ÉLÉMENTS POUR UNE POLITIQUE DE RÉGIONALISATION
(par Jean Pierre Raison Professeur à Paris X Nanterre)
Il ne sagit pas dun problème académique, ni dun problème nouveau: cest un débat qui reparaît constamment dans lhistoire malgache. pré-coloniale, coloniale, post-coloniale. Le problème de la région (dautres diraient de la fédération) est un problème crucial à Madagascar aujourdhui. Il ne faut ni minimiser le problème ni le maximiser. Javoue avoir été étonné par les réactions malgaches en ce domaine et javoue que ma position personnelle a beaucoup évolué ces derniers temps, non sur le fond mais sur lurgence du problème. Jai dabord été étonné de limportance que des Malgaches, il y a quelques mois, attachaient au problème du tour dramatique quils lui donnaient. Javoue, à linverse être aujourdhui étonné par une certaine négligence du problème par dautres Malgaches. Jai minimisé le problème "fédéraliste": je suis revenu en arrière, même si je ne pense pas que la revendication réelle du peuple soit de nature fédéraliste. Certains auraient tendance à dire et trop tendance à dire, quil sagit dun faux problème: cf. lattitude de mes assistants en 1971, pour qui le problème ethnique était un faux problème ou plutôt le problème des riches, alors que les pauvres étaient unis: il faut tenir compte de lambiance de lépoque, et je ne suis pas sûr que des gens qui auraient aujourdhui le même âge diraient exactement la même chose. En fait, le problème est posé, même sil nest pas question de fédéralisme: on doit prendre en compte les diversités malgaches.
La situation malgache est telle que la prise en compte, inéluctable, du fait régional est à la fois indispensable, paradoxale et difficile.
Indispensable parce que chacun, sil est sérieux, sait bien quon ne peut pas ne pas prendre en compte la diversité des situations à lintérieur de lîle ; on devrait être instruit par lexpérience et se souvenir des épisodes de 1971-72, sans même remonter plus loin dans le passé.
Paradoxale, mais sans doute en apparence seulement, parce que de tous les pays dits à tort francophones. Madagascar est à maints égards le Pays le plus homogène sans nul doute (mais la Somalie a toujours été citée comme un modèle dÉtat-Nation). alors que les pays africains les plus hétérogènes. dans les crises politiques actuelles, ne mettent pas en cause limité nationale exceptions qui confirment la règle: les Touaregs ou les nomades du Kenya, cest-à-dire lopposition nomades/sédentaires).
Difficile, parce que, dune part, on subit les conséquences d'une pseudo-régionalisation particulièrement perverse. parce que le problème régional est objet de constantes manipulations, et parce que dautre part la régionalisation. si elle est mal conçue est un luxe que le pays, dans sa situation actuelle, aura du mal à soffrir. Le problème est donc de trouver des modes de régionalisation qui soient relativement économes et permettent de régler les problèmes gui se poseront demain.
Je soulignerai dabord un certain nombre de paradoxes malgaches. Jévoquerai ensuite des expériences antérieures pour en tirer quelques enseignements, je présenterai enfin une vue rapide des échelles dorganisation - lespace à Madagascar pour tenter desquisser quelques éléments de solution.
I. LE PARADOXE MALGACHE : UNITÉ ET DIVERSITÉ.
a)Madagascar de ce point de vue, est paradoxal. Lunité linguistique et, à moindre degré, mais un degré important, lunité culturelle. Bien des Africains pourraient vous envier, qui sont contraints de passer par la langue du colonisateur pour forger leur unité: lextraordinaire capacité de combinaison, de métissage de la civilisation malgache. Le remarquable amour de leur civilisation que tous expriment- Mais ces avantages tournent aussitôt au handicap. Tout le monde parle langue et civilisation mais ce nest pas des mêmes réalités quon parle. Et chacun prétend que sa réalité est la bonne, cf. les incidents de Tamatave en 1971 sur le thème tanimbary/horaka, qui firent en un sens la fortune de lactuel Premier ministre qui dut quitter Tamatave ruiné, parce que sa femme avait dénigré le parler betsimisaraka.
La difficulté classique des pays langue nationale qui ont besoin dune langue de communication. Mais la difficulté encore plus importante dune langue et dune civilisation qui ont différemment, plutôt quinégalement, évolué. tout se passe comme si (ou tout est vu comme si) aujourdhui il y avait un fossé entre côtiers et merina, alors quen réalité, il sagit de réactions différentes lhistoire, parte que lhistoire a joué différemment selon les groupes.
