Le M.F.M  

par Antoine BOUILLON (Novembre 1973)

Le M.F.M. (ou "  Mpitolona ho amin’ny fanjakan’ny madinika - Parti des militants pour le pouvoir prolétarien ")) n’est l’enfant prodige qui est né du soulèvement national de mai 1972. Sa création est le résultat d’une lutte ardue commencée depuis 1966 dans différentes organisations clandestines et officielles qui comprenaient alors - outre des intellectuels universitaires et des anciens militants nationalistes - des ouvriers et paysans (...)."

C’est ainsi que le M.F.M. se présente lui-même pour corriger certaines descriptions qui en avaient fait la structure unifiante des marginaux radicalisés, fers de lance du mouvement de 1972. Si ces descriptions disaient vrai, le M.F.M. serait alors rien qu’en lui-même, l’aveu d’un échec. Et le Parti veut briser l’image de marque qui ne le quitte pas depuis sa naissance, pour s’affirmer comme une véritable organisation prolétarienne, celle des madinika", mot qui signifie "petits" et qu’il faut entendre comme l’équivalent malgache de "prolétaire"

Mai 1972... C’est l’histoire connue de l’immense mobilisation populaire contre le régime de Tsiranana. Après les journées chaudes de mai-Juin, le "mouvement organisé an K.I.M. suivant la constitution des "entités" . — Tantsaha (paysans) Mpiasa (travailleurs), Mpampianatra (Enseignants), Mpianatra (Enseignés) prépare fébrilement le " Congrès Populaire " qui, fait significatif, deviendra bientôt, sous la houlette de la récupération petite-bourgeoise, un Congrès national .

Ce congrès sera un échec, péniblement ressenti dévoré entre fractions qui se soupçonnent mutuellement de manipulations, amoindri par le référendum, dont l’annonce eut lieu quelques jours seulement avant l’ouverture et qui lui retire toute portée, le confinant dans un rôle de forum revendicatif, le mouvement réuni en Congrès ne parviendra ni à prendre une position unitaire face au pouvoir et à son référendum, ni à se donner des suites organIsationnelles. C’était prévisible, vu le caractère composite du mouvement. Au cœur de cette situation, les futurs cadres du M.F.M., les Zoam et les futurs Z.M.M., mènent un combat idéologique difficile, soucieux de se démarquer sur des positions de classe intransigeantes, du fatras petit-bourgeois dont le seul dénominateur est un nationalisme, certes fort justiciable, mais plus affectif que politique, et qui constitue une plate-forme avantageuse pour toutes les récupérations et mystifications.

Après le "congrès avorteur", le référendum du 8 octobre et la rentrée des classes marquent les temps rapprochés d’un retour à l'ordre. Le travail politique n’est pas facile en cette période de retombée du mouvement populaire, où l’on voit se vérifier une fois de plus la thèse classique des fluctuations petites bourgeoises"; après l’enthousiasme et la fébrilité, le découragement , la lassitude et le repos dans les bras du pouvoir; tandis que de son côté, la bourgeoisie par la voie de I’A.K.F.M. (2) appelle au retour à l’ordre, au " travail dans l’ordre", et demande au pouvoir de bien vouloir mâter les trublions (attitude dont elle ne se départira jamais par la suite).

Après avoir salué les Zoam et leur audace suicidaire au cours journées de mai, la bourgeoisie se prend de panique face à ces hommes qui lui sont bien plus étrangers que les étrangers. Et l'on pourra lire bientôt dans Hehy (journal humoristique d'obédience A.K.F.M.) A.K.F.M.) que le temps est venu de reprendre les opérations d’abattage des chiens " (3).

C'est qu’il est nécessaire de procéder systématiquement de "révoltés", qu’ils étaient dans l’imagerie publique, les ZOAM , organisés dans la période de l’après-mai en comités de vigilance dans les quartiers, apparaissent maintenant comme des hommes responsables et de ce fait bien plus dangereux. A leur tête, un homme à abattre : Manandafy Rakotonirina Manandafy Rakotonirina, sociologue, encore militant du MONIMA à cette époque (4) "laveur de cerveaux" qu’il faudrait inculper de détournement de mineurs’, vocifère la presse petite-bourgeoise (5).

Mais ces Zoam ne sont, pour la bourgeoisie, que les éléments les plus remuants d’un mouvement qui, tout compte fait , n'en finit pas de mourir: les travailleurs organisés en "Tolon'ny Mpiasa" ( travailleurs en lutte) multiplient les grèves contrairement aux injonctions des syndicats pour l’essentiel d’obédience A.K.F.M -, A.K.F.M -, appelant à la reprise du travail et à... l’oubli de mai. On voit même en certains endroits de la campagne la base mettre sur pied des comités d’autodéfense, tel celui qui, dans la région de Fort-Dauphin, imposa le maintien du tarif des transports aux propriétaires de taxi. Les scolaires et étudiants radicaux organisés en " Z.M.M" Z.M.M" tentent d’assurer la jonction entre la masse scolarisée et les Zoam laissés pour compte. L’échec de 1’opération sera le signe que l’on n’est plus en mai la petite-bourgeoisie appuie le gouvernement; les forces radicales sont isolées.

Désir de continuer mai 1972 et conscience que l’étape est à la recherche et la constitution de nouvelles formes d’organisation, capables de lutte à long terme, partagent la conscience de ceux qui n’entendent pas en rester là. Mais la rupture avec l’unanimisme petit-bourgeois est faite et ce ne sera pas sans conséquence quant aux positions du M.F.M. plus tard.

Le MFM  

Madagascar en 2 mots

Album Photos

Votre opinion

Page d'accueil

CREER UN PARTI

Fallait-il créer un parti, avec ce que le mot et la chose suscitent d’extrême méfiance dans les couches populaires et chez les Zoam ? Avec ce que cela, à Madagascar, suggère de bureaucratie, de pratique oratoire, de suprématie des intellectuels ? Le pari fut engagé de reprendre la formule du parti, mais d’en bouleverser radicalement le contenu par une pratique inédite.

S’il y a création du parti, c’est donc bien pour créer les conditions organisationnelles à la lutte des masses, ouvriers et paysans, et dépasser quant à l’organisation et au recrutement les organisations de marginaux (Zoam et Z.M.M.). C’est en quoi effectivement le parti n’est pas l’enfant légitime des Zoam et Z M.M., et que le projet dans son fond ne date évidemment pas de mai 1972, mais des années précédentes.

Ainsi le M.F.M. affirme que " ses assises révolutionnaires se trouvent en fait dans les classes ouvrières et dans la paysannerie. Mais les forces politiques conjoncturelles qui ont favorisé sa création officielle sont effectivement les Zoam et les Z.M.M. (et aussi le K.I.M.), c’est-à-dire les marginaux qui ont su prendre direction du mouvement de mai 1972, qui a marqué "un point non-retour" dans l’histoire de la révolution malgache.

Comme le montre son histoire, le M.F.M. cherche à être une organisation de masse. Sa vocation est de "transformer les organisations de masse en forces révolutionnaires " à travers une action d’éducation permanente pour une recherche d’une culture populaire de libération. De ce fait, il deviendra un parti d’avant-garde pour réaliser pleinement l’unité des forces révolutionnaires." (" Le M.F.M. par lui-même" GIMOI n0 16.).

Sur quelles bases réaliser cette unité révolutionnaire ? Les " Statut du M.F.M. " " (décembre 1972) le précisent:

Fondements politiques du M.F.M.:

" Suppression totale des fondements des classes engendrées par l’Etat bourgeois et les Etats féodaux. Lutte pour l’élaboration d’un Etat, d’une économie, d’une société dirigés par la masse prolétarienne révolutionnaire.

Abolition de toutes formes d’esclavage et d’exploitation. des intimidations des forces bourgeoises, ainsi que des vestiges des pouvoirs féodaux.

" Les travailleurs décideront souverainement de la distribution et de l’utilisation du produit de leur travail. Les moyens de production appartiennent au peuple.

