Le M.F.M
par Antoine BOUILLON (Novembre 1973)
Le M.F.M.
(ou " Mpitolona ho aminny fanjakanny madinika - Parti des militants pour le pouvoir prolétarien ")) nest lenfant prodige qui est né du soulèvement national de mai 1972. Sa création est le résultat dune lutte ardue commencée depuis 1966 dans différentes organisations clandestines et officielles qui comprenaient alors - outre des intellectuels universitaires et des anciens militants nationalistes - des ouvriers et paysans (...)." Cest ainsi que le M.F.M. se présente lui-même pour corriger certaines descriptions qui en avaient fait la structure unifiante des marginaux radicalisés, fers de lance du mouvement de 1972. Si ces descriptions disaient vrai, le M.F.M. serait alors rien quen lui-même, laveu dun échec. Et le Parti veut briser limage de marque qui ne le quitte pas depuis sa naissance, pour saffirmer comme une véritable organisation prolétarienne, celle des madinika", mot qui signifie "petits" et quil faut entendre comme léquivalent malgache de "prolétaire"Mai 1972... Cest lhistoire connue de limmense mobilisation populaire contre le régime de Tsiranana. Après les journées chaudes de mai-Juin, le "mouvement organisé an K.I.M. suivant la constitution des "entités" . Tantsaha (paysans) Mpiasa (travailleurs), Mpampianatra (Enseignants), Mpianatra (Enseignés) prépare fébrilement le " Congrès Populaire " qui, fait significatif, deviendra bientôt, sous la houlette de la récupération petite-bourgeoise, un Congrès national .
Ce congrès sera un échec, péniblement ressenti dévoré entre fractions qui se soupçonnent mutuellement de manipulations, amoindri par le référendum, dont lannonce eut lieu quelques jours seulement avant louverture et qui lui retire toute portée, le confinant dans un rôle de forum revendicatif, le mouvement réuni en Congrès ne parviendra ni à prendre une position unitaire face au pouvoir et à son référendum, ni à se donner des suites organIsationnelles. Cétait prévisible, vu le caractère composite du mouvement. Au cur de cette situation, les futurs cadres du M.F.M., les Zoam et les futurs Z.M.M., mènent un combat idéologique difficile, soucieux de se démarquer sur des positions de classe intransigeantes, du fatras petit-bourgeois dont le seul dénominateur est un nationalisme, certes fort justiciable, mais plus affectif que politique, et qui constitue une plate-forme avantageuse pour toutes les récupérations et mystifications.
Après le "congrès avorteur", le référendum du 8 octobre et la rentrée des classes marquent les temps rapprochés dun retour à l'ordre. Le travail politique nest pas facile en cette période de retombée du mouvement populaire, où lon voit se vérifier une fois de plus la thèse classique des fluctuations petites bourgeoises"; après lenthousiasme et la fébrilité, le découragement , la lassitude et le repos dans les bras du pouvoir; tandis que de son côté, la bourgeoisie par la voie de IA.K.F.M. (2) appelle au retour à lordre, au " travail dans lordre", et demande au pouvoir de bien vouloir mâter les trublions (attitude dont elle ne se départira jamais par la suite).
Après avoir salué les Zoam et leur audace suicidaire au cours journées de mai, la bourgeoisie se prend de panique face à ces hommes qui lui sont bien plus étrangers que les étrangers. Et l'on pourra lire bientôt dans Hehy (journal humoristique d'obédience A.K.F.M.) A.K.F.M.) que le temps est venu de reprendre les opérations dabattage des chiens " (3).
C'est quil est nécessaire de procéder systématiquement de "révoltés", quils étaient dans limagerie publique, les ZOAM , organisés dans la période de laprès-mai en comités de vigilance dans les quartiers, apparaissent maintenant comme des hommes responsables et de ce fait bien plus dangereux. A leur tête, un homme à abattre : Manandafy Rakotonirina Manandafy Rakotonirina, sociologue, encore militant du MONIMA à cette époque (4) "laveur de cerveaux" quil faudrait inculper de détournement de mineurs, vocifère la presse petite-bourgeoise (5).
Mais ces Zoam ne sont, pour la bourgeoisie, que les éléments les plus remuants dun mouvement qui, tout compte fait , n'en finit pas de mourir: les travailleurs organisés en "Tolon'ny Mpiasa" ( travailleurs en lutte) multiplient les grèves contrairement aux injonctions des syndicats pour lessentiel dobédience A.K.F.M -,
A.K.F.M -, appelant à la reprise du travail et à... loubli de mai. On voit même en certains endroits de la campagne la base mettre sur pied des comités dautodéfense, tel celui qui, dans la région de Fort-Dauphin, imposa le maintien du tarif des transports aux propriétaires de taxi. Les scolaires et étudiants radicaux organisés en " Z.M.M" Z.M.M" tentent dassurer la jonction entre la masse scolarisée et les Zoam laissés pour compte. Léchec de 1opération sera le signe que lon nest plus en mai la petite-bourgeoisie appuie le gouvernement; les forces radicales sont isolées.Désir de continuer mai 1972 et conscience que létape est à la recherche et la constitution de nouvelles formes dorganisation, capables de lutte à long terme, partagent la conscience de ceux qui nentendent pas en rester là. Mais la rupture avec lunanimisme petit-bourgeois est faite et ce ne sera pas sans conséquence quant aux positions du M.F.M. plus tard.
CREER UN PARTI
Fallait-il créer un parti, avec ce que le mot et la chose suscitent dextrême méfiance dans les couches populaires et chez les Zoam ? Avec ce que cela, à Madagascar, suggère de bureaucratie, de pratique oratoire, de suprématie des intellectuels ? Le pari fut engagé de reprendre la formule du parti, mais den bouleverser radicalement le contenu par une pratique inédite.
Sil y a création du parti, cest donc bien pour créer les conditions organisationnelles à la lutte des masses, ouvriers et paysans, et dépasser quant à lorganisation et au recrutement les organisations de marginaux (Zoam et Z.M.M.). Cest en quoi effectivement le parti nest pas lenfant légitime des Zoam et Z M.M., et que le projet dans son fond ne date évidemment pas de mai 1972, mais des années précédentes.
Ainsi le M.F.M. affirme que
" ses assises révolutionnaires se trouvent en fait dans les classes ouvrières et dans la paysannerie. Mais les forces politiques conjoncturelles qui ont favorisé sa création officielle sont effectivement les Zoam et les Z.M.M. (et aussi le K.I.M.), cest-à-dire les marginaux qui ont su prendre direction du mouvement de mai 1972, qui a marqué "un point non-retour" dans lhistoire de la révolution malgache.Comme le montre son histoire, le M.F.M. cherche à être une organisation de masse. Sa vocation est de "transformer les organisations de masse en forces révolutionnaires
" à travers une action déducation permanente pour une recherche dune culture populaire de libération. De ce fait, il deviendra un parti davant-garde pour réaliser pleinement lunité des forces révolutionnaires." (" Le M.F.M. par lui-même" GIMOI n0 16.).Sur quelles bases réaliser cette unité révolutionnaire ? Les
" Statut du M.F.M. " " (décembre 1972) le précisent:Fondements politiques du M.F.M.:
"
Suppression totale des fondements des classes engendrées par lEtat bourgeois et les Etats féodaux. Lutte pour lélaboration dun Etat, dune économie, dune société dirigés par la masse prolétarienne révolutionnaire.Abolition de toutes formes desclavage et dexploitation. des intimidations des forces bourgeoises, ainsi que des vestiges des pouvoirs féodaux.
"
Les travailleurs décideront souverainement de la distribution et de lutilisation du produit de leur travail. Les moyens de production appartiennent au peuple.Objectifs de la lutte révolutionnaire de la masse prolétarienne
"Lutte pour triompher de lEtat bourgeois, des capitalistes et des impérialistes. Lutte révolutionnaire du peuple malgache contre lexploitation par les capitalistes étrangers et nationaux. La masse prolétarienne révolutionnaire dirigera le peuple malgache dans sa révolution."