A lévidence les expressions reflètent des approches différentes des réalités: quand en lmerina, un "pouf" se dit "la chose sur laquelle on sassied", sur les côtes on parle d "oreiller des fesses". Ne pourra-t-on un jour admettre quil y a des versions différentes de la langue? Les gens sont assez intelligents pour le savoir, mais au fond ils ne ladmettent pas. Pourquoi?
Accepter et assumer son histoire qui est, entre autres choses, celle dune conquête merina: il ny a pas à le nier. Il y a tout un passé dexploitation des uns par les autres, et aussi de compromission, de collaboration. Lassimilation du Betsiléo par llmerina a été en un sens horrible- Il ne sert à rien de le cacher, il faut au contraire létudier davantage. On pouvait trouver par contraste bénins certains systèmes dadministration plus indirecte de lÉtat merina sur les côtes ; mais nont-ils pas été plus pervers. Ce quon dit de impérialisme merina, on peut le dire de la même manière de ladministration indirecte des puissances européennes par rapport à ladministration directe: quon pense au Rwanda, au Burundi, au Nigeria, en Ouganda...
Les fomba: ceux qui en ont abandonné refusent dadmettre quils les aient jamais eu. Même quand il est assuré que cest faux. Et limage du fomba maintenu chez les autres nen est que plus insupportable.
Jen viens à me dire quil faut mettre une sourdine au discours sur lunité, ou plutôt lavoir toujours au cur pour ne pas avoir à le claironner, car maI chanté. lair de lunité peut être le plus grand obstacle à lunité: un autre cas, où cest évident: lumma musulmane. Car après tout il y a aussi des diversités malgaches et lunité vivra par lacceptation des diversités: cf. le rapport à lespace par exemple; sociétés lignagères et sociétés territoriales; des modèles politiques qui sont assez variés aussi.. Et linéluctable diversité des relations à la nature, compte tenu de la diversité de celle-ci. Le discours sur la diversité assumée, à lintérieur certes dune unité, est probablement celui qui maintiendra le mieux la cohésion de Madagascar. Poser une unité et assumer la diversité. Le plumage de la pintade.
b)La diversité écologique et la diversité de civilisation.b)La diversité écologique et la diversité de civilisation.
1er point: Peu de pays où les grandes coupures de lespace se marquent en l'apparence avec autant de vigueur. Lécologie y est pour beaucoup:
- l' Alaotra
Il est évident que chacune de ces zones pose des problèmes tout à fait spécifiques daménagement, dutilisation de lécologie.
Deuxième point: Là-dessus se surimpose linterprétation humaine de ces réalités, qui nest pas univoque: un indice. a répartition du peuplement: le triangle peuplé recoupant est et centre; les variations sensibles de peuplement de louest et du sud. il nen reste pas moins quon trouve des constantes dutilisation du milieu dons chacun des grands ensembles et quelles ne tendent pas à satténuer sensiblement, et qu il y a une forte relation entre groupe et mode dutilisation de lécologie (ainsi: Tanala. Antandroy, Antaifasy. Sakalava).
Enseignement: ne pas se figurer que tout doit tendre vers un modèle unique. Un biais ethnocentrique, inspiré pour une part par les Européens: tout devrait tendre vers le modèle idéal quest la riziculture intensive des Hautes Terres merina et Betsiléo cela na aujourdhui aucune justification scientifique sérieuse.
Troisième point: Un pays à lespace tout particulièrement rugueux, pour deux séries de motifs:
- humains: la prédominance de la riziculture entraîne une coïncidence entre vallées (zones de circulation difficile) et peuplement, doù les discordances fréquentes entre réseau routier et zones qui devraient are desservies.
quatrième point: Sy ajoute linterprétation économique jusquà présent:
lopposition entre régions qui peuvent produire pour lexportation et régions qui ne le peuvent pas, quon traduit couramment par lopposition Hauts Plateaux/côtes, les secondes procurant les produits exportables tant pour des raisons écologiques que pour des raisons de proximité, les premiers vivant, profitant des richesses produites par les secondes (le Merina exploiteur,,.). Le centre, non productif, étant mieux équipé, considéré par les Européens comme plus "évolué", les "bons sauvages" côtiers payant pour les autres... Ceci mérite plus que des nuances: il faut mesurer aussi combien les "côtes ont évolué, combien le centre a peu évolué: ceci est particulièrement frappant à regarder des photographies anciennes, à comparer Tananarive et sa région avec dautres "régions capitales" dans les pays africains.