Objectifs de la lutte révolutionnaire de la masse prolétarienne

"Lutte pour triompher de l’Etat bourgeois, des capitalistes et des impérialistes. Lutte révolutionnaire du peuple malgache contre l’exploitation par les capitalistes étrangers et nationaux. La masse prolétarienne révolutionnaire dirigera le peuple malgache dans sa révolution."

A l’époque de la création du M.F.M. en décembre 1972 la répression s’affiche de plus en plus. Mieux assuré de lui-même;. le pouvoir tolère de moins en moins les actions revendicatrices, et réprime toute contestation ouverte au nom de la nécessaire et patiente reconstruction nationale, il donne le coup d’arrêt à tout ce qui peut ressembler à des initiatives de la base pour s’organiser en dehors des cadres habituels, syndicaux pour les entreprises, et traditionnels pour les campagnes. Mieux, il fait donner " ces formes traditionnelles et ces forces syndicales pour réprimer ces initiatives.

Face aux Zoam, la tactique est l’infiltration policière pour organiser le mouchardage et le démantèlement, doublée d’offres de travail temporaire. Si la première réussit dans les villes où l'encadrement n’existait qu’à-demi, ailleurs les résultats sont maigres eu égard à la facilité de l’opération. Quant à la seconde, elle se heurte à l’obstacle essentiel où trouver du travail à donner? Les premières vagues se succèdent: 300, puis 200, puis 300 éléments Zoam obtiennent un travail temporaire ; la quatrième vague promise n’arrive jamais et il faut bien s’arrêter là. Déjà les premiers bénéficiaires ne le sont bientôt plus il faut tout reprendre à zéro.

Tout reprendre à zéro, telle est aussi la tâche du parti : les organisations Zoam spontanées datant de mai sont démantelées ou dégonflées; la tactique du pouvoir a éclairci les données. Reste à parfaire le travail et à reconstruire modestement et solidement. D’une manière générale, il en est de même face à tout ce qui date de mai. Le M.F.M. ne ménage pas ses critiques envers le pouvoir et dénonce régulièrement ces répressions officielles ou larvées, tout en apportant son soutien aux luttes des travailleurs.

Le MFM  

Madagascar en 2 mots

Album Photos

Votre opinion

Page d'accueil

L’ADVERSAIRE PRINCIPAL

Mais ses critiques principales vont à l’inaction du gouvernement face à la droite tribaliste (P.S.D. -U.S.M.) (6) des déchus de l’ancien régime qui dès décembre 1972, et encore en janvier et février 1973, fomentent des troubles ethniques et "pro-français" , avec le soutien affiché de l’ambassade française et de ses consulats. Tselatra (" L’Eclair"), organe officieux du M.F.M., explique et attaque: Quand on a annoncé le référendum du 8-10-1972, le gouvernement et I’A.K.F.M. en ont profité pour briser le K.I.M. en créant des comités de soutien au " OUI" un peu partout, comités où se sont regroupés les Merina (7) vivant sur les côtes. Les côtiers qui avaient travaillé dans le K.I.M. en ont été ulcérés, et ils ont laissé s’isoler dans ces comités les Merina vivant sur la côte. Le P.S.D. en a profité pour réveiller les "luttes tribales".

Le gouvernement et I’A.K.F.M. sont les grands responsables de ces émeutes à Tamatave, par le fait qu’ils ont brisé les K.I.M. dans lesquels travaillaient ensemble les Merina de la côte et les côtiers opposés au P.S.D." ("Tselatra ", 29-12-1972.)

Le M.F.M. mènera très activement une campagne de dénonciation de l'ambassadeur français, M.Delauney: "Les propagandes de division tribale montées par la bourgeoisie à la solde de l’impérialisme arriveront à éliminer le gouvernement actuel s’il continue à se montrer complaisant à l’égard des intérêts impérialistes ( ...) Les capitalistes coloniaux installés à Madagascar tendent de congoliser la situation politique. Suivent les "faits d'armes" des représentants du gouvernement français auprès de Madagascar: Delauney et Bigeard. Le communiqué conclut: "L'impérialisme demeure l’ennemi stratégique du peuple malgache, tactiquement leurs agents au sein de la bourgeoisie malgache sont les ennemis immédiats. L’ambassade française à Madagascar ne représente plus les intérêts du peuple français si elle se range du côté des capitalistes coloniaux et des homme de l'ancien gouvernement P.S.D. - U.S.M., à travers Tsiranana et Resampa notamment. (a Pour l’amitié du peuple français et peuple malgache " conférence de presse du M.F.M., le 21 1973.)

Apportant son soutien au ministre Ratsiraka, qui dirige alors la délégation malgache aux négociations pour la révision des accords de coopération franco-malgaches. le M.F.M. n’engage aucune action d’envergure contre le pouvoir, mais mène sa campagne contre Delauney et la droite P.S.D. - U.S.M.. affirmant la détermination populaire d’obtenir le départ des bases militaires françaises et la sortie de la zone franc. On verra bientôt ses analyses confirmées quand il se révélera que les enjeux fondamentaux des négociations auront été en fait les questions monétaires et économiques bien plus que le problème des accords militaires.

Toutefois, à l’approche de la conclusion de ces négociations et de l’anniversaire du 13 mai 1972, le M.F.M. dresse le bilan d’une année de pouvoir Ramanantsoa: "Par tous les moyens en sa possession, le gouvernement Ramanantsoa s’est farouchement accroché au pouvoir au cours de sa première année d'existence (...). Les critiques sur l’incompétence du régime P.S.D. ont été reprises en compte pour justifier l’installation d’un "gouvernement dit de techniciens et d’unité nationale qui ne s’appuie que sur l’appareil d’Etat colonial entièrement conservé jusqu’à ce jour... Les fonctionnaires constituent le relais nécessaire à la conservation des intérêts impérialistes dans le pays. Ils ont été les principaux auteurs des falsifications électorales du régime, colonial et P.S.D. Les fonctionnaires d’autorité, préfets, sous-préfets, chefs de canton, sont plus forts que jamais dans la direction de l’opération dite de restructuration du monde rural en cours (Fokon’olona). Nos organisations dénoncent vigoureusement le maintien de ces fonctionnaires comme un arbitraire visant à perpétuer la domination coloniale sur Madagascar...’

En économie, "le gouvernement semble vouloir développer les dépenses publiques d’investissement... Cependant, les entreprises capitalistes étrangères continuent à monopoliser les marchés d’Etat des grands travaux (T.P., bâtiment, hydraulique). Nous revendiquons que ces entreprises soient nationalisées et autogérées sous le contrôle des ouvriers malgaches". Quant à la collecte du riz, le gouvernement en a confié la réalisation "aux fonctionnaires des " structures populaires" qui utilisent toujours le service des collecteurs des entreprises coloniales. Ces collecteurs cumulent les fonctions d'usurier, d’épicier de village et de collecteur ".

Enfin, nous dénonçons l’arrivée massive des capitalistes Japonais, américains et européens et la collusion de plus en plus évidente entre les coloniaux français de Madagascar et les Blancs d’Afrique du Sud. ("Mai malgache... Un an après") ‘. Conférence de presse du M.F.M. et des Zoam, Z.M.M., F.M.T.Z. (8), le 8 mai 1973.)

Bref, "les forces populaires ont sacrifié leurs vies pour vaincre le P.S.D., mais les fonctionnaires monopolisent aujourd’hui toute l’autorité pour impulser la population et vendre notre patrie, et les capitalistes étrangers font encore la loi dans le domaine économique à Madagascar. Il faut que le gouvernement montre clairement s’il choisit d’aller du côté des fonctionnaires et des capitalistes étrangers, ou s’il choisit d’aller du côté du peuple" (Tract distribué le 11 mai 1973.)

Le MFM  

Madagascar en 2 mots

Album Photos

Votre opinion

Page d'acueuil

D’UN 13 MAI A L’AUTRE

Mais le choix semble déjà fait: par son interdiction de toute manifestation autre que religieuse pour la commémoration du 13 mai 1972, le pouvoir se range:

" Le gouvernement a annoncé que seuls les cultes chrétiens seraient autorisés pour la célébration du 13 mai 1973. Les Malgaches chrétiens privilégiés seront maîtres de célébrer le 13 mai. pourtant, ce sont ensemble les Malgaches privilégiés et le peuple en lutte qui ont donné leur vie en sacrifice pour vaincre le P.S.D. et s'opposer aux accords d’esclavage. Mais on ferme la bouche au peuple pour la célébration de ce 13 mal.."(Tract distribué le 12 mai 1973.)"