A lépoque de la création du M.F.M.
en décembre 1972 la répression saffiche de plus en plus. Mieux assuré de lui-même;. le pouvoir tolère de moins en moins les actions revendicatrices, et réprime toute contestation ouverte au nom de la nécessaire et patiente reconstruction nationale, il donne le coup darrêt à tout ce qui peut ressembler à des initiatives de la base pour sorganiser en dehors des cadres habituels, syndicaux pour les entreprises, et traditionnels pour les campagnes. Mieux, il fait donner " ces formes traditionnelles et ces forces syndicales pour réprimer ces initiatives.Face aux Zoam, la tactique est linfiltration policière pour organiser le mouchardage et le démantèlement, doublée doffres de travail temporaire. Si la première réussit dans les villes où l'encadrement nexistait quà-demi, ailleurs les résultats sont maigres eu égard à la facilité de lopération. Quant à la seconde, elle se heurte à lobstacle essentiel où trouver du travail à donner? Les premières vagues se succèdent: 300, puis 200, puis 300 éléments Zoam obtiennent un travail temporaire
; la quatrième vague promise narrive jamais et il faut bien sarrêter là. Déjà les premiers bénéficiaires ne le sont bientôt plus il faut tout reprendre à zéro.Tout reprendre à zéro, telle est aussi la tâche du parti : les organisations Zoam spontanées datant de mai sont démantelées ou dégonflées; la tactique du pouvoir a éclairci les données. Reste à parfaire le travail et à reconstruire modestement et solidement. Dune manière générale, il en est de même face à tout ce qui date de mai. Le M.F.M. ne ménage pas ses critiques envers le pouvoir et dénonce régulièrement ces répressions officielles ou larvées, tout en apportant son soutien aux luttes des travailleurs.
LADVERSAIRE PRINCIPAL
Mais ses critiques principales vont à linaction du gouvernement face à la droite tribaliste (P.S.D. -U.S.M.) (6) des déchus de lancien régime qui dès décembre 1972, et encore en janvier et février 1973, fomentent des troubles ethniques et "pro-français" , avec le soutien affiché de lambassade française et de ses consulats. Tselatra (" LEclair"), organe officieux du M.F.M., explique et attaque: Quand on a annoncé le référendum du 8-10-1972, le gouvernement et IA.K.F.M. en ont profité pour briser le K.I.M. en créant des comités de soutien au " OUI" un peu partout, comités où se sont regroupés les Merina (7) vivant sur les côtes. Les côtiers qui avaient travaillé dans le K.I.M. en ont été ulcérés, et ils ont laissé sisoler dans ces comités les Merina vivant sur la côte. Le P.S.D. en a profité pour réveiller les "luttes tribales".
Le gouvernement et IA.K.F.M. sont les grands responsables de ces émeutes à Tamatave, par le fait quils o
nt brisé les K.I.M. dans lesquels travaillaient ensemble les Merina de la côte et les côtiers opposés au P.S.D." ("Tselatra ", 29-12-1972.)Le M.F.M. mènera très activement une campagne de dénonciation de l'ambassadeur français, M.Delauney: "Les propagandes de division tribale montées par la bourgeoisie à la solde de limpérialisme arriveront à éliminer le gouvernement actuel sil continue à se montrer complaisant à légard des intérêts impérialistes ( ...)
Les capitalistes coloniaux installés à Madagascar tendent de congoliser la situation politique. Suivent les "faits d'armes" des représentants du gouvernement français auprès de Madagascar: Delauney et Bigeard. Le communiqué conclut: "L'impérialisme demeure lennemi stratégique du peuple malgache, tactiquement leurs agents au sein de la bourgeoisie malgache sont les ennemis immédiats. Lambassade française à Madagascar ne représente plus les intérêts du peuple français si elle se range du côté des capitalistes coloniaux et des homme de l'ancien gouvernement P.S.D. - U.S.M., à travers Tsiranana et Resampa notamment. (a Pour lamitié du peuple français et peuple malgache " conférence de presse du M.F.M., le 21 1973.)Apportant son soutien au ministre Ratsiraka, qui dirige alors la délégation malgache aux négociations pour la révision des accords de coopération franco-malgaches. le M.F.M. nengage aucune action denvergure contre le pouvoir, mais mène sa campagne contre Delauney et la droite P.S.D.
- U.S.M.. affirmant la détermination populaire dobtenir le départ des bases militaires françaises et la sortie de la zone franc. On verra bientôt ses analyses confirmées quand il se révélera que les enjeux fondamentaux des négociations auront été en fait les questions monétaires et économiques bien plus que le problème des accords militaires.Toutefois, à lapproche de la conclusion de ces négociations et de lanniversaire du 13 mai 1972, le M.F.M. dresse le bilan dune année de pouvoir Ramanantsoa: "Par tous les moyens en sa possession, le gouvernement Ramanantsoa sest farouchement accroché au pouvoir au cours de sa première année d'existence
(...). Les critiques sur lincompétence du régime P.S.D. ont été reprises en compte pour justifier linstallation dun "gouvernement dit de techniciens et dunité nationale qui ne sappuie que sur lappareil dEtat colonial entièrement conservé jusquà ce jour... Les fonctionnaires constituent le relais nécessaire à la conservation des intérêts impérialistes dans le pays. Ils ont été les principaux auteurs des falsifications électorales du régime, colonial et P.S.D. Les fonctionnaires dautorité, préfets, sous-préfets, chefs de canton, sont plus forts que jamais dans la direction de lopération dite de restructuration du monde rural en cours (Fokonolona). Nos organisations dénoncent vigoureusement le maintien de ces fonctionnaires comme un arbitraire visant à perpétuer la domination coloniale sur Madagascar...En économie, "le gouvernement semble vouloir développer les dépenses publiques dinvestissement... Cependant, les entreprises capitalistes étrangères continuent à monopoliser les marchés dEtat des grands travaux (T.P., bâtiment, hydraulique). Nous revendiquons que ces entreprises soient nationalisées et autogérées sous le contrôle des ouvriers malgaches"
. Quant à la collecte du riz, le gouvernement en a confié la réalisation "aux fonctionnaires des " structures populaires" qui utilisent toujours le service des collecteurs des entreprises coloniales. Ces collecteurs cumulent les fonctions d'usurier, dépicier de village et de collecteur ".Enfin, nous dénonçons larrivée massive des capitalistes Japonais, américains et européens et la collusion de plus en plus évidente entre les coloniaux français de Madagascar et les Blancs dAfrique du Sud
. ("Mai malgache... Un an après") . Conférence de presse du M.F.M. et des Zoam, Z.M.M., F.M.T.Z. (8), le 8 mai 1973.)Bref, "les forces populaires ont sacrifié leurs vies pour vaincre le P.S.D., mais les fonctionnaires monopolisent aujourdhui toute lautorité pour impulser la population et vendre notre patrie, et les capitalistes étrangers font encore la loi dans le domaine économique à Madagascar. Il faut que le gouvernement montre clairement sil choisit daller du côté des fonctionnaires et des capitalistes étrangers, ou sil choisit daller du côté du peuple" (Tract distribué le 11 mai 1973.)
DUN 13 MAI A LAUTRE
Mais le choix semble déjà fait: par son interdiction de toute manifestation autre que religieuse pour la commémoration du 13 mai 1972, le pouvoir se range:
" Le gouvernement a annoncé que seuls les cultes chrétiens seraient autorisés pour la célébration du 13 mai 1973. Les Malgaches chrétiens privilégiés seront maîtres de célébrer le 13 mai. pourtant, ce sont ensemble les Malgaches privilégiés et le peuple en lutte qui ont donné leur vie en sacrifice pour vaincre le P.S.D. et s'opposer aux accords desclavage. Mais on ferme la bouche au peuple pour la célébration de ce 13 mal.."(Tract distribué le 12 mai 1973.)"