Ces faits, pas niables (mais à qui la faute-?), contribuent à transformer la rugosité en cloisonnement. Une conséquence fondamentale: pas dimmigration de la périphérie vers le centre (dans tous les sens de ce terme). comme on en voit ailleurs.
Les oppositions sont grossièrement:
- côtes à émigration: une part de l'est, le sud.
- côtes à immigration: louest, le nord.
Un point particulièrement frappant et important politiquement: Tananarive reste une ville des Hautes Terres, nest pas, quoique "millionnaire", une métropole au sens où elle regroupe en grand nombre des originaires de toutes les régions. Andrianampoinimerina na pas été suivi ou curieusement suivi,.. Comparaison par exemple avec Nairobi ou Addis Abeba. On voit bien aujourdhui la manipulation politique de cette réalité, mais il faut prendre conscience des problèmes quelle pose, il faut voir dailleurs aussi quen fait il y a une réalité culturelle côtière à Tananarive dépassant de beaucoup la démographie côtière de la ville.
ll - CONDITIONS POUR UNE ORGANISATION RÉGIONALE.
Il fait tenir compte des enseignements des phases précédentes et des enseignements quon peut tirer de lexpérience dautres pays. Ne pas confondre bien entendu déconcentration et décentralisation, établir aussi sans doute des nuances entre régionalisation ou organisation régionale dune part. décentralisation de lautre.
Deux expériences méritent dêtre méditées, qui furent dans les deux cas une fausse régionalisation:
La politique régionale tanzanienne en 1972. Elle a représenté un effort très considérable (envoi de 3 000 des meilleurs fonctionnaires en province, institution dun fonds de développement. régional): elle partait de bonnes intentions en rapport avec la constitution des villages ujamaa. Dans la pratique un gâchis: cest précisément le moment où la technocratie a pesé le plus sur des institutions locales quon voulait rendre davantage maîtresses de leur devenir. Au bout du compte, lenteur et centralisation; le moment peut-être où les projets sont les plus uniformisateurs (la fabrication des houes, selon des modèles uniformes, a été concentrée dans deux usines).
La politique malgache, la création des communautés décentralisées, que vous connaissez mieux. Elle a été particulièrement perverse: dune part, on décentralise, les collectivités locales reçoivent des prérogatives économiques théoriques, les populations localement pensent avoir conquis une forme dindépendance (les effets psychologiques de la disparition du minimum fiscal); on supprime (jannonce la couleur) ce qui est probablement le plus proche de la vraie région, la préfecture: or en même temps ou presque, après la courte phase, passionnante. de 1972-73, on entre dans une phase détatisation et de réglementation tous crins. Que se passe-t-il? dans la réalité, on institutionnalise le désordre: lîle est cloisonnée, et ce cloisonnement permet toutes les transgressions. Les Institutions locales ne peuvent fonctionner que dans la mesure où elles négocient avec le pouvoir, ce qui donne avantage aux "bien placés": et les mêmes bien placés sont les premiers à profiter de la transgression. Multiplication des barons brigands: une situation dont Madagascar est loin dêtre sortie.
On a à faire dans ces deux cas à des régionalisations sans moyens, Il est dautres cas correspondant à des pays dotés (au moins à lépoque) de moyens importants: le meilleur exemple est sans doute la régionalisation nigériane, qui est un véritable fédéralisme, On a pu le juger politiquement indispensable (le Nigeria sortait de la guerre du Biafra): cest à la fois "diviser pour régner", et tenir compte des aspirations très marquées dans les régions. Mais le coût a été énorme (assumé grâce au pétrole) et a conduit à une multitude de localisations absurdes chaque État voudrait Sa sidérurgie. etc.,,) et est hors de portée de la quasi totalité des pays. Le coût politique na pas été négligeable non plus nombreux exemples où le pouvoir central n'a pu maîtriser les Etats fédérés), même si la fédéralisation (qui dailleurs existait dès le départ) a sans doute permis déviter le pire. Mais le pire nigérian nest pas un cas de figure pour Madagascar.
On peut tirer de ces exemples quelques conséquences:
On peut en tirer des conséquences très pratiques, sous forme de principes:
En résumé la région doit être à linterface entre nécessités politiques et administratives dune part, espace vécu de lautre.