Et ce sont les arrestations, pour avoir tenté d’organiser une manifestation interdite, dès le 12 mai au soir. Le secrétaire général et une vingtaine de militants sont arrêtés ; une quarantaine d’autres militants le seront le lendemain.

Ces arrestations et les procès qui les suivront vont être l’occasion d'une campagne politique très intense qui prouve bien que le M.F.M. n’est pas touché à mort, loin de là en même temps que l’amorce de pratiques à la fois plus modestes et plus profondes dans le travail d’agitation et de formation. A la pratique globale inspirée de mai (meetings, inondation de tracts, actions ponctuelles rapides, appels à des rassemblements sur les lieux de travail, les quartiers, etc.) succède peu à peu une pratique moins globale et plus discrète, où les organisations à la base acquièrent plus d’autonomie. De la même manière les objectifs se modifient en profondeur: il s’agit moins de favoriser l’agitation sur des thèmes communs et généraux, que de favoriser l’expression des problèmes concrets .à partir desquels, de manière non directive, peuvent se faire des réflexions et se monter des actions communes qui élèvent le degré de conscience collectif: ainsi les problèmes de ravitaillement en riz, ou les tracasseries destiné à entraver le petit commerce plus ou moins sauvage (étals sur les trottoirs), etc. Tout en gardant une vigilance aiguisée à propos de la conjoncture, le parti se sait engagé dans une lutte à long terme et n’hésiterait probablement pas à reconnaître que pour être fixée quant aux principes, sa ligne n’est pas forcément totalement élaborée, ni les voies de réalisation de son "programme" fixées définitivement. C’est surtout que, par principe il n’entend pas décider de cela par en haut, mais que cette élaboration soit au contraire un travail effectif des militants.

Nous avons voulu retracer sommairement ces dix mois d’existence du parti afin d’en faire ressortir ses origines, son projet et les actions qui l’incarnent. Comme on peut s’en douter à travers un regard sommaire sur ces dix mois d’existence, l’analyse du M.F.M. n’est pas chose aisée: non que ses principes ne soient clairs, mais parce que la réalité où il s’inscrit, où il puise ses forces et ses limites est essentiellement mouvante: la conjoncture y acquiert une importance capitale et il n’est pas toujours facile, pour un observateur étranger, de départager la stratégie de la tactique. Les lignes qui suivent se placent donc bien plutôt dans l’ordre des remarques à discuter, des hypothèses à préciser ou renverser et est-il besoin de l’ajouter elles n'engagent évidemment que leur auteur et lui seul. Qu’on veuille bien garder à l’esprit qu’il s’agit, en tout état de cause et jusqu’au bout, d’un commentaire qui n’émane d’aucune voie autorisée, mais qui est une réflexion libre, sur le mode d’un sympathie distante (9).

Qui est au M.F.M.? En quels milieux travaille-t-il ? Quel écho rencontre-t-il ? Il est bien difficile de répondre à ces questions. L’image qu’on en peut avoir de l’extérieur est facilement calquée sur des configurations politiques qui n’ont rien de comparable à en croire certains, le M.F.M. serait un parti "gauchiste" , issu de mai, théorisant sa pratique à partir de cette montée populaire de 1972, et donc limité au monde urbain par définition. Autant d’idées qu’un examen plus attentif révèle fortement nourries d’à priori. Certes il est quasi impossible en l’état actuel des choses d’évaluer quelle prise le M.F.M. a sur les masses. Ce que l’on peut mieux savoir par contre, c’est qui y milite et dans quelles populations, ne serait-ce que par les échos de la répression à laquelle ils se trouvent confrontés.

Le MFM  

Madagascar en 2 mots

Album Photos

Votre opinion

Page d'acueuil

LE FACTEUR " JEUNESSE"

D’Europe on est tenté de parler d’étudiants gauchistes d’origine petite-bourgeoise, en mal de radicalisme. Rien de plus faux. Certes, des jeunes intellectuels militent dans le Z.M.M. et certains d’entre eux sont au parti. Mais ils sont fort minoritaires au sein de la masse des scolaires et étudiants (mille fois plus effrayés qu’attirés par leur idéologie, trop conscients qu’ils sont de leur avenir  d’élite), et de plus encore soumis à une répression familiale difficilement supportable quand l’on connaît l’emprise de l’idéologie familiale et patriarcale dans la société malgache, même à Tananarive.

En réalité, c’est tout le parti qui est jeune , puisque la moyenne d’âge s’y situe vraisemblablement en dessous de 30 ans. Ce n’est pas que le M.F.M. ait fait de la jeunesse en rupture de famille son axe de recrutement, c’est qu’il s’agit là d’un fait sociologique. La jeunesse malgache (mises à part les couches aisées de la bourgeoisie étudiante) est bien plus soumise au nivellement social que les anciennes générations. Alors que l’employeur par exemple tient compte de l’origine (de caste) des adultes qui se présentent à l’embauche, ce critère joue beaucoup moins quand il se trouve devant des jeunes, et le fils d’aristocrate peut connaître des conditions de travail identiques à celles du fils de paysan.

D’autre part, c est elle qui supporte le plus le poids du " sous-développement des forces productives, non seulement par l’importance du chômage qu’elle subit, mais encore par le blocage que représente l’entretien de sa dépendance économique totale à l’intérieur des structures villageoises.

Mais il ne s’agit pas là évidemment de n’importe quelle jeunesse. L’espoir de s’en sortir individuellement tient toujours ceux qui fréquentent l’école secondaire à l’écart des questions politiques. C’est donc chez les autres que les choses se passent: les exclus de l’école (50% de scolarisés en C.P.1) et l’immense quantité de ceux qui s’en trouvent rejetés du C.P. 1 au verrou de la 6è, de la 6è à la 3è ou qui en sortent nantis du B.E.P.C. ... pour chômer ou pour regagner les bancs d’une école privée, façon comme une autre de retarder les échéances. Victime de la contradiction d’une école mise en place pour produire de la petite-bourgeoisie, et qui continue d’en produire en masse, alors que toutes les issues sont bouchées victime des contradictions imposées par la domination économique étrangère, la grande majorité des jeunes est en effet un produit inédit du néo-colonialisme.

LES Z.O.A.M.

Or c’est ce phénomène qu’il faut avoir à l’esprit quand on parle de Zoam. La spécificité de cette situation interdit de les assimiler purement et simplement à un lumpen-prolétariat et de lui associer les caractéristiques classiques de versalité exploitable par les forces en présence et d’abord par le pouvoir en place. Certes de telles considérations ne sont pas fausses. Les Zoam constituent bien un milieu urbain marginal, une sorte de frange maudite de cette jeunesse dominée. Pourtant les caractéristiques mêmes de leur " production " les placent bien plus au centre des contradictions néo-coloniales que sur la marge. Ils ne sont pas un sous-produit inévitable, mais que l’on peut contenir dans certaines limites, ils sont, au sein de la masse des jeunes, condamnée à l’impasse par le système, les éléments " marginaux ": fils de paysans qui naviguent dans leur région, de préférence autour des centres urbains, parce que la domination économique des anciens sur les terres et les troupeaux les condamne à être la main-d’oeuvre bénévole des vieux, ou... à partir, en tout cas à attendre de n’être plus jeunes; fils de l’exode rural tombés dans le miroir aux alouettes de la ville; fils de la ville, déchets du système scolaire; tous en tout cas végètent de petits travaux en petits travaux. Marginaux peut-être, mais marginaux du centre, névralgie des contradictions néo-coloniales.