Et ce sont les arrestations, pour avoir tenté dorganiser une manifestation interdite, dès le 12 mai au soir. Le secrétaire général et une vingtaine de militants sont arrêtés ; une quarantaine dautres militants le seront le lendemain.
Ces arrestations et les procès qui les suivront vont être loccasion d'une campagne politique très intense qui prouve bien que le M.F.M. nest pas touché à mort, loin de là en même temps que lamorce de pratiques à la fois plus modestes et plus profondes dans le travail dagitation et de formation. A la pratique globale inspirée de mai (meetings, inondation de tracts, actions ponctuelles rapides, appels à des rassemblements sur les lieux de travail, les quartiers, etc.) succède peu à peu une pratique moins globale et plus discrète, où les organisations à la base acquièrent plus dautonomie. De la même manière les objectifs se modifient en profondeur: il sagit moins de favoriser lagitation sur des thèmes communs et généraux, que de favoriser lexpression des problèmes concrets .à partir desquels, de manière non directive, peuvent se faire des réflexions et se monter des actions communes qui élèvent le degré de conscience collectif: ainsi les problèmes de ravitaillement en riz, ou les tracasseries destiné à entraver le petit commerce plus ou moins sauvage (étals sur les trottoirs), etc. Tout en gardant une vigilance aiguisée à propos de la conjoncture, le parti se sait engagé dans une lutte à long terme et nhésiterait probablement pas à reconnaître que pour être fixée quant aux principes, sa ligne nest pas forcément totalement élaborée, ni les voies de réalisation de son "programme" fixées définitivement. Cest surtout que, par principe il nentend pas décider de cela par en haut, mais que cette élaboration soit au contraire un travail effectif des militants.
Nous avons voulu retracer sommairement ces dix mois dexistence du parti afin den faire ressortir ses origines, son projet et les actions qui lincarnent. Comme on peut sen douter à travers un regard sommaire sur ces dix mois dexistence, lanalyse du M.F.M. nest pas chose aisée: non que ses principes ne soient clairs, mais parce que la réalité où il sinscrit, où il puise ses forces et ses limites est essentiellement mouvante: la conjoncture y acquiert une importance capitale et il nest pas toujours facile, pour un observateur étranger, de départager la stratégie de la tactique. Les lignes qui suivent se placent donc bien plutôt dans lordre des remarques à discuter, des hypothèses à préciser ou renverser et est-il besoin de lajouter elles n'engagent évidemment que leur auteur et lui seul. Quon veuille bien garder à lesprit quil sagit, en tout état de cause et jusquau bout, dun commentaire qui némane daucune voie autorisée, mais qui est une réflexion libre, sur le mode dun sympathie distante (9).
Qui est au M.F.M.? En quels milieux travaille-t-il ? Quel écho rencontre-t-il ? Il est bien difficile de répondre à ces questions. Limage quon en peut avoir de lextérieur est facilement calquée sur des configurations politiques qui nont rien de comparable à en croire certains, le M.F.M. serait un parti "gauchiste" , issu de mai, théorisant sa pratique à partir de cette montée populaire de 1972, et donc limité au monde urbain par définition. Autant didées quun examen plus attentif révèle fortement nourries dà priori. Certes il est quasi impossible en létat actuel des choses dévaluer quelle prise le M.F.M. a sur les masses. Ce que lon peut mieux savoir par contre, cest qui y milite et dans quelles populations, ne serait-ce que par les échos de la répression à laquelle ils se trouvent confrontés.
LE FACTEUR " JEUNESSE"
DEurope on est tenté de parler détudiants gauchistes dorigine petite-bourgeoise, en mal de radicalisme. Rien de plus faux. Certes, des jeunes intellectuels militent dans le Z.M.M. et certains dentre eux sont au parti. Mais ils sont fort minoritaires au sein de la masse des scolaires et étudiants (mille fois plus effrayés quattirés par leur idéologie, trop conscients quils sont de leur avenir délite), et de plus encore soumis à une répression familiale difficilement supportable quand lon connaît lemprise de lidéologie familiale et patriarcale dans la société malgache, même à Tananarive.
En réalité, cest tout le parti qui est jeune , puisque la moyenne dâge sy situe vraisemblablement en dessous de 30 ans. Ce nest pas que le M.F.M. ait fait de la jeunesse en rupture de famille son axe de recrutement, cest quil sagit là dun fait sociologique. La jeunesse malgache (mises à part les couches aisées de la bourgeoisie étudiante) est bien plus soumise au nivellement social que les anciennes générations. Alors que lemployeur par exemple tient compte de lorigine (de caste) des adultes qui se présentent à lembauche, ce critère joue beaucoup moins quand il se trouve devant des jeunes, et le fils daristocrate peut connaître des conditions de travail identiques à celles du fils de paysan.
Dautre part, c est elle qui supporte le plus le poids du " sous-développement des forces productives, non seulement par limportance du chômage quelle subit, mais encore par le blocage que représente lentretien de sa dépendance économique totale à lintérieur des structures villageoises.
Mais il ne sagit pas là évidemment de nimporte quelle jeunesse. Lespoir de sen sortir individuellement tient toujours ceux qui fréquentent lécole secondaire à lécart des questions politiques. Cest donc chez les autres que les choses se passent: les exclus de lécole (50% de scolarisés en C.P.1) et limmense quantité de ceux qui sen trouvent rejetés du C.P. 1 au verrou de la 6è, de la 6è à la 3è ou qui en sortent nantis du B.E.P.C. ... pour chômer ou pour regagner les bancs dune école privée, façon comme une autre de retarder les échéances. Victime de la contradiction dune école mise en place pour produire de la petite-bourgeoisie, et qui continue den produire en masse, alors que toutes les issues sont bouchées victime des contradictions imposées par la domination économique étrangère, la grande majorité des jeunes est en effet un produit inédit du néo-colonialisme.
LES Z.O.A.M.
Or cest ce phénomène quil faut avoir à lesprit quand on parle de Zoam. La spécificité de cette situation interdit de les assimiler purement et simplement à un lumpen-prolétariat et de lui associer les caractéristiques classiques de versalité exploitable par les forces en présence et dabord par le pouvoir en place. Certes de telles considérations ne sont pas fausses. Les Zoam constituent bien un milieu urbain marginal, une sorte de frange maudite de cette jeunesse dominée. Pourtant les caractéristiques mêmes de leur " production " les placent bien plus au centre des contradictions néo-coloniales que sur la marge. Ils ne sont pas un sous-produit inévitable, mais que lon peut contenir dans certaines limites, ils sont, au sein de la masse des jeunes, condamnée à limpasse par le système, les éléments " marginaux ": fils de paysans qui naviguent dans leur région, de préférence autour des centres urbains, parce que la domination économique des anciens sur les terres et les troupeaux les condamne à être la main-doeuvre bénévole des vieux, ou... à partir, en tout cas à attendre de nêtre plus jeunes; fils de lexode rural tombés dans le miroir aux alouettes de la ville; fils de la ville, déchets du système scolaire; tous en tout cas végètent de petits travaux en petits travaux. Marginaux peut-être, mais marginaux du centre, névralgie des contradictions néo-coloniales.