III. LES ÉCHELLES DORGANISATION SIGNIFICATIVES ET LEURS RELATIONS.
On peut repérer à Madagascar des échelles différentes dorganisation, du petit pays à la région, quon peut essayer de lister, Une apparence de hiérarchie spatiale, quil faudra analyser ensuite plus on détail. Le problème est
La situation peut être symbolisée par le Palais de la Reine à Tananarive: une structure de bois, autochtone, liée au pilier central: par dessus, une structure de pierre qui lencadre et qui na pratiquement aucune liaison avec la première, sinon la liaison. très réduite des varangues de létage avec la structure de bois, Cas extrême: en fait les liaisons dans les réalités régionales tendent évidemment à se renforcer,
a. la cellule de base: on en connaît dans tout Madagascar. mais avec des dimensions et des significations assez variées:
- lunité spatiale et sociale des Hautes Terres Merina, quon retrouve dautre manière, et à une échelle un peu différente dans le sud-est,
Correspond pratiquement toujours à lorigine à un espace écologique, maïs pas nécessairement celui auquel on pense: cest fonction des problèmes réels qui se posent. Ainsi le bassin dAmbohibary, qui longtemps a été au contraire frontière (et de même les plaines de Tananarive), Cest à ce niveau que se posent les problèmes concrets élémentaires, par exemple la gestion de leau pour la riziculture. ou la politique des points deau pour le bétail. Il ne sagit pas dunités nécessairement homogènes écologiquement, niais dunités écologiques élémentaires et solidaires. Dans la région du lac Alaotra, telle quelle est décrite aujourdhui par A. Teyssier, les unités significatives ne sont pas la plaine, les tanety et les hautes surfaces, mais des bandes perpendiculaires selon les bassins versants. L'échelle est de lordre du Fokontany. Il peut y avoir un certain affrontement entre réalité sociale et réalité technique à ce niveau (la localisation des gens du foko, quand elle existe, nest pas forcément simple) et dautre part les nécessités techniques peuvent impliquer une discontinuité spatiale des éléments (cas de pâturages complémentaires).
b. Le "pays" ou la petite région, qui peut coïncider dans certains cas avec la région ethnique: cest évident dans le sud-est, avec une organisation à léchelle des vallées, Ce niveau peut être très influencé par lécologie quant à ses dimensions (taille des unités fluviales, degré varié de signification, ou dimportance pratique. du fleuve). Il peut navoir pratiquement aucune réalité technique, tout en ayant une signification écologique. Ou navoir ni l'une ni lautre, Disons que cest un niveau où se lient pour des motifs variés des unités élémentaires, soit pour des raisons culturelles, soit pour des raisons économiques: problèmes écologiques communes, polarisation autour dun bourg (leur rôle de p lus en plus important: le bourg, est pour mille motifs, le heu où il faut aller, où il faut s e montrer), qui a pu être dabord politique, puis a pu devenir économique. Il a donc des formes traditionnelles ou des formes modernes, lune pouvant entraîner lautre, Le niveau administratif correspondant est le canton ou le groupe de cantons, jusquà léchelle sous-préfecture, ou plus récemment fivondronana.
On notera ici limportance du temps: la subdivision territoriale du niveau sous-préfecture est ancienne: dans un nombre de cas non négligeable elle est antérieure à la colonisation. il y a donc des habitudes prises, auxquelles on est attaché; on a appris a vivre dans ce cadre, Frappant: lemploi persistant du tenue "district", qui a résisté à tous les changements dappellation, Cest un élément essentiel de la trame régionale d'aujourd'hui.
c)la région (là je prends parti), qui est parfois ce quon a appelé la province. Il est très intéressant de suivre les avatars de lapplication de ce terme. On na cessé de naviguer entre deux niveaux, que jai appelés la base 6 et la base 20.
A lorigine de ladministration coloniale, il y a une organisation militaire: le district correspond au rayon que peut contrôler une compagnie et on sefforce de lui donner une signification concrète (régler intelligemment les problèmes locaux), la province correspond au rayon dune compagnie et, par conséquent, Il y a quatre districts par "province" comme quatre compagnies dans un bataillon. Sur la base 20 on a environ 80 districts, ce qui est peu éloigné encore de la réalité actuelle des anciennes sous préfectures, la base 20 correspondant pratiquement à la préfecture.
