Tous dans le même sac !

 Le paysage politique s’éclaircit progressivement, et en dépit du brouillard entretenu par, d’un côté, des groupuscules et des minus en mal de réputation, et de l’autre, par des personnalités qui n’osent s’afficher de peur de perdre leur notoriété ou d’hypothéquer des intérêts particuliers. On reconnaîtra ici le courage de Charlotte Rafenomanjato quand sur Radio Antsiva, elle a apporté un autre éclairage sur la politique et les pratiques des politiques et des dirigeants. Mais on admettra également que ces efforts risquent d’être anéantis par ce rouleau compresseur qui a toujours fait échouer les luttes des partis politiques, en l’occurrence, les questions de discrimination d’origine ethnique.

Les regroupements ou associations à caractère ethnico-politiques sont interdits mais ceux fondés sur des délimitations territoriales sur fond ethnique ou tribale ne le seraient pas de manière explicite. Quoi qu'il en soit, l'émergence du fameux "Club des 17" fait jaser et provoque une certaine anxiété dans certain microcosme politique. Si les uns affichent de manière indirecte leur faveur pour cette démarche, d'autres n'osent pas exprimer publiquement leur position, de peur de frustrer ou de peur d'hypothéquer des intérêts particuliers ou des intérêts communs. En tout cas, le sujet est apparemment délicat et demande du doigté. Malin et intelligent comme il est, Jean Eugène Voninahitsy, président du parti RPSD Vaovao, représenté au Conseil municipal de la capitale n’a pas voulu s’engager ni engager son parti dans cette voie. Mais il s’est précipité d’attirer l’attention plutôt sur les causes qui auraient pu pousser certains à prendre ce cheminement. Le président du "Malagasy Mitambatra" (MAMI) lui aussi refuse cette démarche, de même que Radanielina, l'ancien ministre des Transports du gouvernement Emmanuel Rakotovahiny sous la présidence du Pr. Albert Zafy. Tous deux laissent entendre que le mal est plutôt politique qu'ethnique car les citoyens résidant dans la brousse du Bongolava subissent les mêmes souffrances quotidiennes avec des variantes il est vrai, que ceux de la brousse d'Analanjirofo ou du DIANA.

    Admettant l’existence de mains occultes manœuvrant dans le sens de la brouille ou de la nébuleuse pour maintenir le pays dans "l’obscurantisme", on perçoit toutefois trois courants politiques qui animent le paysage politique. Partant des élections présidentielles de 2001 qui ont bouleversé la vie politique et les partis politiques, on distingue d’abord la mouvance présidentielle. Mouvante, il est vrai, mais constante car les composantes principales sont toujours là. Tous dans le même sac en tout cas, on met dans le camp Ravalomanana et en premier lieu le MFM qui a conclu un programme avec le candidat Ravalomanana à l’époque et qui le soutient dans sa mise en œuvre. Plus que le TIM ou du moins à beaucoup d’égards, le MFM est pour l’instant perçu comme un des bastions les plus sûrs de ce régime. On mettra également dans ce sac, toutes les formations et associations qui en son temps se sont fondues dans le KMMR, le KMSB – nouveau ou non, telles le RPSD, l’AVI, le MASTERS, l’AME, le TEZA, VVSV, AMF/3FM… ; elles ont construit un front pour le changement et on peut dire que ce consensus pour le changement demeure. C’est pourquoi, malgré les divergences de vues exprimées publiquement, malgré les retraits ou les abandons, on peut toujours les considérer comme faisant un bloc.

    Comme on aime bien opposer deux camps, et que l’esprit binaire ou bipolaire est assez répandu dans l’opinion, l’autre camp est donc constitué par celui de l’AREMA, son adversaire de l’époque ; celui qu’il fallait combattre mais qui a résisté plusieurs mois durant avant de céder. La fuite organisée du candidat Didier Ratsiraka a donné le signal à toutes les formations et associations qui gravitaient autour de l’AREMA, toutes tendances confondues et leurs satellites de mettre un point final au combat. Mais les tensions persistent jusqu’à aujourd’hui et c’est pour mettre un peu d’ordre dans ce camp que le jeune Roland Ratsiraka a lancé son idée de "réconciliation" sans le terme ; une annonce qui dérange certains.