Cest bien pourquoi la peur que le pouvoir, la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie peuvent en avoir représente bien plus quune angoisse devant la pègre leffarement devant ces hommes qui revendiquent leur origine desclave accroît certes la haine de classe ; mais surtout, parce quorganisés par comités de quartiers, darrondissements, et de ville sans toutefois lêtre à un niveau national, vu les difficultés matérielles à ce niveau les Zoam qui ont conscience de leur force, se savent devenus les ennemis à abattre pour lactuel régime, et nentendent plus être les " troupes de choc dune bourgeoisie contre une autre.. "
" Un débat de quelques heures avec les Zoam, affirme Siradiou Diallo dans Jeune Afrique (no 646, du 26 mai 1973), fait clairement comprendre que sous les casquettes de marins, les bérets basques, les chapeaux de paille et les calots de toutes espèces se cachent des têtes bien faites, il ne sagit pas dune simple troupe de chômeurs déguenillés, et qui, une fois passé léclair de la prise de conscience, vont retomber dans leur torpeur habituelle. Bien sûr, ce ne sont pas les vieux syndicalistes des sociétés industrielles, rompus à la lutte des classes et flairant les moindres traquenards du patronat. Mais ce nest pas non plus larmée industrielle de réserve dont Marx a décrit laliénation (...). Curieux chômeurs qui sont moins préoccupés par la recherche dun emploi que par laiguillon du pouvoir prolétarien.
Habituellement, la lutte en faveur de celui-ci va de pair avec la satisfaction de celui-là, Ici le premier semble mis en veilleuse jusquà la conquête du second. Cest le signe évident dun optimisme sans faille, il suffit de sorganiser. Mais surtout pas à la manière traditionnelle, avec cartes de membre, cotisations, chefs, hiérarchie, etc. "
Les Zoam représentent donc la partie urbaine et organisée dune jeunesse prolétarisée en masse. Le M.F.M. an tant que parti ne les regroupe pas tous, et ne regroupe pas queux : " Les Zoam sont les sous-produits du développement capitaliste des villes; plusieurs dentre eux sont parmi nos militants. (Mais) dans les zones rurales, des masses de jeunes éliminés par lécole capitaliste et non intégrés dans le patriarcat paysan sorganisent dans notre parti.. (Additif à larticle paru dans Lumière du 10-6-1973,)
LA CAMPAGNE
La pénétration des campagnes en dehors de situations de crise nest pas un travail politique aisé, sauf à le concevoir dans les salons.A Madagascar, il ne semble pas quil y ait de multiples voies possibles: la situation actuelle en autorise deux (s1 lon met de côté des îlots constitués par les opérations de développement. ou " daménagement., qui définissent un contexte particulier qui tranche sur le reste de la campagne traditionnelle .).
soit lon pénètre le milieu paysan en se coulant dans ses structures " traditionnelles ", de communication et dintégration; ce qui revient à en passer par les notables et donc à y rester: ceux-ci deviennent, inévitablement, les cadres du parti. On constate alors que le milieu pénétré importe ses propres contradictions à lintérieur de lorganisation. Lemprise peut être forte; elle nen est pas moins marquée dune indélébile ambiguïté (le village adhère en entier, derrière son notable, au parti révolutionnaire, tandis que le village dà côté, du clan adverse, se constitue dans le parti droitier ennemi; au sein du parti sont reproduit les contradictions entre classes dâge et leur mode de résolution traditionnelle, etc... Cest la voie que semble avoir prise et gardée le Monima dans le Sud du pays.
Soit lon pénètre le milieu rural par les contradictions qui y naissent à lintérieur même de son organisation traditionnelle et du fait du fonctionnement de celle-ci sous la domination néo-coloniale. Linstitution traditionnelle qui déjà sous la colonisation assurait le maintien de lexploitation capitaliste, continue de le faire et secrète ainsi ses propres contradictions: cest lancien qui organise la production, répartissant la propriété temporaire dans les zones de production. Ce pouvoir économique clé saccompagne bien entendu des attributs législatifs quant à la sauvegarde de la tradition. Dans ces conditions, le jeune est placé dans une situation impossible, les moyens de production se faisant de plus en plus rares par rapport au progrès démographique, et étant répartis suivant les classes dâge il est alors forcé de nêtre quun instrument aux mains des vieux dans leur processus daccumulation, ou de partir(10).
Pratiquement, le pouvoir est confisqué en totalité par les vieux et linstitution traditionnelle et familiale devient le lieu de la répression : lieu de transit dune répression qui vient de plus haut, comme lieu dune répression locale à linitiative des communautés. Ainsi la police intervient-elle sur les jeunes par lintermédiaire de menaces sur les parents. Ces derniers brandissent à leur tour les menaces "mortelles "- du rejet de la famille, du clan, du tombeau.
Le M.F.M. semble donc pénétrer la masse paysanne par la couche de ses jeunes victimes du mode de production patriarcal. Les conséquences organisationnelles sont à lopposé de celles induites par la première méthode : ce nest plus le " hazo manga " (linstitution patriarcal) qui organise lorganisation, mais le parti a toutes les chances de sorganiser suivant sa propre ligne.
LES " MADINIKA "
Que les jeunes constituent leffectif du parti, ce nest donc là que la conséquence de deux faits dordre différent:
la stratégie de pénétration de la masse rurale dune part;
- la décision de sadresser aux dominés et aux exploités pour les regrouper en forces révolutionnaires. Or de plus en plus. nombreux sont les jeunes qui peuvent se dire dominés et exploités : " madinika "
Ils ne sont pas les seuls, évidemment; car les madinika ce sont les classes pauvres, dominées et exploitées elles toutes, mais elles seules. Ce terme générique recouvre donc à la fois les Zoam, la jeunesse rurale dans sa grande majorité, les paysans pauvres (salariés et métayers) et les travailleurs des entreprises.
Ainsi apparaît-il donc quon ne peut prétendre respecter la ligne que le M.F.M. reconnaît pour sienne quand on le réduit au facteur jeunesse; on ne se trompe pas moins quand on en réduit le champ daction aux zones urbaines: les madinika ne sont en tant que tels ni jeunes (ni vieux), ni prolétaires urbains (ni paysans) : ce sont les exploités de la campagne et de la ville dont la masse, il est vrai, est constituée en fait, et de plus en plus, de jeunes.
Une présentation approximative que faisait le Gimoi (reprise par le journal Lumière du 10-6-1973) selon laquelle le M.F.M. "voulait représenter les travailleurs soumis directement à lexploitation capitaliste et était implanté essentiellement dans les zones urbaines et para-urbaines , donnait au M.F.M. loccasion de préciser: La délimitation de limplantation du M.F.M. à la zone urbaine et suburbaine trahit la réalité de nos actions militantes. Les villes constituent les foyers du développement capitaliste, les zones rurales sont les zones satellites nécessaires. Dans ces conditions ce serait une erreur de limiter notre travail politique uniquement à ces foyers capitalistes. De fait les Zoam sont les sous-produits du développement capitaliste des villes, plusieurs dentre eux sont parmi nos militants. Dans les zones rurales des masses de jeunes éliminées par lécole capitaliste et non intégrées dans le patriarcat paysan sorganisent dans notre parti. Bien entendu des travailleurs directement exploités dans une entreprise capitaliste Industrielle ou agricole participent à notre lutte de libération nationale.
"Que lexploitation capitaliste soit la principale cible dans le combat que nous menons, cela correspond à nos intentions et à nos actions concrètes. Mais loin de se cantonner à une implantation urbaine et suburbaine, notre organisation sétend aussi dans les campagnes malgaches.
Evidemment, implantation réelle et champ daction militante sont deux choses fort différentes. Mais ce serait faire abstraction de la ligne du parti et du dévouement extraordinaire de ses militants que de pronostiquer son implantation future daprès les troupes sûres dont le M.F.M. dispose aujourdhui et qui sont en raison lhistoire récente essentiellement urbaines en effet.
