Ralay - Meneur de grève et pionnier du protest-song


Il faut toutefois savoir distinguer le bon grain de l'ivraie car comme "l'affaire '47", la tentative est grande de faire l'intéressant même si on n'a pas fait partie de ceux qui ont affronté les Frs à l'Hôtel de ville. Distinguer les membres du Comité de grève de celui du service permanent, des animateurs et du service d'ordre. Quitte à briser des mythes. Par exemple, Mahaleo, tout droit issu du Mouvement, était plutôt actif à Antsirabe qu'à Tananarive où le groupe n'a monté sur scène qu'une seule fois. "C'était après le 13 mai. Le comité de grève de Tana nous a fait monter pour animer le podium d'Ankatso. Par contre, nous étions impliqué à fonds à Antsirabe où nous avons composé l'hymne local du mouvement. A l'époque, j'étais en classe de 3è", raconte Dama qui se souvient que Mahaleo partageait ce jour là la scène avec Melody Jazz, le groupe de Ramy Frank. 
Parmi les autres groupes actifs sur le podium d'Ankatso, citons Rambao ("J'avais enregistré un titre de circonstance, Rotaka, vite censuré à la radio nationale", se souvient-il), Nanahary avec une composition contextuelle de Mamy ("Jijijijio"), Bessa - quelques-uns de de ses titres ont été censuré à l'époque, Pumpkins (écoutez "Blood"), Rakotozanany Stanislas, Laurent Raza, Nono Robel, Christian Ravahoaka et Xhy sy Mäa, pour ne citer que quelques exemples. Mais la personnalité qui aura symbolisé le mouvement était incontestablement Ralay.
A la fois meneur de grève, il siégeait parmi les cerveaux du "rotaka", et premier "protest-singer" que le pays ait jamais eu, Ralay mérite une évocation à part en cette période de remember. Portrait.
Hubert Andriantsalama Ramaroson était né le 27 février 1943 à Ampasimpotsy Ambatolaona-Manjakandriana. Après des études primaire à l'école privée "Buffon" (Ambondrona), il effectue le secondaire premier cycle au St Michel, puis débute le second cycle au collège Ste-Famille avant de le terminer au lycée Rabearivelo. Il se passionne très vite pour l'art, étant issu d'une famille d'artistes qui comprenait les écrivains Eliza-Freda, Rosa Beby, Bonne Feuille et les musiciens Armand Ratsimbazafy (le père de "Big" Olivier) ainsi que Randrianarivelo ("Ambarao Ry Takariva"). "Quand il allait passer l'épreuve de la musique au Bepc, raconte son père, Augustin Ramilison, lui-même jouant de l'accordéon, je lui ai conseillé de jouer Tristesse de Chopin. Il a obtenu 19 sur 20".
Jusqu'ici, rien ne le prédisposait à devenir un "leader de lutte populaire" si ce n'est d'avoir vécu la différence manifeste de statut et d'accès aux différents établissements scolaires. Ce qui le conduira à refléchir sur les différences de classe, la mode étant alors à toutes les idéologies socialisantes. Son premier acte de militant, il le fera en s'inscrivant au club Unesco pour aller enseigner les analphabètes à Vavatenina, en compagnie d'un certain... Jacques Sylla. Présent à la Foire internationale de Tamatave, en 1963, il publie son premier enregistrement sur un phénomène qui ne date pas d'hier, "Les Enfants De Rue". Première composition, premiers textes engagés. La rencontre de la musique et du militantisme social dans la conscience d'un passionné accouchera d’un "protest-singer". Ralay est né.
En fait, au début, il animait les “disco clubs” et était même choisi pour accompagner le duo Jean-Pierre et Nathalie dans sa tournée malgache. "Comme les jeunes de son époque, il adorait les Shadows. C'est plus tard qu'il découvrira Bob Dylan", selon un de ses frères, Flavien. Sinon, il a quelque peu hésité entre la musique et le théâtre. Déjà, au collège St-Michel, il créa une troupe de théâtre, les Diablotins, en compagnie de Ignace Rakoto. A l'Université, il intégre l'Ataum dont il deviendra le président. Il obtint alors une bourse pour un stage d'Art dramatique à Thonon-Les-Bains, France", se souvient un autre de ses frères, Alain.
A NOSILAVA
Ce n'est pas pour faire du théâtre qu'il intègre le Comité de grève lors des événements de '72. Le 26 avril, au stade d'Alarobia, il est le porte-parole des étudiants lors d'une rencontre avec le ministre des Affaires culturelles, Laurent Botokeky. La scène, immortalisée, a été diffusé hier sur la Tvm lors d’une séquence spéciale. Sa photo, à la Une du journal "Hehy" du 28 avril 1972, le met dans le collimateur des autorités. "Il habitait à Tsiadana lors des événements, témoigne un de ses frères, Jean-Claude. Je dormais chez lui pour protéger sa femme et ses enfants. Un jour, les Frs étaient venus en perquisition mais n'ont rien trouvé". La nuit du 12 mai, Ralay est arrêté en pleine réunion à Ankatso, avec 372 étudiants, et est transféré au bagne de Nosilava.
Ses activités de militant ont affecté sa famille. “Nous étions un peu lésé par son absence fréquente mais malgré tout, je suis fier de ce qu’il a fait”, note son fils Francky. Ceci n’a pas empêché Ralay de finir ses études pour devenir ingénieur en agronomie. Affecté à l’Odemo Tsiroanomandidy (1974) puis au Cpr de Majunga (1975), ses actions de “sensibilisation idéologique” auprès des paysans, doublées d’une appartenance au parti Mfm, le rendait mal vu par le jeune régime de Ratsiraka. Recherché, il dut s’enfuir et regagner la Capitale à pied (!). Arrêté, il fera un séjour à Antanimora où il initiera ses co-détenus aux arts martiaux, avant d’être affecté au Cpr de Tamatave (1978), il ne tardera pas à être mis au garage pour être finalement envoyé au ferme d’Ankonabe-Tsiroanomandidy, en 1981. Un mois après son arrivée à ce nouveau poste, sa famille apprend que Ralay vient de mourir d’un accident de la circulation, le 31 octobre 1981.
“Nous considérons sa mort comme suspecte. J’étais allé chercher le corps et a personnellement constaté une trace de coup sur la nuque. L’accident peut donc être une mise en scène”, déclare son frère Jean-Claude avant de poursuivre : ”Rado Marcel, un journaliste de la radio nationale, était avec moi. Tout en pleurant, il s’est juré de monter un comité d’enquête. Un mois plus tard, il mourra, par accident également, à Fandriana”.
Reste les chansons. Pionnier du “protest-song”, on lui doit entre autres “Veloma Lava”, “Raleva Sy Ratrema” et “Korisa Kapisily”... “Ralay est mon modèle. C’est lui qui m’a inspiré pour devenir ce que je suis”, a confessé Yvon Sareraka qui a connu Ralay à Majunga. Demain après-midi, Ramaria Valahara, en compagnie de Francky, le fils, devenu steward, chantera les chansons de Ralay sur le podium du 13 mai. En hommage à cette figure incontournable du mouvement estudiantin et précurseur des chansons à textes.
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R. D.

Nalaina tamin'ny gazety Express de Madagascar

Voici quelques paroles des chansons de RALAY:

Narodan'ny zaza mpanao be andiany

Koto sy Kala

Ratrema sy Raleva

Mangina Razandriko izany

Ny maro an'isa tsy maintsy manjaka

Ny adin'ny ASA sy RENIVOLA

Na ho vy Na ho vato

Faneva mena