C’est bien pourquoi la peur que le pouvoir, la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie peuvent en avoir représente bien plus qu’une angoisse devant la pègre l’effarement devant ces hommes qui revendiquent leur origine d’esclave accroît certes la haine de classe ; mais surtout, parce qu’organisés par comités de quartiers, d’arrondissements, et de ville sans toutefois l’être à un niveau national, vu les difficultés matérielles à ce niveau les Zoam qui ont conscience de leur force, se savent devenus les ennemis à abattre pour l’actuel régime, et n’entendent plus être les " troupes de choc d’une bourgeoisie contre une autre.. "

"  Un débat de quelques heures avec les Zoam, affirme Siradiou Diallo dans Jeune Afrique (no 646, du 26 mai 1973), fait clairement comprendre que sous les casquettes de marins, les bérets basques, les chapeaux de paille et les calots de toutes espèces se cachent des têtes bien faites, il ne s’agit pas d’une simple troupe de chômeurs déguenillés, et qui, une fois passé l’éclair de la prise de conscience, vont retomber dans leur torpeur habituelle. Bien sûr, ce ne sont pas les vieux syndicalistes des sociétés industrielles, rompus à la lutte des classes et flairant les moindres traquenards du patronat. Mais ce n’est pas non plus l’armée industrielle de réserve dont Marx a décrit l’aliénation (...). Curieux chômeurs qui sont moins préoccupés par la recherche d’un emploi que par l’aiguillon du pouvoir prolétarien.

Habituellement, la lutte en faveur de celui-ci va de pair avec la satisfaction de celui-là, Ici le premier semble mis en veilleuse jusqu’à la conquête du second. C’est le signe évident d’un optimisme sans faille, il suffit de s’organiser. Mais surtout pas à la manière traditionnelle, avec cartes de membre, cotisations, chefs, hiérarchie, etc. "

Les Zoam représentent donc la partie urbaine et organisée d’une jeunesse prolétarisée en masse. Le M.F.M. an tant que parti ne les regroupe pas tous, et ne regroupe pas qu’eux : " Les Zoam sont les sous-produits du développement capitaliste des villes; plusieurs d’entre eux sont parmi nos militants. (Mais) dans les zones rurales, des masses de jeunes éliminés par l’école capitaliste et non intégrés dans le patriarcat paysan s’organisent dans notre parti.. (Additif à l’article paru dans Lumière du 10-6-1973,)

Le MFM  

Madagascar en 2 mots

Album Photos

Votre opinion

Page d'acueuil

LA CAMPAGNE

La pénétration des campagnes en dehors de situations de crise n’est pas un travail politique aisé, sauf à le concevoir dans les salons.A Madagascar, il ne semble pas qu’il y ait de multiples voies possibles: la situation actuelle en autorise deux (s1 l’on met de côté des îlots constitués par les opérations de développement. ou " d’aménagement., qui définissent un contexte particulier qui tranche sur le reste de la campagne traditionnelle .).

soit l’on pénètre le milieu paysan en se coulant dans ses structures " traditionnelles ", de communication et d’intégration; ce qui revient à en passer par les notables et donc à y rester: ceux-ci deviennent, inévitablement, les cadres du parti. On constate alors que le milieu pénétré importe ses propres contradictions à l’intérieur de l’organisation. L’emprise peut être forte; elle n’en est pas moins marquée d’une indélébile ambiguïté (le village adhère en entier, derrière son notable, au parti révolutionnaire, tandis que le village d’à côté, du clan adverse, se constitue dans le parti droitier ennemi; au sein du parti sont reproduit les contradictions entre classes d’âge et leur mode de résolution traditionnelle, etc... C’est la voie que semble avoir prise et gardée le Monima dans le Sud du pays.

Soit l’on pénètre le milieu rural par les contradictions qui y naissent à l’intérieur même de son organisation traditionnelle et du fait du fonctionnement de celle-ci sous la domination néo-coloniale. L’institution traditionnelle qui déjà sous la colonisation assurait le maintien de l’exploitation capitaliste, continue de le faire et secrète ainsi ses propres contradictions: c’est l’ancien qui organise la production, répartissant la propriété temporaire dans les zones de production. Ce pouvoir économique clé s’accompagne bien entendu des attributs législatifs quant à la sauvegarde de la tradition. Dans ces conditions, le jeune est placé dans une situation impossible, les moyens de production se faisant de plus en plus rares par rapport au progrès démographique, et étant répartis suivant les classes d’âge il est alors forcé de n’être qu’un instrument aux mains des vieux dans leur processus d’accumulation, ou de partir(10).

Pratiquement, le pouvoir est confisqué en totalité par les vieux et l’institution traditionnelle et familiale devient le lieu de la répression : lieu de transit d’une répression qui vient de plus haut, comme lieu d’une répression locale à l’initiative des communautés. Ainsi la police intervient-elle sur les jeunes par l’intermédiaire de menaces sur les parents. Ces derniers brandissent à leur tour les menaces "mortelles "- du rejet de la famille, du clan, du tombeau.

Le M.F.M. semble donc pénétrer la masse paysanne par la couche de ses jeunes victimes du mode de production patriarcal. Les conséquences organisationnelles sont à l’opposé de celles induites par la première méthode : ce n’est plus le " hazo manga " (l’institution patriarcal) qui organise l’organisation, mais le parti a toutes les chances de s’organiser suivant sa propre ligne.

LES " MADINIKA "

Que les jeunes constituent l’effectif du parti, ce n’est donc là que la conséquence de deux faits d’ordre différent:

la stratégie de pénétration de la masse rurale d’une part;

- la décision de s’adresser aux dominés et aux exploités pour les regrouper en forces révolutionnaires. Or de plus en plus. nombreux sont les jeunes qui peuvent se dire dominés et exploités : " madinika "

Ils ne sont pas les seuls, évidemment; car les madinika ce sont les classes pauvres, dominées et exploitées elles toutes, mais elles seules. Ce terme générique recouvre donc à la fois les Zoam, la jeunesse rurale dans sa grande majorité, les paysans pauvres (salariés et métayers) et les travailleurs des entreprises.

Ainsi apparaît-il donc qu’on ne peut prétendre respecter la ligne que le M.F.M. reconnaît pour sienne quand on le réduit au facteur jeunesse; on ne se trompe pas moins quand on en réduit le champ d’action aux zones urbaines: les madinika ne sont en tant que tels ni jeunes (ni vieux), ni prolétaires urbains (ni paysans) : ce sont les exploités de la campagne et de la ville dont la masse, il est vrai, est constituée en fait, et de plus en plus, de jeunes.

Une présentation approximative que faisait le Gimoi (reprise par le journal Lumière du 10-6-1973) selon laquelle le M.F.M. "voulait représenter les travailleurs soumis directement à l’exploitation capitaliste et était implanté essentiellement dans les zones urbaines et para-urbaines ‘, donnait au M.F.M. l’occasion de préciser: La délimitation de l’implantation du M.F.M. à la zone urbaine et suburbaine trahit la réalité de nos actions militantes. Les villes constituent les foyers du développement capitaliste, les zones rurales sont les zones satellites nécessaires. Dans ces conditions ce serait une erreur de limiter notre travail politique uniquement à ces foyers capitalistes. De fait les Zoam sont les sous-produits du développement capitaliste des villes, plusieurs d’entre eux sont parmi nos militants. Dans les zones rurales des masses de jeunes éliminées par l’école capitaliste et non intégrées dans le patriarcat paysan s’organisent dans notre parti. Bien entendu des travailleurs directement exploités dans une entreprise capitaliste Industrielle ou agricole participent à notre lutte de libération nationale.

"Que l’exploitation capitaliste soit la principale cible dans le combat que nous menons, cela correspond à nos intentions et à nos actions concrètes. Mais loin de se cantonner à une implantation urbaine et suburbaine, notre organisation s’étend aussi dans les campagnes malgaches.

Evidemment, implantation réelle et champ d’action militante sont deux choses fort différentes. Mais ce serait faire abstraction de la ligne du parti et du dévouement extraordinaire de ses militants que de pronostiquer son implantation future d’après les troupes sûres dont le M.F.M. dispose aujourd’hui et qui sont en raison l’histoire récente essentiellement urbaines en effet.