LES INTELLECTUELS ET LES MASSES
Dire que le M.F.M. a pour axe de recrutement les "madinika" nest pas un vain mot: Il vaut en effet tout aussi bien pour le recrutement des cadres du parti. Non sans que cet effort pour remodeler radicalement le rapport intellectuels-masse, ne rencontre de difficultés de taille. Leffort est très réel au sein de chaque "vondra" (comité) et échelons sous-préfectoraux et préfectoraux, on trouve systématiquement la répartition ternaire: un Mpiasa Madinika (travailleur), un Zoam, et un intellectuel. De façon plus radicale encore, lhistoire du parti et des organisations "de masse " qui lentourent est marquée par les exigences à lencontre des intellectuels transfuges quils fassent leurs preuves, et après ils pourront parler, autant mais pas plus que les autres. Bref il sagit de les soumettre à un traitement qui correspond à linversion de leur position hiérarchique dans la société en général et dans lensemble des autres organisations politiques plus particulièrement.
Il faut voir en effet quelle est la situation de départ: héritier dune civilisation où le savoir a toujours été véhiculé par le pouvoir quil justifie, et dune colonisation qui . en créant lécole pour produire des Intermédiaires à sa domination a associé lacquisition du savoir à lacquisition du pouvoir, bref héritier dune société fortement hiérarchisée où le pouvoir et le savoir ont toujours été confisqués par les couches supérieures dominantes, lintellectuel malgache est plus encore quailleurs investi dune position hiérarchique sans équivoque. Cette position se reproduit inévitablement dans les partis qui rassemblèrent le peuple dans la lutte nationaliste. Les intellectuels ont dans ces organisations (partis A.K.F.M., P.D.C.M., etc.) comme dans les syndicats qui sont sous leur Influence un rôle dencadrement de la masse et dincontestable direction. Même au Monima où la situation est pourtant très différente, on a pu constater quil existait des tendances à placer les intellectuels du côté des notables, cadres et dirigeants.
On peut mesurer à partir de cela lenjeu révolutionnaire que représente la tentative en cours au sein du M.F.M. de redéfinir totalement la place de lintellectuel dans son rapport aux masses, en larrachant de son piédestal et en lui confisquant son pouvoir au profit des Madinika.
Dune manière générale, les rapports des intellectuels (encore une fois peu nombreux: certains membres du M.F.M. avancent le chiffre dun pour cent) et des Madinika ne sont pas faciles, vu la suspicion dont ces derniers font preuve et la différence de culture, de langage, de mode de pensée et de réaction. Mais les difficultés sont affrontées dans lespoir de les résoudre de manière révolutionnaire.
Le principal moyen de les résoudre est encore de former parmi les Madinika les cadres "intermédiaires" dont le manque aujourdhui se fait encore fort sentir. Ils pourront seuls aider à trouver des moyens de formation et dagitation adaptés à une population de Madinika, illettrés dans leur immense majorité. La tâche est énorme pour ceux qui se chargent dun tel travail de formation, et leur intérêt pour les méthodes dun homme comme Paolo Freire alliant lalphabétisation à la conscientisation se comprend aisément.
LA REPRESSION
Que les Madinika prennent en main leur sort et prétendent organiser concrètement leur pouvoir, voilà une idée insupportable à la bourgeoisie, bien évidemment, et au pouvoir dEtat en place.
Un gouvernement populiste ne peut prétendre soccuper des petits quen leur refusant les capacités et le droit de soccuper eux-mêmes de leurs affaires et davoir des idées sur la politique nationale. Aussi des formes de répression sournoises entravent sans arrêt le travail des militants, et spécialement de ceux qui travaillent en province. Le procès fait aux militants du M.F.M. pour laffaire du 13 mai (cf. Le mois en Afrique,n° 94) nest que lautre versant de cette nécessité pour le pouvoir en place de réprimer les héritiers du mouvement de mai tandis quon bloque à la base toute tentative dauto-organisation populaire, on tentait en même temps de frapper à la tête en faisant des militants et leaders du parti des "
Le procès fait aux militants du M.F.M. pour laffaire du 13 mai (cf. Le mois en Afrique,n° 94) nest que lautre versant de cette nécessité pour le pouvoir en place de réprimer les héritiers du mouvement de mai tandis quon bloque à la base toute tentative dauto-organisation populaire, on tentait en même temps de frapper à la tête en faisant des militants et leaders du parti des " criminels de droit commun", tout juste bons à être traînés an correctionnelle. Cette tentative a échoué, car le gouvernement na pu éviter que le procès napparaisse ce quil était: un procès politique. Ce fut loccasion pour le M.F.M. de déclencher une intense campagne politique de dénonciation du pouvoir, déchiré entre les factions bourgeoises qui ne sentendent que sur un point: décapiter la lutte du peuple pour sa libération.Avant le procès, le M.F.M. déclarait : En faisant comparaître devant le tribunal des militants qui ont voulu dénoncer les
* chiens de garde> de limpérialisme et du capitalisme par la commémoration du 13 mai, le gouvernement marque ses hésitations devant la lutte de libération dans laquelle Madagascar est désormais engagé. La plupart des militants traduits devant la justice étant des descendants danciens esclaves, le gouvernement se range de ce fait du côté de lancienne aristocratie qui veut perpétuer sa domination bureaucratique et féodale.Et il concluait:
Désormais, la lutte des classes entre dans une nouvelle phase à Madagascar. Ecrasée depuis mai 1972, la bourgeoisie tente de relever la tête en mettant en branle se bureaucratie d'Etat à la place de léconomie de traite coloniale. Drapée ~ dans son nationalisme étroit et xénophobe, la bourgeoisie tente de remplacer le colon français.Le déroulement du procès et les peines infligées
lui donnèrent raison. En fin de compte ladoucissement des peines obtenues à la séance en appel du 28 septembre, tel que tous les inculpés furent le jour même reconnus libres, ne change rien au fond des choses. A mesure que se consolideront les liens du pouvoir en place et du capitalisme international, le M.F.M. sera de plus en plus lennemi à abattre.Sil a essuyé un échec final dans cette affaire, le pouvoir continue la répression à lautre bout: provocations, intimidations ou interventions policières directes se multiplient, dans le silence des campagnes tout particulièrement. Le journal officiel du parti, Ny Andry (Le Pilier
), publiait en septembre 1973 des exemples de ce que le Comité central du M.F.M. nomme une " chasse aux sorcières" : " Antsirabe, Fandriana " les récépissés des sections du parti déclarées dans cette région ne leur sont toujours pas accordées. Des menaces sont proférées contre les militants pour quils ne tiennent plus de réunions;"Fianarantsoa: les militants sont systématiquement traqués par les forces de lordre, convoqués à plusieurs reprises pour enquêtes à la gendarmerie
(...)"
"Manakara: Un des meneurs de la grève générale des dockers de 1972 est licencié de son poste, un an après pour servir dexemple au reste du personnel
"
Fort-Dauphin: les autorités locales ne se contentent pas de menacer les militants demprisonnement ou de mort, elles vont jusquà tenir les familles des militants sous un régime de pression et de terreur, etc. (...)Le bulletin
"Gimoi" n° 18 (octobre 1973) commente : Le retour à lordre dans les quartiers populaires des villes paraît converger avec une surveillance accrue dans le monde rural. Selon de nombreux témoignages, les " Fokonolona" récemment mis en place paraissent devoir jouer essentiellement un rôle de police villageoise.LE FONKONOLONA
Lanalyse que fait sur ce point le M.F.M. tranche sur le concert de lautosatisfaction nationaliste. Quelques points dinformations préliminaires sur le Fokonolona sont nécessaires. Sorte de commune paysanne, à laquelle correspond tout une philosophie de solidarité villageoise entre groupes familiaux que rapproche la nécessité de collaborer dans la production, le Fokon olona représente un refuge et une garantie pour les valeurs de solidarité, dentraide, et dégalité proprement malgaches ". Le gouvernement en place a fait le pari que ces valeurs conservatrices seraient aujourdhui susceptibles de se traduire en initiatives économiques et politiques animant le réveil des communautés villageoises, dans lharmonie avec le pouvoir central dEtat. Doù lopération Fokonolona ~, première opération de politique intérieure du gouvernement Ramanantsoa suppression des communes rurales et institutionnalisation à travers des élections à différents degrés dun emboîtement de conseils ruraux, depuis le conseil territorial (" Fokontany"") jusquau niveau provincial.