    Des méthodes…

    En tout cas, pour l’opinion politique avertie, les deux camps ont pris le pays en otage et quelque part, ils ne feraient qu’un aujourd’hui face aux autres. Les autres ne sont pas plus clairs et ne rassurent pas non plus. Il y a le camp du Pr. Albert Zafy, candidat malheureux lors des deux dernières présidentielles. Battu "à la régulière" par le candidat Didier Ratsiraka en 1996, le Pr. Albert Zafy n’a cessé de combattre l’AREMA et le régime Ratsiraka. C’est de cette opposition radicale que les propos de "Ratsiraka est le problème de ce pays" sont sortis. Mais ce camp rassemble aussi bien l’AFFA, l’UNDD, l’AREMA qui est indescriptible et d’autres formations et associations qui ne vont pas tarder à se manifester publiquement sans doute pour des raisons stratégiques.

    Quoi qu’il en soit, le fait de se rassembler est déjà louable pour la vie des formations politiques. Seulement dans la perception de l’histoire contemporaine ou récente du pays, les méthodes du camp Albert Zafy laissent perplexe. Le pays a assez vu et souffert des dommages des schémas de gouvernement de transition et de forum et les ménages aspirent à un changement à une amélioration de son quotidien. Et feu Monja Jaona et son parti doivent en savoir et retenir quelque chose sur l'état d'esprit des citoyens de la République résidant dans la capitale. La preuve en est que ces citoyens de la capitale, sans distinction d'origine ou de faciès, encore moins de fortune, l'ont élu député de Madagascar.

  Un autre regroupement plus prometteur ?

    Quelque part, ce sont toutes ces raisons qui feraient et motiveraient l’indifférence des uns et des autres à l’égard de la chose politique et publique, et leurs comportements à l’endroit des "politiciens". C’est la brouille entre les partisans de Didier Ratsiraka et les partisans de Marc Ravalomanana qui a enfoncé le pays dans cette pauvreté difficile à combattre. Jusqu’à aujourd’hui encore, c’est la menace qui pèse sur les "exilés", condamnés ou non mais en fuite, inculpés ou non, objets de poursuites judiciaires ou non, qui fait, pour l'opinion publique en général, que les investisseurs et les bailleurs de fonds n'affluent pas comme le président Ravalomanana et les ménages le souhaitent car il craignent toujours un désordre ou une crise politique toujours néfaste aux affaires. Les appréciations de la COFACE sur Madagascar l'attestent.

    C’est en considérant tous ces paramètres vraisemblablement que des candidats malheureux des dernières présidentielles ont initié et manifesté publiquement lors d’une conférence de presse leur position dans l’opposition et le cheminement qu’ils vont adopter. A bien scruter ce positionnement et cette démarche du Leader Fanilo – puisqu’il s’agit bien de la formation qui a proposé Herizo Razafimahaleo au poste de président de la République lors du scrutin du 16 décembre 2001, du "Fihavanantsika" qui a présenté le candidat Daniel Rajakoba à la compétition électorale et de l’association "Mavana", c’est un autre regroupement politique en marche. La différence avec les autres regroupements précités, c’est que les personnes présentes lors de la conférence de presse ne parlent plus dans cette plateforme au nom de leur propre personne mais engagent leur parti et association ; donc ce serait un regroupement responsable des propos et des agissements de chacun de ses membres. Un début de militantisme politique élargi et qui promettrait pour la vie politique du pays quand on sait le travail méthodique de fourmi conduit par le Leader Fanilo.

Madagascar tribune 14/10/04 - RAW