Le MFM  

Madagascar en 2 mots

Album Photos

Votre opinion

Page d'accueil

LES INTELLECTUELS ET LES MASSES

Dire que le M.F.M. a pour axe de recrutement les "madinika" n’est pas un vain mot: Il vaut en effet tout aussi bien pour le recrutement des cadres du parti. Non sans que cet effort pour remodeler radicalement le rapport intellectuels-masse, ne rencontre de difficultés de taille. L’effort est très réel au sein de chaque "vondra" (comité) et échelons sous-préfectoraux et préfectoraux, on trouve systématiquement la répartition ternaire: un Mpiasa Madinika (travailleur), un Zoam, et un intellectuel. De façon plus radicale encore, l’histoire du parti et des organisations "de masse " qui l’entourent est marquée par les exigences à l’encontre des intellectuels transfuges qu’ils fassent leurs preuves, et après ils pourront parler, autant mais pas plus que les autres. Bref il s’agit de les soumettre à un traitement qui correspond à l’inversion de leur position hiérarchique dans la société en général et dans l’ensemble des autres organisations politiques plus particulièrement.

Il faut voir en effet quelle est la situation de départ: héritier d’une civilisation où le savoir a toujours été véhiculé par le pouvoir qu’il justifie, et d’une colonisation qui —. en créant l’école pour produire des Intermédiaires à sa domination a associé l’acquisition du savoir à l’acquisition du pouvoir, bref héritier d’une société fortement hiérarchisée où le pouvoir et le savoir ont toujours été confisqués par les couches supérieures dominantes, l’intellectuel malgache est plus encore qu’ailleurs investi d’une position hiérarchique sans équivoque. Cette position se reproduit inévitablement dans les partis qui rassemblèrent le peuple dans la lutte nationaliste. Les intellectuels ont dans ces organisations (partis A.K.F.M., P.D.C.M., etc.) comme dans les syndicats qui sont sous leur Influence un rôle d’encadrement de la masse et d’incontestable direction. Même au Monima où la situation est pourtant très différente, on a pu constater qu’il existait des tendances à placer les intellectuels du côté des notables, cadres et dirigeants.

On peut mesurer à partir de cela l’enjeu révolutionnaire que représente la tentative en cours au sein du M.F.M. de redéfinir totalement la place de l’intellectuel dans son rapport aux masses, en l’arrachant de son piédestal et en lui confisquant son pouvoir au profit des Madinika.

D’une manière générale, les rapports des intellectuels (encore une fois peu nombreux: certains membres du M.F.M. avancent le chiffre d’un pour cent) et des Madinika ne sont pas faciles, vu la suspicion dont ces derniers font preuve et la différence de culture, de langage, de mode de pensée et de réaction. Mais les difficultés sont affrontées dans l’espoir de les résoudre de manière révolutionnaire.

Le principal moyen de les résoudre est encore de former parmi les Madinika les cadres "intermédiaires" dont le manque aujourd’hui se fait encore fort sentir. Ils pourront seuls aider à trouver des moyens de formation et d’agitation adaptés à une population de Madinika, illettrés dans leur immense majorité. La tâche est énorme pour ceux qui se chargent d’un tel travail de formation, et leur intérêt pour les méthodes d’un homme comme Paolo Freire alliant l’alphabétisation à la conscientisation se comprend aisément.

LA REPRESSION

Que les Madinika prennent en main leur sort et prétendent organiser concrètement leur pouvoir, voilà une idée insupportable à la bourgeoisie, bien évidemment, et au pouvoir d’Etat en place.

Un gouvernement populiste ne peut prétendre s’occuper des petits qu’en leur refusant les capacités et le droit de s’occuper eux-mêmes de leurs affaires et d’avoir des idées sur la politique nationale. Aussi des formes de répression sournoises entravent sans arrêt le travail des militants, et spécialement de ceux qui travaillent en province. Le procès fait aux militants du M.F.M. pour l’affaire du 13 mai (cf. Le mois en Afrique,n° 94) n’est que l’autre versant de cette nécessité pour le pouvoir en place de réprimer les héritiers du mouvement de mai tandis qu’on bloque à la base toute tentative d’auto-organisation populaire, on tentait en même temps de frapper à la tête en faisant des militants et leaders du parti des " Le procès fait aux militants du M.F.M. pour l’affaire du 13 mai (cf. Le mois en Afrique,n° 94) n’est que l’autre versant de cette nécessité pour le pouvoir en place de réprimer les héritiers du mouvement de mai tandis qu’on bloque à la base toute tentative d’auto-organisation populaire, on tentait en même temps de frapper à la tête en faisant des militants et leaders du parti des " criminels de droit commun", tout juste bons à être traînés an correctionnelle. Cette tentative a échoué, car le gouvernement n’a pu éviter que le procès n’apparaisse ce qu’il était: un procès politique. Ce fut l’occasion pour le M.F.M. de déclencher une intense campagne politique de dénonciation du pouvoir, déchiré entre les factions bourgeoises qui ne s’entendent que sur un point: décapiter la lutte du peuple pour sa libération.

Avant le procès, le M.F.M. déclarait : En faisant comparaître devant le tribunal des militants qui ont voulu dénoncer les * chiens de garde> de l’impérialisme et du capitalisme par la commémoration du 13 mai, le gouvernement marque ses hésitations devant la lutte de libération dans laquelle Madagascar est désormais engagé. La plupart des militants traduits devant la justice étant des descendants d’anciens esclaves, le gouvernement se range de ce fait du côté de l’ancienne aristocratie qui veut perpétuer sa domination bureaucratique et féodale.

Et il concluait: Désormais, la lutte des classes entre dans une nouvelle phase à Madagascar. Ecrasée depuis mai 1972, la bourgeoisie tente de relever la tête en mettant en branle se bureaucratie d'Etat à la place de l’économie de traite coloniale. Drapée ~ dans son nationalisme étroit et xénophobe, la bourgeoisie tente de remplacer le colon français.

Le déroulement du procès et les peines infligées lui donnèrent raison. En fin de compte l’adoucissement des peines obtenues à la séance en appel du 28 septembre, tel que tous les inculpés furent le jour même reconnus libres, ne change rien au fond des choses. A mesure que se consolideront les liens du pouvoir en place et du capitalisme international, le M.F.M. sera de plus en plus l’ennemi à abattre.

S’il a essuyé un échec final dans cette affaire, le pouvoir continue la répression à l’autre bout: provocations, intimidations ou interventions policières directes se multiplient, dans le silence des campagnes tout particulièrement. Le journal officiel du parti, Ny Andry (Le Pilier ), publiait en septembre 1973 des exemples de ce que le Comité central du M.F.M. nomme une " chasse aux sorcières" : " Antsirabe, Fandriana " les récépissés des sections du parti déclarées dans cette région ne leur sont toujours pas accordées. Des menaces sont proférées contre les militants pour qu’ils ne tiennent plus de réunions;

"Fianarantsoa: les militants sont systématiquement traqués par les forces de l’ordre, convoqués à plusieurs reprises pour enquêtes à la gendarmerie (...)

"

"Manakara: Un des meneurs de la grève générale des dockers de 1972 est licencié de son poste, un an après pour servir d’exemple au reste du personnel

" Fort-Dauphin: les autorités locales ne se contentent pas de menacer les militants d’emprisonnement ou de mort, elles vont jusqu’à tenir les familles des militants sous un régime de pression et de terreur, etc. (...)

Le bulletin "Gimoi" n° 18 (octobre 1973) commente : Le retour à l’ordre dans les quartiers populaires des villes paraît converger avec une surveillance accrue dans le monde rural. Selon de nombreux témoignages, les " Fokon’olona" récemment mis en place paraissent devoir jouer essentiellement un rôle de police villageoise.

Le MFM  

Madagascar en 2 mots

Album Photos

Votre opinion

Page d'accueil

LE FONKONOLONA

L’analyse que fait sur ce point le M.F.M. tranche sur le concert de l’autosatisfaction nationaliste. Quelques points d’informations préliminaires sur le Fokon’olona sont nécessaires. Sorte de commune paysanne, à laquelle correspond tout une philosophie de solidarité villageoise entre groupes familiaux que rapproche la nécessité de collaborer dans la production, le Fokon’ olona représente un refuge et une garantie pour les valeurs de solidarité, d’entraide, et d’égalité proprement malgaches ". Le gouvernement en place a fait le pari que ces valeurs conservatrices seraient aujourd’hui susceptibles de se traduire en initiatives économiques et politiques animant le réveil des communautés villageoises, dans l’harmonie avec le pouvoir central d’Etat. D’où l’opération Fokon’olona ~, première opération de politique intérieure du gouvernement Ramanantsoa suppression des communes rurales et institutionnalisation à travers des élections à différents degrés d’un emboîtement de conseils ruraux, depuis le conseil territorial (" Fokontany"") jusqu’au niveau provincial.