Structure de " participation au pouvoir, qui renversera le rapport de domination étatique importé de létranger par la colonisation, le Fokonolona serait lunité de base dune nation égalitaire puisque, bien sûr, tous les Malgaches, sur la base de leur malgachéité, sont égaux, nétant divisés que daprès les sociologies importées, solidifiées en partis politiques. Il faut se souvenir à ce propos que le gouvernement Ramanantsoa se veut "apolitique"
Il sagit donc là dune concrétisation tout à fait intéressante de I idéologie nationaliste : unité et égalité de tous, en tant que Malgaches, et contre la domination étrangère, qui nest après tout quidéologique (elle nintroduit pas de classes, mais seulement des divisions dopinions) et extérieure.
Le M F M rétorque que lidéologie de Fokonolona est une mystification destinée à contrer toute forme dauto-organisation à la base, et à raviver les structures traditionnelles dexploitation. Somme toute, lopération Fokonolona lui apparaît consister en un " parachutage total, w une affaire de fonctionnaires administrateurs du peuple a qui naura pour effet que de raviver le " Fanjakana Andriana " littéralement: le pouvoir aristocratique, disons le pouvoir des notables. Et de fait ceux-ci se révèlent les principaux bénéficiaires de lopération, au point que le pouvoir a de quoi sinquiéter dans la mesure où la bourgeoisie côtière, qui était inféodée au P.S.D., se révèle gagnante. Dans ces conditions, que les élections par les membres des conseils territoriaux à la campagne, et par le suffrage universel dans les communes urbaines, envoient au Conseil National Populaire de Développe ment (11) une majorité de tendance P.S.D. - U.S.M. ne saurait étonner.
Un exemple concret peut venir à lappui de cette analyse du Fokonolona. Dans la région de Fort-Dauphin, des paysans sétaient organisés (durant les derniers mois de 1972) pour imposer leurs conditions aux "karana" (indiens) propriétaires de taxi-brousse qui voulaient augmenter les tarifs. Le boycott des taxis et l'auto-organisation des transports, à pied, avaient eu raison des propriétaires. Face à cette auto-organisation populaire, les notables s'étaient totalement effacés: cest den haut que vint le coup de frein répressif. Par le canal des notables quil réinvesti de pouvoir à travers le Fokonolona, le gouvernement a bloqué et détruit le mouvement. En rétablissant le pouvoir des notables le pouvoir entend donc bloquer toute lutte des classes à la campagne.
LA "
LUMPEN-BOURGEOISIE"Daprès le M.F.M., ces orientations du pouvoir sont facilement explicables, vu lessence de la bourgeoisie existante Madagascar.
Les militaires ont "reçu"
Daprès le M.F.M., ces orientations du pouvoir sont facilement explicables, vu lessence de la bourgeoisie existante Madagascar.
Les militaires ont "reçu"
le pouvoir de la main du Peuple parce quil nexistait aucune organisation révolutionnaire susceptible de le prendre. Si, comme le disaient les Zoam à S. Diallo, "le peuple était conscient et idéologiquement formé, Ramanantsoa naurait pas pris le pouvoir en 1972". (Jeune Afrique, art. cit.)Le pouvoir tenait donc se légitimité du mouvement populaire qui entendait le soutenir.., mais comme la corde soutient le pendu. Par dhabiles manoeuvres politiques, le gouvernement Ramanantsoa sest débarrassé de ce lien encombrant, rompant ses engagements envers le mouvement populaire avant de se retourner contre les organisations radicales qui en étalent issues.
Pourtant, nombreux étaient (et sont encore) ceux qui (même à l'intérieur du mouvement populaire) estimaient que le gouvernement Ramanantsoa allait accomplir "une révolution démocratique bourgeoise"
Un an après la consécration du gouvernement par le référendum, de laveu de bien des intéressés, cétait là une illusion. Le M.F.M. en argumente les raisons:"
Le véritable changement du colonialisme au néo-colonialisme sest effectué au niveau politique de façon superficielle, il a donné naissance à quelques 80 000 bureaucrates (constituant la "bureaucratie nationale") et dautres agents de profession libérale, dont le rôle est de constituer un appareil dEtat, administratif et répressif pour maintenir les structures dexploitation économiques telles quelles. Ils étaient épaulés et secondés par des assistants techniques français.Madagascar na pas été embourgeoisé en ce sens que le grand capital na pas su créer une véritable bourgeoisie nationale dentreprise, qui aurait pu lui servir de partenaire valable. Fondamentalement, limpérialisme na pas su se transformer pour organiser sa survie et sest accroché à une méthode dexploitation coloniale rétrograde.
"La lutte de libération du peuple malgache, fondamentalement dirigée contre limpérialisme, vise à détruire lappareil dEtat que ce dernier sest créé pour le défendre et le maintenir".("Le M.F.M. par lui-même, Gimoi n°
18, juin 1973.)Linsistance mise sur le rôle de lappareil dEtat (et donc sur sa destruction comme objectif principal de la lutte révolutionnaire) est un trait constant des analyses du M.F.M. Parler de la "bourgeoisie" à Madagascar, de "bourgeoisie nationale" ou de "nationalisme bourgeois" cest ne rien dire ou fourvoyer dans l'erreur tant quon na pas précisé quelle est de part en part dessence bureaucratique: "
lumpen-bourgeoisie", "sous-bourgeoisie" ou " bourgeoisie déléguée" les termes barbares ne manquent pas (12) pour désigner le caractère fondamentalement parasitaire et répressif dune bourgeoisie administrative, au service dans lappareil dEtat, de lexploitation néo-coloniale.Conséquemment, placer lappareil dEtat au centre de lanalyse c'est situer limportance capitale de la coercition étatique sur la paysannerie: sans cette coercition, point de marche régulière de l'exploitation.
Si lon résume très sommairement les traits principaux de la formation sociale malgache aujourdhui, on trouve, dit le M.F.M.: "l'inexistence dune bourgeoisie nationale dentreprise, mais la présence dune lumpen-bourgeoisie", la classe ouvrière, essentiellement exploitée par les capitalistes étrangers
; la paysannerie quil est impossible de dominer sans le contrôle répressif d'Etat (Impôt per capital, par exemple) la réserve de main-d'oeuvre que constituent les chômeurs, périodiquement exploités lentreprise capitaliste. (Id.) Dans ces conditions, que signifie le nationalisme professé par le pouvoir? Cest dune part sa seule politique possible: dans la mesure où il ne peut sagir pour lui de mettre en oeuvre un processus révolutionnaire, Il na pour seule idéologie et pour seule pratique possibles (qui lui assurent le soutien populaire, quun nationalisme négateur de la lutte des classes. Ce faisant il récupère les masses petites-bourgeoises dont la coalition avec les forces révolutionnaires avait fait tomber Tsiranana.Seule politique possible, mais politique du vide, dautre par : " Linexistence de la bourgeoisie nationale dentreprise vide le "nationalisme" de tout son sens dans le contexte malgache. La minorité dirigeante nest en effet pas capable de prendre en main les leviers de commande, lappareil économique lui ayant toujours été extérieur ".(ldem.)
Ainsi, soit le nationalisme reste un discours creux mystificateur soit il se mue en volontarisme pour créer de toutes pièces un bourgeoisie nationale. En fait, il est aujourdhui à Madagascar les deux à la fois et ne peut être autre chose: tout en mystifiant les masses pour maintenir leur exploitation, il assure que le fonctionnement de cette exploitation ne se fera pas seulement au service du capital étranger, mais aussi des classes dominantes malgaches.
