin
occasionna la blessure à la tête d'un autre. Mais le pire, la fumée pesante
et suffocante indisposa les enfants malades de l'hôpital de la Croix Rouge, à
quelques mètres de là. Le Directeur de cet hôpital s'est plaint derechef au
commandant qui dirigeait les troupes. Il enjoignit la dame de « bien fermer
pour quelques instants les volets » de l'hôpital. En tout, 6 blessés ont été
convoyés vers l'Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona, un seul a été
retenu à la réanimation.
Vers 11h30, sous la poussée des manifestants, les militaires ont commencé à
reculer et ordre à été donné pour le repli. Ce fut la débandade car les
deux camions qui étaient restés place du 13 Mai ne pouvaient pas contenir les
centaines de militaires dépêchés sur place. Ce fut le « chacun pour soi »
sous les huées et les jets de pierre des manifestants qui ont poursuivi et
tabassé les quelques militaires retardataires. Bilan: une dizaine de gendarmes
blessés.
Une voiture appartenant à l'armée et « oubliée » sur la place du 13 Mai fut
renversée et incendiée par les manifestants. Marc Ravalomanana fit son
apparition quelques minutes après et réitéra que le peuple ne reculera plus
quoi qu'il arrive et qu'il est prêt à défendre jusqu'au bout son choix.
Deuxième jour de manifestation donc à Antananarivo et premier accrochage sérieux
entre les militaires et les manifestants.
Source Philippe Rajaona