Structure de " participation au pouvoir, qui renversera le rapport de domination étatique importé de l’étranger par la colonisation, le Fokon’olona serait l’unité de base d’une nation égalitaire puisque, bien sûr, tous les Malgaches, sur la base de leur malgachéité, sont égaux, n’étant divisés que d’après les sociologies importées, solidifiées en partis politiques. Il faut se souvenir à ce propos que le gouvernement Ramanantsoa se veut "apolitique"

Il s’agit donc là d’une concrétisation tout à fait intéressante de I idéologie nationaliste : unité et égalité de tous, en tant que Malgaches, et contre la domination étrangère, qui n’est après tout qu’idéologique (elle n’introduit pas de classes, mais seulement des divisions d’opinions) et extérieure.

Le M F M rétorque que l’idéologie de Fokon’olona est une mystification destinée à contrer toute forme d’auto-organisation à la base, et à raviver les structures traditionnelles d’exploitation. Somme toute, l’opération Fokon’olona lui apparaît consister en un " parachutage total, w une affaire de fonctionnaires administrateurs du peuple a qui n’aura pour effet que de raviver le " Fanjakana Andriana "littéralement: le pouvoir aristocratique, disons le pouvoir des notables. Et de fait ceux-ci se révèlent les principaux bénéficiaires de l’opération, au point que le pouvoir a de quoi s’inquiéter dans la mesure où la bourgeoisie côtière, qui était inféodée au P.S.D., se révèle gagnante. Dans ces conditions, que les élections par les membres des conseils territoriaux à la campagne, et par le suffrage universel dans les communes urbaines, envoient au Conseil National Populaire de Développe ment (11) une majorité de tendance P.S.D. - U.S.M. ne saurait étonner.

Un exemple concret peut venir à l’appui de cette analyse du Fokon’olona. Dans la région de Fort-Dauphin, des paysans s’étaient organisés (durant les derniers mois de 1972) pour imposer leurs conditions aux "karana" (indiens) propriétaires de taxi-brousse qui voulaient augmenter les tarifs. Le boycott des taxis et l'auto-organisation des transports, à pied, avaient eu raison des propriétaires. Face à cette auto-organisation populaire, les notables s'étaient totalement effacés: c’est d’en haut que vint le coup de frein répressif. Par le canal des notables qu’il réinvesti de pouvoir à travers le Fokon’olona, le gouvernement a bloqué et détruit le mouvement. En rétablissant le pouvoir des notables le pouvoir entend donc bloquer toute lutte des classes à la campagne.

LA " LUMPEN-BOURGEOISIE"

D’après le M.F.M., ces orientations du pouvoir sont facilement explicables, vu l’essence de la bourgeoisie existante Madagascar.

Les militaires ont "reçu"

D’après le M.F.M., ces orientations du pouvoir sont facilement explicables, vu l’essence de la bourgeoisie existante Madagascar.

Les militaires ont "reçu" le pouvoir de la main du Peuple parce qu’il n’existait aucune organisation révolutionnaire susceptible de le prendre. Si, comme le disaient les Zoam à S. Diallo, "le peuple était conscient et idéologiquement formé, Ramanantsoa n’aurait pas pris le pouvoir en 1972". (Jeune Afrique, art. cit.)

Le pouvoir tenait donc se légitimité du mouvement populaire qui entendait le soutenir.., mais comme la corde soutient le pendu. Par d’habiles manoeuvres politiques, le gouvernement Ramanantsoa s’est débarrassé de ce lien encombrant, rompant ses engagements envers le mouvement populaire avant de se retourner contre les organisations radicales qui en étalent issues.

Pourtant, nombreux étaient (et sont encore) ceux qui (même à l'intérieur du mouvement populaire) estimaient que le gouvernement Ramanantsoa allait accomplir "une révolution démocratique bourgeoise"Un an après la consécration du gouvernement par le référendum, de l’aveu de bien des intéressés, c’était là une illusion. Le M.F.M. en argumente les raisons:

" Le véritable changement du colonialisme au néo-colonialisme s’est effectué au niveau politique de façon superficielle, il a donné naissance à quelques 80 000 bureaucrates (constituant la "bureaucratie nationale") et d’autres agents de profession libérale, dont le rôle est de constituer un appareil d’Etat, administratif et répressif pour maintenir les structures d’exploitation économiques telles quelles. Ils étaient épaulés et secondés par des assistants techniques français.

Madagascar n’a pas été embourgeoisé en ce sens que le grand capital n’a pas su créer une véritable bourgeoisie nationale d’entreprise, qui aurait pu lui servir de partenaire valable. Fondamentalement, l’impérialisme n’a pas su se transformer pour organiser sa survie et s’est accroché à une méthode d’exploitation coloniale rétrograde.

"La lutte de libération du peuple malgache, fondamentalement dirigée contre l’impérialisme, vise à détruire l’appareil d’Etat que ce dernier s’est créé pour le défendre et le maintenir".("Le M.F.M. par lui-même, Gimoi n° 18, juin 1973.)

L’insistance mise sur le rôle de l’appareil d’Etat (et donc sur sa destruction comme objectif principal de la lutte révolutionnaire) est un trait constant des analyses du M.F.M. Parler de la "bourgeoisie" à Madagascar, de "bourgeoisie nationale" ou de "nationalisme bourgeois" c’est ne rien dire ou fourvoyer dans l'erreur tant qu’on n’a pas précisé qu’elle est de part en part d’essence bureaucratique: " lumpen-bourgeoisie", "sous-bourgeoisie" ou " bourgeoisie déléguée" les termes barbares ne manquent pas (12) pour désigner le caractère fondamentalement parasitaire et répressif d’une bourgeoisie administrative, au service dans l’appareil d’Etat, de l’exploitation néo-coloniale.

Conséquemment, placer l’appareil d’Etat au centre de l’analyse c'est situer l’importance capitale de la coercition étatique sur la paysannerie: sans cette coercition, point de marche régulière de l'exploitation.

Si l’on résume très sommairement les traits principaux de la formation sociale malgache aujourd’hui, on trouve, dit le M.F.M.: "l'inexistence d’une bourgeoisie nationale d’entreprise, mais la présence d’une lumpen-bourgeoisie", la classe ouvrière, essentiellement exploitée par les capitalistes étrangers ; la paysannerie qu’il est impossible de dominer sans le contrôle répressif d'Etat (Impôt per capital, par exemple) la réserve de main-d'oeuvre que constituent les chômeurs, périodiquement exploités l’entreprise capitaliste. (Id.)

Dans ces conditions, que signifie le nationalisme professé par le pouvoir? C’est d’une part sa seule politique possible: dans la mesure où il ne peut s’agir pour lui de mettre en oeuvre un processus révolutionnaire, Il n’a pour seule idéologie et pour seule pratique possibles (qui lui assurent le soutien populaire, qu’un nationalisme négateur de la lutte des classes. Ce faisant il récupère les masses petites-bourgeoises dont la coalition avec les forces révolutionnaires avait fait tomber Tsiranana.

Seule politique possible, mais politique du vide, d’autre par : " L’inexistence de la bourgeoisie nationale d’entreprise vide le "nationalisme" de tout son sens dans le contexte malgache. La minorité dirigeante n’est en effet pas capable de prendre en main les leviers de commande, l’appareil économique lui ayant toujours été extérieur ".(ldem.)

Ainsi, soit le nationalisme reste un discours creux mystificateur soit il se mue en volontarisme pour créer de toutes pièces un bourgeoisie nationale. En fait, il est aujourd’hui à Madagascar les deux à la fois et ne peut être autre chose: tout en mystifiant les masses pour maintenir leur exploitation, il assure que le fonctionnement de cette exploitation ne se fera pas seulement au service du capital étranger, mais aussi des classes dominantes malgaches.