LE CAPITALISME MALGACHE
Un simple regard sur le capitalisme malgache existant aujourdhui vient à lappui de cette thèse: limité à quelques familles, Il est tout entier concentré dans les secteurs des rizeries, du transport, et de... limmobilier. Le manque de capitaux et la mentalité parasitaire de cette bourgeoisie qui sest constituée dans la mouvance du colonialisme, fait dune politique de " malgachisation " économique une entreprise de façade. Cette bourgeoisie que lon dit nationale est en fait inféodée à limpérialisme et son nationalisme consiste en des prises de participation plus ou moins sérieuses aux sociétés étrangères.
Il est donc difficile de voir comment le pouvoir peut envisager de créer une bourgeoisie nationale sans sengager alors à développer lintégration du capital malgache au capital étranger. Et cest bien ce quune fraction influente (dite " Club des 48 ") au sein du gouvernement le pousse à réaliser.
Mais cette création peut aussi se faire par la voie dune bureaucratisation radicale de lappareil économique : cest même la seule voie réelle de création dune bourgeoisie qui, pour être fort peu dynamique, nen aurait pas moins des allures plus nationales.. Et cest ce que semble aujourdhui décidé à faire le gouvernement Ramanantsoa. Sans aller forcément jusquà des nationalisations, il sagirait dinstituer au minimum un contrôle bureaucratique dEtat sur les entreprises étrangères. Cest ce que demande lA.K.F.M. qui, partant de lanalyse de la phase actuelle comme phase démocratique petite-bourgeoise nécessaire, propose linstauration dun capitalisme dEtat centralisé à limage de la planification et des entreprises soviétiques. Vu labsence de véritables entrepreneurs capitalistes nationaux pouvant remplacer les étrangers, lA.K.F.M. propose de créer un capitalisme dEtat dominé par la petite-bourgeoisie urbaine. Mais elle est prête à se satisfaire de linstauration dun contrôle bureaucratique.
Inévitablement, la politique du général Ramanantsoa aboutira à un compromis de ces deux tendances qui sont facilement repérables dans le discours daoût du général. Comme un texte du M.F.M. en juillet 1973 le signalait déjà, la politique économique tracée par le gouvernement aboutira nécessairement à un compromis entre les diverses factions de la bourgeoisie bureaucratique malgache. La politique économique du gouvernement maintiendra la domination des capitalistes étrangers sous réserve dune participation des capitaux publics malgaches (A.K.F.M.) ou de capitaux privés malgaches (Club des 48 et triplette P.S.D. - U.S.M. - P.D.C.M.) dans les nouvelles entreprises. Le compromis bourgeois est en train de sauver ses intérêts essentiels (le profit capitaliste) contre ceux du peuple malgache.
Face à cette politique, le M.F.M. revendique linstauration du contrôle des masses laborieuses sur les moyens de production (13) et envisage des formes dautogestion, sans plus en dire les formes concrètes que pourraient revêtir ce contrôle ou cette autogestion, ni sur les conditions et le processus de leur mise en place. Comme personne à Madagascar ne sest attelé à ce travail avant lui, personne ne peut lui en tenir rigueur. Néanmoins, le travail sera important à fournir pour rendre crédible cette revendication.
Mais cest sur lanalyse de la bourgeoisie que les oppositions se font jour. Nous avons rencontré celle de lA.K.F.M. pour qui tout tient dans le postulat de la phase historique actuelle révolution démocratique petite-bourgeoise. Dautres, plus proche du Monima par exemple, déclarent que ce qui compte cest moins que la bourgeoisie soit " déléguée " mais plutôt quelle se sente exister, grâce en particulier aux divisions du peuple qui constituent sa seule force, vu son impuissance économique. il faut donc mettre en oeuvre selon eux, une stratégie dunion nationale des classes dominées avec la petite-bourgeoisie contre limpérialisme (la contradiction avec limpérialisme constituant la contradiction principale) et même, aux périodes cruciales, comme celle des négociations franco-malgaches, avec la bourgeoisie au pouvoir. Cette stratégie permettrait dutiliser les tendances des bourgeoisie et petite-bourgeoisie à une relative émancipation pour jouer sur les contradictions inter-impérialistes. Et Si possible,. même, pourquoi ne pas participer au pouvoir directement ?
Outre que lon voit mal ce qui distingue au bout du compte cette stratégie de celle de lA.K.F.M., puisquau total on cautionne les orientations dune politique économique sous la direction de la petite-bourgeoisie bureaucratique, on peut se demander aussi en quoi elle renforcerait d une manière ou dune autre les forces révolutionnaires, et leur donnerait de meilleurs atouts pour affronter les échéances que lon reculera indéfiniment. A proposer une politique économique qui ne sattaque pas au néo-colonialisme , mais entretient la dépendance sous la couverture même du contrôle étatique et laisse se développer linféodation du capital national au capital étranger, nest-ce pas renforcer dangereusement limplantation déguisée de limpérialisme; implantation dautant plus insidieuse que recouverte du manteau protecteur des discours nationalistes. Limpérialisme se diversifie ? Peut-être, mais est-ce en multipliant les dépendances quon avance vers lémancipation ? Au total, cette attitude revient à retarder dautant la libération populaire et un véritable développement économique du pays qui ne peuvent qualler ensemble puisque lun est condition de lautre et réciproquement. Si encore ce n était que reculer la libération, mais cest aussi en même temps en rendre les conditions plus difficiles.
La lutte anti-impérialiste est inséparable de la lutte des classes et la contradiction avec limpérialisme passe entre les forces bourgeoises et les Madinika, paysans, travailleurs, chômeurs. En un mot, et cest là le noeud de la position du M.F.M., sans lequel on ne peut saisir sa stratégie: " Lévolution de la société malgache, dans sa lutte anti-impérialiste (14), ne peut se concevoir sans une révolution à la base. Une nationalisation de type bourgeois est à exclure dans le cas malgache (Op. cit., Le M.F.M. par lui-même ".)
Jamais limpérialisme ne permettra une quelconque émancipation populaire réelle ? Sans doute. Mais est-ce laffaiblir que le laisser sinstaller? Il faut au contraire, tant quon le peut encore, lutter tout de suite pour empêcher sa consolidation, même diversifiée. Il faut unifier les forces révolutionnaires paysannes ouvrières pour forcer le pouvoir à sengager sur une autre voie ou se démettre. Il faut dautre part développer la solidarité révolutionnaire au niveau de la région de lOcéan indien dabord et surtout.
La collaboration évidente des puissances impérialistes dans lOcéan Indien et en Afrique, notamment des fascistes de Pretoria et de Rhodésie avec les Français, établit la nécessité de relations de soutien et de collaboration entre les révolutionnaires de lOcéan indien et dAfrique. La lutte du peuple malgache a oeuvré et oeuvre en ce sens. (~ Le M.F.M. par lui-même ..) Ailleurs, le M.F.M. précise " LOcéan indien deviendra très rapidement le lieu daffrontement des forces impérialistes contre les peuples engagés dans la libération nationale pour le socialisme (...). Les relations diplomatiques entre Pretoria et Tananarive sont rompues depuis les événements de mai 1972 à Madagascar. Mais les hommes d affaires privés sud-africains continuent à simplanter à Madagascar. Par ailleurs, limpérialisme européen et américain soutient les gouvernements racistes de Pretoria et de Salisbury contre les mouvements de libération (juin 1973).