Par la suite, la "province de base 20 a pris une autre signification économique, s'est vu attribuer des responsabilités dans la mise en valeur. Le principe tient à ce quil a exercé à Madagascar une certaine forme dadministration indirecte: les Malgaches dépendent dune administration malgache, contrôlée avec plus ou moins defficacité par ladministrateur Vazaha (souvent, dans le détail, avec peu defficacité): par exemple cest ladministration malgache qui fait le recensement, et donc a la base des impôts. Par ailleurs, le chef de district est évidemment le seul à pouvoir administrer les Vazaha de sa circonscription. Mais les problèmes économiques du Vazaha ne sont guère vus à ce niveau: le niveau pertinent est la province base 20 qui est le premier où on trouve une administration européenne un peu étoffée. ayant du poids (un commandant est un "officier supérieur) et notamment des cadres techniques (cela changera après la deuxième guerre et surtout dans les années cinquante). La province de base 20 va se trouver être de fait une unité économique non dénuée de pertinence,
d) le grand ensemble: cest en gros un grand ensemble naturel, mais pourquoi?. Lécologie malgache est si contrastée, si marquée que ces grands ensembles sont particulièrement voyants. Et on entre ici dans le domaine de la province base 6, La région de base 6, qui deviendra la province, apparaît pour la première fois en 1927, à linitiative de Marcel Olivier, et dans une vue économique très novatrice on principe: les territoires ont été groupés de manière à former, dans toute la mesure où lordre géographique la permis, des ensembles conditionnés par des intérêts bien assis(rapport de présentation de la réforme administrative), Ces intérêts bien assis sont urbains, et la province nouvelle est organisée autour de pôles urbains considérés comme actifs et efficaces: savoir Tananarive (68000 habitants,), Diego Suarez (12695), Tamatave 13 210), Majunga (12 116), Tuléar (6659), Fianarantsoa (6117), On aurait pu y ajouter Mananjary (5300) et a "face des provinces aurait été changée. Si on ne la pas fait cest sans doute pour deux raisons: le Betsiléo est peu de chose économiquement, et Il ne faut pas trop limiter Fianarantsoa; mais surtout les colons de Mananjary sont vraiment par trop agités et puissants localement et on aurait eu une province très difficilement gouvernable.
Dans la pratique, avec la notable exception de la province de Fianarantsoa et le cas particulier de Fort Dauphin, on aboutit à des provinces qui correspondent assez largement aux grandes divisions écologiques (ou à des éléments significatifs) de celles-ci, ceci étant mâtiné de considérations pratiques, du genre conditions de desserte par la route, nécessité d'avoir des ports.
Toute la suite de lhistoire administrative malgache va être marquée par une constante oscillation entre province de base 6 et la province de base 20. Ces deux unités reflètent en fait des réalItés économiques assez sensiblement différentes à maints égards:
L'organisation des équipements de transport en est influencée: il y a nécessité, pour les régions de drainage, davoir un réseau de circulation assez, cohérent; pour les régions dirrigation, si je puis dire, on peut davantage admettre qu'il y ait des points faibles dans le système de circulation (éventuellement dailleurs certains produits parviennent par avion),
Au bout du compte, très fréquente inadéquation de la province de base 6: elle est trop grande même pour ladministration coloniale et post- coloniale doù linstitution de circonscriptions autonomes: Morondava, Fort Dauphin, Ambatondrazaka, Antalaha en 1958). qui fait réapparaître la réalité de la base 20.
Dailleurs, la grande province, de base 6. a constamment été mise et. cause, Se souvenir que, en 1960, elle aurait dû disparaître, et je ne sais pas trop pourquoi elle a été maintenue: sans doute par pression des pôles autour desquels elle était organisée, sans doute aussi parce que cétait le niveau où lon pouvait raisonnablement placer des ministres ou secrétaires dÉtat! Peut-être aussi parce quelle était un niveau dopposition facile entre Merina et Côtiers.,,
Pour moi, pas de doute, cest léchelle 20 qui est léchelle combinant le mieux un certain nombre de réalités:
Ce que Jexprime là nest pas une opinion circonstancielle daujourdhui. Je lavais déjà dit lors dun colloque limité, en 1970, à Mantasoa: j avais essaye de lexprimer cartographiquement dans lAtlas de Madagascar: je lai redit dans un article de lEspace Géographique en 1976: la "vie géographique [des provinces] na toujours rien d'évident pour une masse qui vit concrètement dans un réseau despaces que dautres échanges ont structuré différemment", et ces échanges étaient les échanges Internes, sur la base 20
Ceci dit, lorganisation concrète nest pas sans problèmes:
internes: lieux dactivité Intense et souvent illégales, Les écotones, ou les interfaces, qui correspondent, souvent, aux limites de "préfectures" sont particulièrement importants, Ceci entre parenthèses dévalorise encore plus l'ancienne province: les problèmes sont entre régions complémentaires (la bordure de la Falaise comme zone très importante), non entre régions relativement identiques comme létaient les anciennes préfectures à lintérieur des anciennes provinces.