Le MFM  

Madagascar en 2 mots

Album Photos

Votre opinion

Page d'accueil

LE CAPITALISME MALGACHE

Un simple regard sur le capitalisme malgache existant aujourd’hui vient à l’appui de cette thèse: limité à quelques familles, Il est tout entier concentré dans les secteurs des rizeries, du transport, et de... l’immobilier. Le manque de capitaux et la mentalité parasitaire de cette bourgeoisie qui s’est constituée dans la mouvance du colonialisme, fait d’une politique de " malgachisation " économique une entreprise de façade. Cette bourgeoisie que l’on dit nationale est en fait inféodée à l’impérialisme et son nationalisme consiste en des prises de participation plus ou moins sérieuses aux sociétés étrangères.

Il est donc difficile de voir comment le pouvoir peut envisager de créer une bourgeoisie nationale sans s’engager alors à développer l’intégration du capital malgache au capital étranger. Et c’est bien ce qu’une fraction influente (dite " Club des 48 ") au sein du gouvernement le pousse à réaliser.

Mais cette création peut aussi se faire par la voie d’une bureaucratisation radicale de l’appareil économique : c’est même la seule voie réelle de création d’une bourgeoisie qui, pour être fort peu dynamique, n’en aurait pas moins des allures plus nationales.. Et c’est ce que semble aujourd’hui décidé à faire le gouvernement Ramanantsoa. Sans aller forcément jusqu’à des nationalisations, il s’agirait d’instituer au minimum un contrôle bureaucratique d’Etat sur les entreprises étrangères. C’est ce que demande l’A.K.F.M. qui, partant de l’analyse de la phase actuelle comme phase démocratique petite-bourgeoise nécessaire, propose l’instauration d’un capitalisme d’Etat centralisé à l’image de la planification et des entreprises soviétiques. Vu l’absence de véritables entrepreneurs capitalistes nationaux pouvant remplacer les étrangers, l’A.K.F.M. propose de créer un capitalisme d’Etat dominé par la petite-bourgeoisie urbaine. Mais elle est prête à se satisfaire de l’instauration d’un contrôle bureaucratique.

Inévitablement, la politique du général Ramanantsoa aboutira à un compromis de ces deux tendances qui sont facilement repérables dans le discours d’août du général. Comme un texte du M.F.M. en juillet 1973 le signalait déjà, la politique économique tracée par le gouvernement aboutira nécessairement à un compromis entre les diverses factions de la bourgeoisie bureaucratique malgache. La politique économique du gouvernement maintiendra la domination des capitalistes étrangers sous réserve d’une participation des capitaux publics malgaches (A.K.F.M.) ou de capitaux privés malgaches (Club des 48 et triplette P.S.D. - U.S.M. - P.D.C.M.) dans les nouvelles entreprises. Le compromis bourgeois est en train de sauver ses intérêts essentiels (le profit capitaliste) contre ceux du peuple malgache.

Face à cette politique, le M.F.M. revendique l’instauration du contrôle des masses laborieuses sur les moyens de production (13) et envisage des formes d’autogestion, sans plus en dire les formes concrètes que pourraient revêtir ce contrôle ou cette autogestion, ni sur les conditions et le processus de leur mise en place. Comme personne à Madagascar ne s’est attelé à ce travail avant lui, personne ne peut lui en tenir rigueur. Néanmoins, le travail sera important à fournir pour rendre crédible cette revendication.

Mais c’est sur l’analyse de la bourgeoisie que les oppositions se font jour. Nous avons rencontré celle de l’A.K.F.M. pour qui tout tient dans le postulat de la phase historique actuelle révolution démocratique petite-bourgeoise. D’autres, plus proche du Monima par exemple, déclarent que ce qui compte c’est moins que la bourgeoisie soit " déléguée " mais plutôt qu’elle se sente exister, grâce en particulier aux divisions du peuple qui constituent sa seule force, vu son impuissance économique. il faut donc mettre en oeuvre selon eux, une stratégie d’union nationale des classes dominées avec la petite-bourgeoisie contre l’impérialisme (la contradiction avec l’impérialisme constituant la contradiction principale) et même, aux périodes cruciales, comme celle des négociations franco-malgaches, avec la bourgeoisie au pouvoir. Cette stratégie permettrait d’utiliser les tendances des bourgeoisie et petite-bourgeoisie à une relative émancipation pour jouer sur les contradictions inter-impérialistes. Et Si possible,. même, pourquoi ne pas participer au pouvoir directement ?

Outre que l’on voit mal ce qui distingue au bout du compte cette stratégie de celle de l’A.K.F.M., puisqu’au total on cautionne les orientations d’une politique économique sous la direction de la petite-bourgeoisie bureaucratique, on peut se demander aussi en quoi elle renforcerait d une manière ou d’une autre les forces révolutionnaires, et leur donnerait de meilleurs atouts pour affronter les échéances que l’on reculera indéfiniment. A proposer une politique économique qui ne s’attaque pas au néo-colonialisme , mais entretient la dépendance sous la couverture même du contrôle étatique et laisse se développer l’inféodation du capital national au capital étranger, n’est-ce pas renforcer dangereusement l’implantation déguisée de l’impérialisme; implantation d’autant plus insidieuse que recouverte du manteau protecteur des discours nationalistes. L’impérialisme se diversifie ? Peut-être, mais est-ce en multipliant les dépendances qu’on avance vers l’émancipation ? Au total, cette attitude revient à retarder d’autant la libération populaire et un véritable développement économique du pays qui ne peuvent qu’aller ensemble puisque l’un est condition de l’autre et réciproquement. Si encore ce n était que reculer la libération, mais c’est aussi en même temps en rendre les conditions plus difficiles.

La lutte anti-impérialiste est inséparable de la lutte des classes et la contradiction avec l’impérialisme passe entre les forces bourgeoises et les Madinika, paysans, travailleurs, chômeurs. En un mot, et c’est là le noeud de la position du M.F.M., sans lequel on ne peut saisir sa stratégie: " L’évolution de la société malgache, dans sa lutte anti-impérialiste (14), ne peut se concevoir sans une révolution à la base. Une nationalisation de type bourgeois est à exclure dans le cas malgache (Op. cit., Le M.F.M. par lui-même ".)

Jamais l’impérialisme ne permettra une quelconque émancipation populaire réelle ? Sans doute. Mais est-ce l’affaiblir que le laisser s’installer? Il faut au contraire, tant qu’on le peut encore, lutter tout de suite pour empêcher sa consolidation, même diversifiée. Il faut unifier les forces révolutionnaires paysannes ouvrières pour forcer le pouvoir à s’engager sur une autre voie ou se démettre. Il faut d’autre part développer la solidarité révolutionnaire au niveau de la région de l’Océan indien d’abord et surtout.

La collaboration évidente des puissances impérialistes dans l’Océan Indien et en Afrique, notamment des fascistes de Pretoria et de Rhodésie avec les Français, établit la nécessité de relations de soutien et de collaboration entre les révolutionnaires de l’Océan indien et d’Afrique. La lutte du peuple malgache a oeuvré et oeuvre en ce sens. (~ Le M.F.M. par lui-même ‘..) Ailleurs, le M.F.M. précise " L’Océan indien deviendra très rapidement le lieu d’affrontement des forces impérialistes contre les peuples engagés dans la libération nationale pour le socialisme (...). Les relations diplomatiques entre Pretoria et Tananarive sont rompues depuis les événements de mai 1972 à Madagascar. Mais les hommes d’ affaires privés sud-africains continuent à s’implanter à Madagascar. Par ailleurs, l’impérialisme européen et américain soutient les gouvernements racistes de Pretoria et de Salisbury contre les mouvements de libération (juin 1973).