Quant à la tactique face au pouvoir, le M.F.M. entend jouer sur ses contradictions qui le déchirent entre fractions bourgeoises, et proposer un gouvernement dunion nationale qui pourrait sans doute favoriser, volontairement ou involontairement, des transformations révolutionnaires. La tactique est justifiable du fait quaucun des partis en place ne peut prétendre accaparer le pouvoir sans soulever immédiatement une guerre civile, vu le caractère ethnique restrictif de leurs implantations lA.K.F.M., quelles que soient ses bases ponctuelles sur la côte, est fondamentalement un parti à clientèle Merina (des hauts-plateaux du centre) inversement, les P.D.C.M. - U.S.M. - P.S.D. sont des partis implantés chez les notables côtiers. Le M.F.M. voit pour sa part la " question ethnique " en ces termes : Le problème ethnique nest que la manifestation de la compétition des diverses factions bourgeoises pour accaparer la place de valet inconditionnel du pouvoir colonial. Mais le mécanisme de la compétition est plus complexe, du fait que les différentes factions se servent lâchement dinégalités sociales réelles pour réaliser leurs ambitions. ("Le M.F.M. par lui-même " )
LA PETITE-BOURGEOISIE
Le plus gros problème que pose cette stratégie cest la place qui y est faite à la petite-bourgeoisie. Le M.F.M. nest pas tendre pour elle. La position de celle-ci est ambiguë, dit-il, car elle se situe dans le cadre de lexploitation alors que son manque dassises économiques lempêche de prétendre arriver un jour à être véritable bourgeoisie.
En milieu rural, la petite-bourgeoisie est perçue par les petits paysans comme lagent direct de lexploitation qu'ils subissent. Son "prototype" en quelque sorte, cest le chef de canton. Le M.F.M. entend donc à la fois concentrer ses attaques sur elle et faire un travail dexplication pour montrer quil ne sagit là que du dernier bout dune chaîne qui remonte jusquau sommet
En milieu urbain, comme il a déjà été signalé, la petite-bourgeoisie dadministration et dentreprises peut prendre et prendra sans aucun doute, vu les orientations du pouvoir actuel, une importance grandissante dans la perspective de la mise en place dun capitalisme dEtat. Elle formera alors la masse et la base du pouvoir bureaucratique. Cest encore là une raison pour le M.F:M. d'être foncièrement critique à son égard.
Sans doute, en entrant dans le détail, peut-on sapercevoir que la position du M.F.M. est plus souple dans la pratique quelle ne lest au niveau du discours ainsi de la position vis-à-vis dune catégorie comme celle des artisans dont les conditions économiques difficiles peuvent en faire une catégorie plus facilement ralliable à la cause des Madinika; ainsi des instituteurs ou catéchistes dont linsurrection paysanne davril 1971 a révélé la capacité de sallier au mouvement populaire.
Quoi quil en soit, le M.F.M. demeure dur vis-à-vis de la petite-bourgeoisie prise globalement. Cette position peut étonner quand les condamnations critiques ne font après tout que poser le problème. Car on sait bien que ce qui caractérise la petite-bourgeoisie, cest en effet sa posItion dans lappareil dexploitation ou par rapport à lui, son sort étant lié à la poursuite de cette exploitation. Mais en même temps sa faiblesse de moyens économiques peut, sous certaines conditions, en faire une alliée des forces révolutionnaires. Alors? Tout se passe comme si le M.F.M. avait répondu à lavance en déclarant que pour ce qui est de la formation sociale malgache, la petlte-bourgeoisie ne pouvait pas ne pas être contre-révolutionnaire.
ANNEXES
(1)Comité Commun de Lutte.
(2)AK.F.M.: Parti du Congrès de lindépendance de Madagascar. Essentiellement Implanté dans la capitale et sur les Hauts-Plateaux du centre. Il possède néanmoins des bases dispersées sur la cote, constituées par une clientèle de notables qui, pour des raisons historiques lui sont restées attachées. Mais il sagit là dîlots tout à fait ponctuels.
(3) Allusion aux abattages organisés par la municipalité pour faire obstacle à la prolifération des chiens errants. Traiter quelquun de chien est une injure impardonnable à Madagascar.
(4)MONIMA parti paysan, essentiellement implanté dans le sud, son sigle signifie (littéralement: Madagascar porté par les bras des Malgaches.
(5) Arrêté en avril 1971 en même temps que les principaux membres de son parti d'alors, le MONIMA Manandafy jouera un rôle de tout premier plan lors des journées de mai 1972 Cest notamment lui qui devait lire, le 18 mai devant la foule massée sur la place de l'hôtel de ville de Tananarive, le message réclamant la destitution de Tsiranana. Il fut l'artisan principal de la jonction entre l'université et la rue, jonction qui aboutit à l'explosion.... Depuis il apparaissait comme un personnage inquiétant pour le régime du général Ramanantsoa qu'il accablait de ses sarcasmes (...) partageant plus clair de mon temps entre dAmboasarikely et le quartier populaire d'Isotry où se trouve le siège des ZOAM (....) Teint noir, yeux brillants, corps mince. Cet agitateur de 35 ans, qui abandonna le droit pour la sociologie " parce quelle donna des outils Intellectuels très précieux pour qui veut comprendre le peuple" , est dun calme impressionnant. Il na rien du révolutionnaire du verbe ou du geste tel qu'on en voit dans les beaux salons. C'est un homme réfléchi qui écoute plus quil ne parle et nouvre la bouche quaprès avoir longuement pesé ses mots. Mais ses convictions étaient dautant plus profondes. A ce portrait fidèle tracé par Siradiou Diailo (. Jeune Afrique.. n° 646. 26 mai 1973) on peut ajouter qu'il est le fondateur du M.F.M. et son secrétaire général, et quil fit durant huit jours une grève de la faim qui se termina par sa libération et celle de ses co.inculpés, lors de laudience en appel du 28 septembre 1973. Cette grève de la faim, outre quelle dénonçait les conditions de détention à Madagascar, empêcha le pouvoir de procéder à lamalgame de l'extrême-droite et de lextrême-gauche, on amnistient tout le monde à la fois...
(6) P.S.D. Parti Social-Démocrate de lex-président Tsiranana. U.S.M. Union Socialiste Malgache. fondée en 1972 par lancien secrétaire général du P.SD. et ministre de lintérieur de Tsiranana (Jusquen 1971, année de sa disgrâce). Il fut libéré, après un an de résidence surveillée, par le général Ramanantsoa en même temps que les autres prisonniers politiques.
(7)Habitants des Hauts-Plateaux du centre.
(8)F.M.T.Z. Association des parents qui soutiennent la lutte des Jeunes..
(9)Ajoutons que le parti na pas encore tenu de congrès ni élaboré de "programme "
(10)Cette présentation sommaire ne peut évidemment valoir pour une analyse sociologique, vu la diversité des campagnes malgaches .Néanmoins, elle nous semble tracer à gros traits le dessin dune situatIon répandue et de son évolution.
(11)C.N.P.D. élu le 28 octobre 1973. le C.N.P.D. constitue la seule assemblée existante, sous le régime Ramanantsoa qui, ayant supprimé le Sénat et le Parlement gouverne et gouvernera par décrets-lois et ordonnances. Cette assemblée ne sera que Consultative.
(12) Et lon peut sétonner de leur utilisation assez fréquente dans les communications du M.FM. que peuvent donc y comprendre les madinika
(13) Le M.F.M. préconise une " révolution agraire " qui suppose le contrôle total des travailleurs ruraux sur les conditions de la propriété foncière et vise à supprimer la domination et lexploitation de la campagne par la ville. Quant aux entreprises, le MFM. déclare, quil faut y - développer des comités autogestionnaires. Et il ajoute " la gauche ne prendra le pouvoir quen développant son implantation au sein des masses paysannes et des ouvriers salariés des entreprises capitalistes des villes et des plantations industrielles. Lautogestion et la révolution agraire ne simprovisent pas.
(14)- Cest nous qui le soulignons