Quant à la tactique face au pouvoir, le M.F.M. entend jouer sur ses contradictions qui le déchirent entre fractions bourgeoises, et proposer un gouvernement d’union nationale qui pourrait sans doute favoriser, volontairement ou involontairement, des transformations révolutionnaires. La tactique est justifiable du fait qu’aucun des partis en place ne peut prétendre accaparer le pouvoir sans soulever immédiatement une guerre civile, vu le caractère ethnique restrictif de leurs implantations l’A.K.F.M., quelles que soient ses bases ponctuelles sur la côte, est fondamentalement un parti à clientèle Merina (des hauts-plateaux du centre) inversement, les P.D.C.M. - U.S.M. - P.S.D. sont des partis implantés chez les notables côtiers. Le M.F.M. voit pour sa part la " question ethnique " en ces termes : Le problème ethnique n’est que la manifestation de la compétition des diverses factions bourgeoises pour accaparer la place de valet inconditionnel du pouvoir colonial. Mais le mécanisme de la compétition est plus complexe, du fait que les différentes factions se servent lâchement d’inégalités sociales réelles pour réaliser leurs ambitions. ("Le M.F.M. par lui-même " )

Le MFM  

Madagascar en 2 mots

Album Photos

Votre opinion

Page d'accueil

LA PETITE-BOURGEOISIE

Le plus gros problème que pose cette stratégie c’est la place qui y est faite à la petite-bourgeoisie. Le M.F.M. n’est pas tendre pour elle. La position de celle-ci est ambiguë, dit-il, car elle se situe dans le cadre de l’exploitation alors que son manque d’assises économiques l’empêche de prétendre arriver un jour à être véritable bourgeoisie.

En milieu rural, la petite-bourgeoisie est perçue par les petits paysans comme l’agent direct de l’exploitation qu'ils subissent. Son "prototype" en quelque sorte, c’est le chef de canton. Le M.F.M. entend donc à la fois concentrer ses attaques sur elle et faire un travail d’explication pour montrer qu’il ne s’agit là que du dernier bout d’une chaîne qui remonte jusqu’au sommet

En milieu urbain, comme il a déjà été signalé, la petite-bourgeoisie d’administration et d’entreprises peut prendre et prendra sans aucun doute, vu les orientations du pouvoir actuel, une importance grandissante dans la perspective de la mise en place d’un capitalisme d’Etat. Elle formera alors la masse et la base du pouvoir bureaucratique. C’est encore là une raison pour le M.F:M. d'être foncièrement critique à son égard.

Sans doute, en entrant dans le détail, peut-on s’apercevoir que la position du M.F.M. est plus souple dans la pratique qu’elle ne l’est au niveau du discours ainsi de la position vis-à-vis d’une catégorie comme celle des artisans dont les conditions économiques difficiles peuvent en faire une catégorie plus facilement ralliable à la cause des Madinika; ainsi des instituteurs ou catéchistes dont l’insurrection paysanne d’avril 1971 a révélé la capacité de s’allier au mouvement populaire.

Quoi qu’il en soit, le M.F.M. demeure dur vis-à-vis de la petite-bourgeoisie prise globalement. Cette position peut étonner quand les condamnations critiques ne font après tout que poser le problème. Car on sait bien que ce qui caractérise la petite-bourgeoisie, c’est en effet sa posItion dans l’appareil d’exploitation ou par rapport à lui, son sort étant lié à la poursuite de cette exploitation. Mais en même temps sa faiblesse de moyens économiques peut, sous certaines conditions, en faire une alliée des forces révolutionnaires. Alors? Tout se passe comme si le M.F.M. avait répondu à l’avance en déclarant que pour ce qui est de la formation sociale malgache, la petlte-bourgeoisie ne pouvait pas ne pas être contre-révolutionnaire.

ANNEXES

(1)Comité Commun de Lutte.

(2)AK.F.M.: Parti du Congrès de l’indépendance de Madagascar. Essentiellement Implanté dans la capitale et sur les Hauts-Plateaux du centre. Il possède néanmoins des bases dispersées sur la cote, constituées par une clientèle de notables qui, pour des raisons historiques lui sont restées attachées. Mais il s’agit là d’îlots tout à fait ponctuels.

(3) Allusion aux abattages organisés par la municipalité pour faire obstacle à la prolifération des chiens errants. Traiter quelqu’un de chien est une injure impardonnable à Madagascar.

(4)MONIMA parti paysan, essentiellement implanté dans le sud, son sigle signifie (littéralement: • Madagascar porté par les bras des Malgaches.

(5) Arrêté en avril 1971 en même temps que les principaux membres de son parti d'alors, le MONIMA Manandafy jouera un rôle de tout premier plan lors des journées de mai 1972 C’est notamment lui qui devait lire, le 18 mai devant la foule massée sur la place de l'hôtel de ville de Tananarive, le message réclamant la destitution de Tsiranana. Il fut l'artisan principal de la jonction entre l'université et la rue, jonction qui aboutit à l'explosion.... Depuis il apparaissait comme un personnage inquiétant pour le régime du général Ramanantsoa qu'il accablait de ses sarcasmes (...) partageant plus clair de mon temps entre d’Amboasarikely et le quartier populaire d'Isotry où se trouve le siège des ZOAM (....) Teint noir, yeux brillants, corps mince. Cet agitateur de 35 ans, qui abandonna le droit pour la sociologie " parce qu’elle donna des outils Intellectuels très précieux pour qui veut comprendre le peuple" , est d’un calme impressionnant. Il n’a rien du révolutionnaire du verbe ou du geste tel qu'on en voit dans les beaux salons. C'est un homme réfléchi qui écoute plus qu’il ne parle et n’ouvre la bouche qu’après avoir longuement pesé ses mots. Mais ses convictions étaient d’autant plus profondes. A ce portrait fidèle tracé par Siradiou Diailo (. Jeune Afrique.. n° 646. 26 mai 1973) on peut ajouter qu'il est le fondateur du M.F.M. et son secrétaire général, et qu’il fit durant huit jours une grève de la faim qui se termina par sa libération et celle de ses co.inculpés, lors de l’audience en appel du 28 septembre 1973. Cette grève de la faim, outre qu’elle dénonçait les conditions de détention à Madagascar, empêcha le pouvoir de procéder à l’amalgame de l'extrême-droite et de l’extrême-gauche, on amnistient tout le monde à la fois...

(6) P.S.D. Parti Social-Démocrate de l’ex-président Tsiranana. U.S.M. Union Socialiste Malgache. fondée en 1972 par l’ancien secrétaire général du P.SD. et ministre de l’intérieur de Tsiranana (Jusqu’en 1971, année de sa disgrâce). Il fut libéré, après un an de résidence surveillée, par le général Ramanantsoa en même temps que les autres prisonniers politiques.

(7)Habitants des Hauts-Plateaux du centre.

(8)F.M.T.Z. Association des parents qui soutiennent la lutte des Jeunes..

(9)Ajoutons que le parti n’a pas encore tenu de congrès ni élaboré de "programme "

(10)Cette présentation sommaire ne peut évidemment valoir pour une analyse sociologique, vu la diversité des campagnes malgaches .Néanmoins, elle nous semble tracer à gros traits le dessin d’une situatIon répandue et de son évolution.

(11)C.N.P.D. élu le 28 octobre 1973. le C.N.P.D. constitue la seule assemblée existante, sous le régime Ramanantsoa qui, ayant supprimé le Sénat et le Parlement gouverne et gouvernera par décrets-lois et ordonnances. Cette assemblée ne sera que Consultative.

(12) Et l’on peut s’étonner de leur utilisation assez fréquente dans les communications du M.FM. que peuvent donc y comprendre les madinika

(13) Le M.F.M. préconise une "  révolution agraire " qui suppose le contrôle total des travailleurs ruraux sur les conditions de la propriété foncière et vise à supprimer la domination et l’exploitation de la campagne par la ville. Quant aux entreprises, le MFM. déclare, qu’il faut y - développer des comités autogestionnaires. Et il ajoute "  la gauche ne prendra le pouvoir qu’en développant son implantation au sein des masses paysannes et des ouvriers salariés des entreprises capitalistes des villes et des plantations industrielles. L’autogestion et la révolution agraire ne s’improvisent pas.

(14)- C’est nous qui le soulignons

 

Le MFM   Madagascar en 2 mots Album Photos Votre opinion Page d'accueil